Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Encore une fois, peut-être aurions-nous dû méditer, voire compléter, plus avant la citation de Laplace avant de nous lancer bille en tête dans l’anthropocène comme nous l’avons fait [1] ?
« Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers, comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence [artificielle] qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome », Laplace, Essai philosophique sur les probabilités.
Il existe certaines similitudes que nous préférerions éviter de faire. Et pourtant ! Il le faut !
Dans le cas de l’accident de Puisseguin en Gironde, il y a bien eu un avant, un pendant et un après, trois phases au cours desquelles le système complexe observé (à savoir l’ensemble Terre + route + camion + car) est passé de toute évidence par plusieurs états successifs.
L’après (à savoir les ricochets suite à l’incident initial, tels que le choc ou l’accident, la perforation du réservoir secondaire, l’arrêt complet du système, puis l’incendie) ? C’est hélas là que nous en sommes aujourd’hui puisque personne, y compris les deux chauffeurs des poids lourds concernés, ne pouvait anticiper le drame qui devait se jouer ce jour là sur cette petite route de campagne de Gironde. Seule l’enquête des gendarmes d’ores et déjà difficile, du fait de l’état carbonisé des chronotachygraphes, pourra permettre de démêler les prédicats vrais des faux afin de modéliser au mieux l’avant (à savoir l’état initial du système ou le calme relatif) [2] [3]. Et nul doute que le pendant (à savoir l’incident initial tel que le ripage du tracteur du camion) sera révélateur d’indications importantes, tout comme l’après en termes de dissipation d’énergie par les structures des véhicules et donc de vitesse relative au moment de l’impact, dont nous serions tentés de dire qu’elle ne semblait pas très élevée au regard des photos diffusées dans la presse. La structure du car semble pour le moins très peu déformée au regard de celle du tracteur du camion, et « ne s’est pas désintégrée lors de l’opération de soulèvement » [4]. Le chauffeur du car a pu en réchapper et sauver des vies [5]. En outre, il est frappant de noter les témoignages des quelques rescapés de l’accident et d’accorder une attention particulière au choix de certains mots, comme ici :
« […] on voit absolument rien, vous entendez le choc et puis […] sauve qui peu. […] il n’y avait pas de panique dans le car, on a bien descendu l’escalier, mais après ça a été tellement vite par la fumée […] » [6]
… ou comme ici :
« Le feu a démarré tout de suite. C’était comme un éclair. » [5]
… ou encore ici :
« Ce petit choc qu’il y a eu qui a embrasé le car. » [7]
Ce n’est donc pas le choc que les rescapés du car retiennent le plus, encore moins le ripage du camion que la majorité d’entre eux ne pouvaient entrevoir vers 7h30 du matin, mais bien le moment précis où la fumée envahit l’habitacle du car piégeant l’ensemble des passagers qui n’étaient pas encore descendus. Nous connaissons ensuite le dénouement de ce drame et l’enquête permettra de déterminer les raisons exactes de l’embrasement rapide du car qui s’en est suivi [8] en présence vraisemblablement d’un « nébulisat » de gasoil du fait de la perforation du réservoir secondaire du camion au moment du choc [2] [3].
Face à une telle situation plusieurs hypothèses entrent bien évidemment en ligne de compte et ce sera le rôle des enquêteurs de ne retenir que celles qui s’avéreront les plus probables au regard des indications et des témoignages.
Mais au delà de ces hypothèses, et alors même que la probabilité de réalisation de l’après tendait exponentiellement vers 1, il est une question qui demeure totalement en suspens : les deux chauffeurs et/ou les passagers disposaient-ils d’une solution leur permettant d’éviter le pire ?
Par exemple, une sortie de route de l’un des deux poids lourds, notamment du camion dont le chauffeur semblait d’ores et déjà avoir perdu le contrôle, était-elle possible et pouvait-elle permettre d’éviter le pire scénario ?
Probablement ! Sauf que tout ceci dépend de ce qu’il est convenu d’appeler le comportement humain face au danger. Or, tout cela relève du niveau d’éducation, de la capacité d’observation, de la pensée philosophique et de l’état psychologique des individus à cet instant.
Transposons maintenant cette question au cas de la catastrophe naturelle qui devait se jouer tout récemment sur la Côte d’Azur [9] : les autorités et/ou les habitants disposaient-ils d’une solution leur permettant d’éviter le pire ?
