En attendant l’immortalité, nous préférons tuer le temps

Ouvert aux commentaires.

Si nous ne croyons pas à l’immortalité de l’homme, il n’est de diversion qui ne soit capable de nous faire dérailler d’un véritable idéal car nous faisons feu de tout bois pour tenter d’oublier que nous sommes mortels. Et si nous croyons au contraire à l’immortalité future, nous ne savons trop, en attendant, comment occuper le temps qui nous est donné ici-bas. Si bien que l’observation du genre humain révèle une espèce qui, pour une raison ou une autre, s’active fébrilement à tuer le temps.

Nietzsche écrit ainsi dans « Schopenhauer éducateur » :

« … car l’objectif de tous les agissements humains est par le biais de la distraction de ses propres pensées, de cesser d’être conscient de la vie. » (Nietzsche [1873-76] : 50)

Et, plus haut déjà dans cette même « considération inactuelle », il écrivait :

« [Schopenhauer] nous apprend que ni les richesses, ni les honneurs, ni l’érudition ne peuvent tirer l’individu de la dépression profonde qu’il ressent devant l’insignifiance de la vie et comment l’aspiration à ces biens recherchés n’acquiert de sens qu’à travers un but global qui élève et transcende : acquérir du pouvoir pour aider l’évolution de la physis et pour être un temps le correcteur de ses folies et de ses inepties » (ibid. 28-29).

Même rectifier le monde ne permet peut-être donc pas d’échapper à la dépression qui demeure le lot le plus commun de l’espèce.

Freud, grand lecteur de Nietzsche, écrirait un demi-siècle plus tard dans Malaise dans la civilisation :

« L’être humain cherche alors à ses tourments des diversions par l’usage des drogues, la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion [P. J. : Freud qualifie celle-ci de « déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs », ibid. 25] et, de façon plus positive, par la sublimation qu’autorise l’expression artistique ou intellectuelle. » (Freud [1929] 1970 : 25).

Il n’y a donc eu jusqu’ici dans l’histoire humaine selon Freud que de la dépression avec deux manières de tenter de s’en secouer : d’une part, l’anesthésie par la drogue ou le refuge dans l’illusion, et de l’autre, l’agitation, qui existe alors sous deux formes qu’il distingua d’une manière qu’on peut juger assez artificielle : la forme « pas très chic » que représente par exemple le football et la forme « chic » que constitue l’art, mais il faut se souvenir pour ce dernier, de ces photos de l’atelier des grands sculpteurs du XIXe siècle, et observer ces hommes à barbiches, pipes et lorgnons, mêlés à des filles nues pour comprendre qu’il était davantage question ici de copulation – fantasmée dans le meilleur des cas – que d’élévation de l’âme.

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Friedrich Nietzsche, Schopenhauer éducateur, in Considérations inactuelles [1873-76], Mercure de France, 1922 (Å’uvres complètes de Frédéric Nietzsche, Vol. 5, tome 2, pp. 7-43)

Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, trad. Ch. et I. Odier [1929], Revue française de psychanalyse, t. XXXIV, janvier 1970 : 9-80

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110 réponses à “En attendant l’immortalité, nous préférons tuer le temps”

  1. Avatar de Béotienne
    Béotienne

    Une vie, un intervalle entre deux néants. Le néant antérieur ne nous angoisse pas. L’intervalle habité de conscience change donc la donne.

    1. Avatar de adoque
      adoque

      Nous,  » distorsions du néant « , avons hérité d’un fardeau et/ou d’un outil: la conscience…
      Quel impact cela peut-il avoir lorsque nous retournerons au néant ?
      mais sera-ce le cas ?
      En attendant d’avoir le fin mot de l’histoire, nous vivons…
      tant bien que mal,
      avec un droit ou un devoir d’usage de cet attribut qu’est la conscience.

      Au fait,  » immortalité « … qu’est-ce donc qui meurt ?
      https://www.youtube.com/watch?v=Zs1gyPk6V0c
      Demain c’est sa fête…

    2. Avatar de corbeau
      corbeau

      « Il n’y a pas un autre monde. Il n’y a même pas ce monde-ci. Qu’y a-t-il alors? Le sourire intérieur que suscite en nous l’inexistence patente de l’un et de l’autre ». Cioran

    3. Avatar de Chantal
      Chantal

      Permettez-moi un autre point de vue à partir du vôtre.

      Une vie, un intervalle entre deux champs de possibles. L’intervalle éclairé le plus possible de conscience est comme un escalier entre les deux, qui peut être descendu ou monté.

  2. Avatar de PASCAL
    PASCAL

    Et la jouissance immédiate de la contemplation, alors…
    Et l’amour paisible, alors…
    Et l’émerveillement d’être vivant, alors…
    Et le parfum du chèvrefeuille, alors…
    Et le premier baiser, alors…
    Et dans ses bras, l’enfant qui vient de naître et que l’on nomme pour la première fois…
    S’activent fébrilement à tuer le temps, ceux qui ne savent en conscience jouir de l’instant présent.

    1. Avatar de Gudule
      Gudule

      « S’activent fébrilement à tuer le temps, ceux qui ne savent en conscience jouir de