Probablement ! Mais là aussi, tout ceci dépend de ce qu’il est convenu d’appeler le comportement humain face au danger. Or, tout cela relève une fois de plus, du niveau d’éducation, de la capacité d’observation, de la pensée philosophique et de l’état psychologique des individus à cet instant :
– ce n’est donc pas parce que nous serions dans un parfait état psychologique que nous serions en mesure de bien réagir face au danger en l’absence du socle de connaissance approprié, d’une capacité sensorielle optimale ou d’un bel esprit philosophique, de même
– ce n’est pas parce que nous présenterions un bel esprit philosophique que nous serions en mesure de bien réagir face au danger en l’absence du socle de connaissance approprié, d’une capacité sensorielle optimale ou d’un parfait état psychologique, de même
– ce n’est pas parce que nous disposerions d’une capacité sensorielle optimale que nous serions en mesure de bien réagir face au danger en l’absence du socle de connaissance approprié, d’un bel esprit philosophique ou d’un parfait état psychologique, enfin
– ce n’est pas parce que nous aurions accès au socle de connaissance approprié que nous serions en mesure de bien réagir face au danger en l’absence d’une capacité sensorielle optimale, d’un bel esprit philosophique ou d’un parfait état psychologique.
Ainsi, telle une orgie de preuves de l’énorme « soliton » qui se joue actuellement sous nos yeux égarés, nous pourrions transposer à l’infini cette question propre à Puisseguin, et notamment à tous les événements connus tels que, parmi les plus récents, les plus intenses, les plus meurtriers, mais aussi les plus coûteux de l’Histoire de l’Humanité :
– l’ouragan Floyd depuis les Bahamas jusqu’à la Côte Est des États-Unis en 1999, la tragédie de Vargas au Venezuela en 1999, les tempêtes Lothar et Martin en France en 1999, le crash du vol Kenya Airways dans l’océan Atlantique en 2000, la rupture de digue de Baia Mare en Roumanie en 2000 [10], le crash du vol Concorde en France en 2000, l’incendie du funiculaire de Kaprun en Autriche en 2000, la tempête Allison depuis la Louisiane jusqu’à la Côte Est des États-Unis en 2001, les attentats de 2001 aux États-Unis, l’explosion de l’usine AZF en France en 2001, le début de la guerre d’Afghanistan en 2001, l’ouragan Michelle depuis le Honduras jusqu’aux Bahamas en 2001, le crash du vol American Airlines aux États-Unis en 2001, la désintégration de la barrière de glace Larsen B en Antarctique en 2002, la catastrophe ferroviaire d’El Ayatt en Egypte en 2002, le crash du vol China Airlines dans le Détroit de Taïwan en 2002, la catastrophe ferroviaire d’Igandu en Tanzanie en 2002, l’ouragan Lili depuis les Antiles jusqu’à la Louisiane aux États-Unis en 2002, l’avalanche depuis le glacier de Kolka en Russie en 2002, l’ouragan Kenna au Mexique en 2002, le naufrage du pétrolier Prestige en 2002, le début de la guerre du Darfour en 2003, la désintégration de la navette spatiale Columbia en 2003, l’incendie criminel du métro de Daegu en Corée du Sud en 2003, le début de la guerre d’Irak en 2003, la canicule en Europe en 2003, le naufrage du pétrolier Tasman Spirit en 2003, l’ouragan Isabel depuis les Antilles jusqu’à la Côte Est des États-Unis en 2003, l’explosion d’un train de marchandise à Neishabour en Iran en 2004, le cyclone Gafilo à Madagascar en 2004, l’explosion d’un train de marchandise à Ryongchon en Corée du Nord en 2004, l’ouragan Charley depuis Cuba jusqu’à la Floride aux États-Unis en 2004, l’ouragan Frances aux Bahamas en 2004, l’ouragan Ivan depuis Cuba jusqu’à la Louisiane aux États-Unis en 2004, l’ouragan Jeanne depuis les Bahamas jusqu’à la Floride aux États-Unis en 2004, le séisme sous-marin de Sumatra en 2004 d’une magnitude de 9.3 qui provoqua le tsunami le plus meurtrier de l’Histoire, la catastrophe ferroviaire d’Amagasaki au Japon en 2005, l’ouragan Dennis depuis les Antilles jusqu’à la Floride aux États-Unis en 2005, le crash du vol West Caribbean au Venezuela en 2005, l’ouragan Katrina depuis Cuba jusqu’à la Louisiane aux États-Unis en 2005, l’ouragan Rita depuis Cuba jusqu’à la Louisiane aux États-Unis en 2005, le séisme de Cachemire au Pakistan en 2005, l’ouragan Wilma depuis Cuba jusqu’à la Floride aux États-Unis en 2005, l’éruption du volcan de boue de Sidoarjo en Indonésie provoqué en 2006 par un forage pétrolier, l’ouragan Ioke à l’Atoll Johnston en 2006, le crash du vol Pulkovo Airlines en Ukraine en 2006, le crash du vol Gol en Amazonie en 2006, le début de la guerre de la drogue au Mexique en 2006, le crash du vol TAM Linhas Aéreas au Brésil en 2007, la catastrophe ferroviaire de Kakenge au Congo en 2007, l’ouragan Dean depuis les Antilles jusqu’au Mexique en 2007, la crise des subprimes en 2007, les tempêtes de neige en Chine en 2008, le blizzard d’Afghanistan en 2008, la catastrophe ferroviaire de Zibo en Chine en 2008, le cyclone Nargis en Birmanie en 2008, le séisme de Sichuan en Chine en 2008, le crash du vol Spanair en Espagne en 2008, la chute de Lehman Brothers aux États-Unis en 2008, les inondations de Santa Catarina au Brésil en 2008, le feu de brousse du Victoria en Australie en 2009, le crash du vol Air France dans l’océan Atlantique en 2009, le crash du vol Yemenia au Comores en 2009, le crash du vol Caspian Airlines en Iran en 2009, le typhon Morakot à Taïwan en 2009, l’échec de la conférence de Copenhague ou COP15 en 2009, le séisme de Haïti en 2010, l’avalanche de Salang en Afghanistan en 2010, l’avalanche de Kohistan au Pakistan en 2010, la tempête Xynthia en France en 2010, la catastrophe pétrolière Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique en 2010, le début de la crise de la dette publique grecque en 2010, le crash du vol India Express en Inde en 2010, les inondations dans le Var en France en 2010, le crash du vol Airblue au Pakistan en 2010, les incendies de forêt en Russie en 2010, la canicule au Japon en 2010, les inondations de Rio de Janeiro au Brésil en 2011, la révolution libyenne en 2011, le tsunami de Töhoku au Japon en 2011, la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, le scandale du Libor en 2011, le début de la guerre civile syrienne en 2011, les attentats de 2011 en Norvège, le début de la seconde guerre civile irakienne en 2011, l’explosion d’un dépôt de Brazzaville au Congo en 2012, l’avalanche depuis le glacier de Siachen au Pakistan en 2012, le crash du vol Dana Air au Nigeria en 2012, la fonte record de la calotte glacière du Groenland en 2012, la fonte record de la banquise arctique en 2012, la super tempête Sandy depuis les Antilles jusqu’à la Côte Est des États-Unis en 2012, l’effondrement d’un immeuble à Dacca au Bangladesh en 2013, l’explosion d’un train pétrolier à Lac-Mégantic au Québec en 2013, la catastrophe ferroviaire de Saint-Jacques de Compostelle en Espagne en 2013, le typhon Haiyan aux Philippines en 2013, le début de la guerre civile sud-soudanaise en 2013, le crash du vol Malaysia Airlines dans l’océan Indien en 2014, le crash du vol Malaysia Airlines en Ukraine en 2014, le début de la guerre contre l’Etat islamique en 2014, l’explosion dans une mine de Soma en Turquie en 2014, la guerre de Gaza en 2014, le crash du vol AirAsia dans la mer de Java en 2014, l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, le crash du vol Germanwings en France en 2015, le déversement dans l’Animas au Colorado de l’eau usée de la mine Gold King en 2015, le typhon Soudelor depuis les Mariannes du Nord jusqu’à la Chine en 2015, l’explosion dans le port de Tianjin en Chine en 2015 [10], le scandale Volkswagen en 2015, le typhon Dujuan à Taïwan en 2015, l’ouragan Patricia au Mexique en 2015, le crash du vol Metrojet en 2015, etc.
– sans oublier l’accentuation des flux de réfugiés partout dans le monde [11], l’expansion du septième continent sur tous les océans [12] [13], l’augmentation du chômage de masse au sein des pays développés [14] et l’augmentation des richesses accumulées par les 1% [15]…
Rq. il est désormais possible de participer à la lutte contre le septième continent au moyen d’une application dédiée pour smartphone [16]… la chasse aux pollueurs est ouverte !
Eh bien voilà… Félicitons l’Humanité ! Hélas, ce ne sont là que quelques exemples auxquels nous pourrions/devrions au moins rajouter les quelques 2053 essais nucléaires réalisés par une poignée seulement de pays riches, entre 1945 et 1998 [17]… à voir ou à revoir… et à méditer :
Puis à chaque fois, cette même et unique question qui revient : l’Humanité disposait-elle d’une solution lui permettant d’éviter le pire ?
Probablement ! Mais là encore, tout ceci dépend de ce qu’il est convenu d’appeler le comportement humain face au danger. Or, tout cela relève, une fois n’est pas coutume, du niveau d’éducation, de la capacité d’observation, de la pensée philosophique et de l’état psychologique des individus à cet instant.
Voici ce que déclarait à l’époque François Hollande suite à la décision de Jacques Chirac de maintenir huit essais supplémentaires avant l’interruption définitive des essais français [18] :
« Sous la pression internationale, le président de la république réduit le nombre des essais, et donc engage un mouvement de recul pour essayer de calmer le jeu mais en même temps, la demande qui lui est faite n’est pas de réduire le nombre des essais, même si ça prouve d’ailleurs que techniquement il n’y avait pas de nécessité à faire huit essais comme on l’a prétendu, mais ce qui est demandé aujourd’hui au plan internationale c’est l’arrêt des essais. Je crois qu’il y a eu une improvisation une nouvelle fois, il y a eu une sous-estimation de l’émotion internationale qui allait naître avec la reprise des essais nucléaires et aujourd’hui on se rend compte qu’il faut essayer de reculer en bon ordre mais la meilleure des décisions aurait été de ne pas reprendre les essais nucléaires, et aujourd’hui la meilleure des décisions à prendre serait d’arrêter les essais nucléaires puisqu’il n’y a visiblement pas de justification militaire et technique. »
Ainsi donc, il fût un temps où monsieur Hollande reconnaissait comme il se doit qu’il fallait bel et bien tout arrêter et que l’heure des demi-mesures n’était plus au rendez-vous ; il serait très important de nous rappeler tout cela à notre bon souvenir à l’approche de la COP21…
C’est étonnant, mais le fait simplement de retranscrire ces propos permet de se souvenir de ce qu’écrivent Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur livre intitulé, Comment tout peut s’effondrer, Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, aux éditions du Seuil, avril 2015, 296 pp. [19] dont voici un court extrait clé tiré de la page 132 :
« Alors que l’on s’arrête pour constater bouche bée la fragilité de notre situation, on entend autour de nous les autres hurler à l’unisson : » Aller ! On court ! On saute ! On accélère ! Faut pas s’arrêter ! » »
Et nous en sommes bel et bien là aujourd’hui, là où tous ceux qui prennent suffisamment de recul par rapport à la scène, déclarent haut et fort qu’il faut tout arrêter, et là où tous ceux qui au contraire demeurent toujours sur la scène, prétendent ouvertement tout le contraire. Mais alors, qui croire ? Sans doute les plus libres d’entre eux, à savoir ceux ne subissant aucune influence de la part des lobbies et ne jouant donc pour ainsi dire aucun rôle.
Dans ces conditions, que pourrions/devrions-nous faire ?
Jacques Attali répondait récemment à cette question par un véhément « Réveillez-vous ! » [20] que Pablo Servigne et Raphaël Stevens pourraient sans doute retenir afin de venir compléter leur énumération précédente dans le cadre d’une nouvelle édition augmentée de leur Petit manuel de collapsologie, tout comme la réponse de Nicolas Hulot dans son manifeste intitulé, Osons ! Plaidoyer d’un homme libre, aux éditions Les Liens qui Libèrent, octobre 2015, 94 pp. [21], puisque dans les deux cas, les nombreuses questions qui fâchent, telles que la propriété privée [22] et le nucléaire [23] [24], ne sont toujours pas posées.
Puis il y a quelque chose de sous-jacent derrière tout cela qui pourrait/devrait nous indigner au plus haut point : le fait de prôner/encourager une fois de plus l’initiative et l’action individuelles à outrance. Or, c’est justement l’initiative et l’action individuelles qui minent, rongent, polluent et détruisent l’ensemble de la biosphère terrestre depuis des décennies [25] [26], entraînant inexorablement l’Humanité à sa propre perte en tant qu’espèce.
C’est tout de même étonnant cette manie que nous avons d’oublier si facilement les enseignements que nous lègue l’Histoire. Il fut un temps où le mot d’ordre ambiant était à l’action collective au profit du bien commun, et non à l’action individuelle au profit de soi !
A ce sujet, nous pourrions/devrions souligner le travail remarquable entrepris depuis plusieurs années par l’anthropologue Paul Jorion, en citant notamment un passage clé situé à la page 87 de son dernier livre, Penser tout haut l’économie avec Keynes, aux éditions Odile Jacob, septembre 2015, 318 pp. [27] :
« Il arrive même que le laisser-faire débouche sur la destruction du système économique :
[…] il se peut même que l’intérêt [égoïste] des individus aggrave la maladie (Keynes [1926b], [1931] 1972 : 291-292) »
Tout est dit ici ! Or, en dépit de cet avertissement, nous poursuivons sans relâche dans cette voie du chacun pour soi, chacun défendant comme il le peut ses propres intérêts tout en convoitant les intérêts d’autrui. C’est ainsi que depuis des décennies, chacun de nous évolue inconsciemment ou consciemment, c’est selon, sur une sorte de ruban de Möbius sur lequel nous nous retrouvons alternativement dans le rôle du prédateur ou de la proie. Sauf que dans cette gigantesque pyramide humaine façon Ponzi, dans cette chaîne alimentaire où capitalisme rime essentiellement avec cannibalisme, il y a une base et un sommet, et qu’il est pour le moins vital de ne jamais se retrouver orienté vers la base où la somme cumulée des profits s’y retrouve quasi nulle, voire négative, au sens de la religion économique actuelle.
Tout capitaliste qui se respecte sait donc qu’un tel système de Ponzi ne peut tenir, lui être favorable, voire profitable, que si chacun des acteurs/agents économiques joue pleinement son rôle. Dès lors que plusieurs d’entre eux deviennent défaillants, c’est toute la chaîne de Ponzi qui se retrouve directement menacée. D’où cette même et unique question qui revient en boucle à l’heure du « capitalisme à l’agonie » : les capitalistes et/ou les agents économiques disposent-ils d’une solution leur permettant d’éviter le pire ?
Probablement, si l’on en croit la propagande politique et médiatique qui nous est servie en permanence depuis 2007 ! Mais là encore, tout ceci dépend de ce qu’il est convenu d’appeler le comportement humain face au danger. Or, tout cela relève bel et bien du niveau d’éducation, de la capacité d’observation, de la pensée philosophique et de l’état psychologique des individus à cet instant.
Voici donc pourquoi la tendance actuelle, de ce que nous pourrions/devrions bientôt appeler « capitalisme zombie » si nous n’y prenons pas garde, ceci par analogie avec le « catholicisme zombie » démontré par Emmanuel Todd dans son livre intitulé, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, aux éditions du Seuil, mai 2015, 247 pp. [28], est bel et bien à l’automatisation/robotisation/digitalisation des tâches, et non à la perpétuation de l’humanisation de notre société dont l’impact psychologique, voire psychiatrique, est devenu au fil des ans totalement incontrôlable aux yeux de ses instigateurs/bourreaux, faisant fi de toute autre considération philosophique… d’où le chômage de masse irréfutable en découlant ; quand la densité va, tout va [29] !
Rappelons à notre bon souvenir ce court extrait du film Time Out d’Andrew Niccol, sorti en salle le 23 novembre 2011 :
« Pour quelques immortels, beaucoup doivent mourir… »
Et nous pourrions tenir le même raisonnement concernant les flux de plus en plus importants des réfugiés qui fuient la guerre et/ou la crise environnementale, économique et sociale. Ce qui nous amène tout naturellement aux questions de protection de l’environnement, et notamment à la question de l’enrayement de l’emballement climatique en cours…
Car sur le plan climatique, les choses ne sont pas près de s’arranger si rien n’est décidé immédiatement, loin de là, n’en déplaise aux irréductibles climato-sceptiques et autres écolo-sceptiques dont les études souffrent toutes du cloisonnement qui leur est imposé par des lobbies patentés, et qui se noient dans des délires prédictifs, ne maîtrisant absolument pas les règles élémentaires de la supervision des points de fragilité des systèmes complexes observés [30] ; être systémicien de nos jours, ça ne s’invente pas, c’est être généraliste, c’est un métier, mais un métier QUI NE PAYE PAS tant nos déductions dérangent, voire ne conviennent pas aux partisans de la langue de bois tels que les lobbies ! En outre, il est pour le moins hallucinant de constater qu’en 2015, à l’heure de la collecte des données en quasi temps réel et du calcul haute performance, nous puissions encore et toujours nous contenter d’études s’appuyant sur des données d’ores et déjà dépassées de plusieurs années alors même que des données de dernière minute sont d’ores et déjà stockées au sein des gisements un peu partout dans le monde. De plus, il est tout bonnement incompréhensible de constater qu’en 2015, à l’heure dite de l’open-data, des données d’observation de tel ou tel phénomène observable puissent encore et toujours appartenir exclusivement à tel ou tel organisme, qu’il soit privé ou bien public. Sur la base de ces deux constats, c’est bel et bien l’ensemble de la communauté scientifique qui se tire deux balles dans le pied ! Aussi, s’il y a bien deux choses qui devraient être réformées de toute urgence sur le plan international, si nous souhaitons réellement que l’ensemble de la biosphère terrestre puisse être sauvegardée en l’état, ce serait effectivement celles-ci :
– la propriété intellectuelle d’une part, et
– OHERIC… et blablabla d’autre part.
A ce stade, nous avons perdu suffisamment de temps. Or aujourd’hui, les faits sont là. Ils sont indiscutables et nous accablent. Il est peut-être même déjà trop tard… Tel est le goût amer du fruit pourri de notre orgueil !
Eh puis, faisons un peu grincer les dents de quelques partisans de l’inductivisme, si ce n’est tous, en citant simplement ceci :
« Je suis convaincu que sans théorie, il n’y aurait pas d’observation. », Charles Darwin, La vie et la correspondance de Charles Darwin avec un chapitre autobiographique.
Devant l’évidence même de nos échecs, il serait donc grand temps de réconcilier inductivisme et déductivisme, l’un n’allant pas sans l’autre et vice versa…
En attendant, c’est ainsi que l’on nous annonce à tue-tête un hiver 2015-2016 glacial sans en expliquer très clairement le contexte, à savoir que les fontes saisonnières massives de la calotte glacière du Groenland, combinées aux fontes saisonnières non moins négligeables de la banquise arctique, entraînent un refroidissement du courant Atlantique Nord du fait de l’enthalpie de fusion de la glace qui se traduit toujours par une réaction endothermique locale (qui produit du froid) ; et il n’est nul besoin de s’y connaître en météorologie pour déduire cela au regard des volumes de glace concernés, c’est tout simplement du bon sens. Ce qui signifie aussi que le réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre, dont il est bon de rappeler que certains PRG (potentiel de réchauffement du gaz à effet de serre) frisent le délire (bien au delà des 10000 après 100 ans passé dans l’atmosphère), est en train de lourdement peser sur la circulation thermohaline des océans et qu’il serait donc grand temps de s’en rendre compte !
Ce qui est certain maintenant, c’est que ce phénomène ne passe plus du tout inaperçu. Sur cette carte de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), par l’intermédiaire de son département National Centers for Environmental Information [31], correspondant à la consolidation des données de mesure sur la période allant de janvier à septembre 2015, la région froide de l’Atlantique Nord y est vraiment très nette :
Notons au passage que 2015 serait bel et bien sur le point de détrôner 2014 en devenant mois après mois, l’année la plus chaude depuis le début des mesures en 1880. Mais il y a plus inquiétant encore, à savoir les prévisions relatives au phénomène El Niño toujours en cours de formation au large des côtes de l’Équateur et du Pérou. C’est ainsi que les scientifiques de la NOAA, par l’intermédiaire de leur département Climate Prediction Center, maintiennent leur prévision d’un phénomène El Niño 2015-2016 extrême [32] :
Source : NOAA Climate Prediction Center [32].
Rq. les anomalies de températures qui sont indiquées sur ces graphes correspondent à celles des eaux de surface des océans… notez y une fois encore la région froide très marquée de l’Atlantique Nord qui corrobore notre précédente information relative aux craintes de ralentissement du Gulf Stream dans cette région…
Il n’est donc pas du tout étonnant de pouvoir observer dès cette année dans cette région du Pacifique des phénomènes climatiques extrêmes tels que l’ouragan Patricia tout récemment. Il semblerait même que l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 soit d’ores et déjà située autour de +2°C, ce qui n’est pas encore confirmé par la NOAA qui doit attendre un délais de 3 mois consécutifs pour pouvoir valider ou invalider ses mesures. Toutefois, nous pouvons remarquer que les modèles de l’IRI (International Research Institute) prennent d’ores et déjà en compte cette anomalie de +2°C en El Niño 3.4 :
Source : NOAA Climate Prediction Center [32], mise à jour IRI du 13 octobre 2015.
Rappelons enfin que tous les ouragans les plus intenses jamais enregistrés se sont toujours produits dans l’océan Atlantique après le franchissement d’un pic de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4, dont trois rien qu’en 2005 : Camille en 1969, Allen en 1980, Gilbert en 1988, Mitch en 1998, Ivan en 2004, Katrina, Rita et Wilma en 2005, Dean en 2007 [9]…
Ce n’est donc certainement pas un hasard si l’ouragan Mitch, de catégorie 5, reste le deuxième ouragan le plus meurtrier de l’Histoire avec près de 10000 morts, juste après le Grand ouragan de 1780 qui avait fait plus de 22000 morts. En effet, Mitch s’est produit en octobre 1998, juste après le passage en décembre 1997 du pic record de l’anomalie de température de surface en El Niño 3.4 jamais enregistrée depuis 1950, à +2,2°C. Aussi, si ce record de 1997 devait être égalé, voire battu comme le laissent entendre certains modèles de l’IRI, sachant en outre que le refroidissement en cours de l’Atlantique Nord a pour effet immédiat de retenir les eaux chaudes plus au sud, alors il s’en suivrait probablement une saison 2016 d’ouragans très agitée.
C’est donc bel et bien dans ce contexte d’emballement climatique extrême que nous nous rapprochons de l’instant fatidique où l’Humanité, plutôt que de se quereller, va devoir s’apprêter à faire corps autour des 195 Chefs d’États qui seront bientôt réunis à Paris, dans le cadre de la COP21 qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre 2015, autour de cette seule et unique question fondamentale : l’Humanité dispose-t-elle d’une solution lui permettant d’éviter le pire ?
A cet instant précis où les Chefs d’Etats devront prendre acte de leurs décisions, personne sur Terre ne pourra dire : « Je ne savais pas ! ». Les avertissements sont d’ores et déjà là, tout autour de nous, voire sous nos yeux, rendus accessibles à tous grâce à la magie de l’une des plus belles inventions de l’Humanité : Internet…
C’est donc là notre dernière et ultime chance à tous, y compris celle des 1%, si nous souhaitons réellement mettre un terme définitif au volume le plus inique de notre Histoire, celui d’un capitalisme prédateur et ravageur [33]. Dans le cas contraire, le choc de complexification/diversification n’aurait pas lieu. Il s’en suivrait un effondrement inéluctable et irréversible de notre civilisation.
Aussi, peut-être serait-il salutaire de nous rappeler à notre bon souvenir Le temps qu’il fait de Paul Jorion, notamment celui du jeudi 16 avril 2015. A la fin de son propos, Paul Jorion évoque les traces que nous laissons à la disposition des robots afin qu’ils puissent se souvenir que certains parmi nous ont tout tenté afin de susciter une réaction positive des nantis, voire de l’espèce humaine toute entière [34] :
« Le problème ne se posera pas après de savoir que… c’est uniquement, je dirais, c’est uniquement aux yeux des robots qu’on saura que ces gens-là ont empêché que ça aille dans la bonne direction, que l’espèce survive, et dans les livres que les robots écriront et qu’ils liront eux-mêmes, ils sauront que, voilà, qu’il y avait des gens qui gueulaient et qui voulaient pas que ça se passe de cette manière-là. »
Ce passage dans le propos de Paul Jorion nous renvoie finalement à la fin du film A.I. Artificial Intelligence de Steven Spielberg, sorti en salle le 24 octobre 2001. Et voici ce que dit l’IA au robot « enfant » retrouvé sous la glace :
« Je me suis souvent surpris à envier les êtres humains pour cette chose qu’ils appellent l’esprit. Les êtres humains avaient créé un million d’explications sur le sens de la vie, en art, en poésie, en formules mathématiques. Il est certains que les êtres humains devaient être la clé du sens de l’existence. Mais les êtres humains n’existaient plus. »
Steven Spielberg qui a été nommé Ambassadeur Jules Verne en 2012, est aussi à l’origine dès 2006 du projet Interstellar de Christopher Nolan… qui nous montre la voie [35].
… à méditer !
De la part d’un « invisible » « pessimiste impopulaire ».
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[2] Accident de Puisseguin : le camion « s’est déporté sur la voie de gauche », SUD OUEST, 27/10/2015 :
[3] Drame en Gironde : une modélisation des six étapes de l’accident dévoilée aux familles, MY TF1 NEWS avec AFP, 26/10/2015 :
[4] Accident de Puisseguin : les enquêteurs ont enlevé les épaves, SUD OUEST avec AFP, 26/10/2015 :
[5] Puisseguin : des gestes « héroïques » du chauffeur du car pour sortir des rescapés, Midi Libre avec AFP, 24/10/2015 :
[6] Le témoignage sous le choc d’un des rescapés de la collision en Gironde, LE FIGARO, 24/10/2015 :
[7] INFO FRANCE 3. Une rescapée de l’accident de Puisseguin témoigne : « Il y a eu un petit choc qui a embrasé le car », francetvinfo, 27/10/2015 :
[8] Drame de Puisseguin. L’embrasement rapide au cœur de l’enquête, ouest france, 26/10/2015 :
http://www.ouest-france.fr/drame-de-puisseguin-lembrasement-rapide-au-coeur-de-lenquete-3793973
[10] http://www.pauljorion.com/blog/2015/08/21/kcn-nacn-ou-hcn-a-votre-sante-par-philippe-soubeyrand/
[11] World at War, Global Trends, Forced Displacement in 2014, UNHCR, The UN Refugee Agency, 18/06/2015 :
http://unhcr.org/556725e69.pdf
[12] Le CNES embarque pour le 7ème continent, CNES, 17/05/2013 :
[13] Patrick Deixonne, Mercator Ocean, fournisseur de données océanographiques pour le 7ème continent, MERCATOR OCEAN, 12/10/2015 :
[14] Alexia Eychenne, Chômage en baisse : trois raisons de ne pas crier victoire trop vite, L’EXPRESS, 27/10/2015 :
[15] Liste des milliardaires du monde en 2015, Wikipédia, L’encyclopédie libre, 21/10/2015 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_milliardaires_du_monde_en_2015
[16] Protégez l’océan à l’aide de votre smartphone, EXPEDITION 7e CONTINENT, 08/10/2015 :
http://www.septiemecontinent.com/protegez-locean-a-laide-de-votre-smartphone/
[17] Isao Hashimoto, « 1945-1998 », CTBTO, 2003 :
http://www.ctbto.org/specials/1945-1998-by-isao-hashimoto/
[18] Réactions PS / essais nucléaires, MIDI 2, France 2, ina.fr, 24/10/1995 :
http://www.ina.fr/video/CAB95059863
[19] Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, aux éditions du Seuil, avril 2015, 296 pp. :
http://www.seuil.com/livre-9782021223316.htm
[20] Jacques Attali, Réveillez-vous !, L’EXPRESS, Le blog de Jacques Attali, 19/10/2015 :
http://blogs.lexpress.fr/attali/2015/10/19/reveillez-vous-2/
[21] Nicolas Hulot, Osons ! Plaidoyer d’un homme libre, aux éditions Les Liens qui Libèrent, octobre 2015, 94 pp. :
http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Osons_!-467-1-1-0-1.html
[22] http://www.pauljorion.com/blog/2015/10/08/nicolas-hulot-osons-par-philippe-soubeyrand/
[27] Paul Jorion, Penser tout haut l’économie avec Keynes, aux éditions Odile Jacob, septembre 2015, 318 pp. :
[28] Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, aux éditions du Seuil, mai 2015, 247 pp. :
http://www.seuil.com/livre-9782021279092.htm
[31] NOAA National Centers for Environmental Information, State of the Climate: Global Analysis for September 2015, published online October 2015, retrieved on November 3, 2015 from :
http://www.ncdc.noaa.gov/sotc/global/201509
[32] NOAA Climate Prediction Center, ENSO : Recent Evolution, Current Status and Predictions, published online November 2015, retrieved on November 3, 2015 from :
http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/lanina/enso_evolution-status-fcsts-web.pdf
[34] http://www.pauljorion.com/blog/2015/04/16/le-temps-quil-fait-le-jeudi-16-avril-2015/
[35] http://www.pauljorion.com/blog/2015/04/03/interstellar-nous-montre-la-voie-par-philippe-soubeyrand/
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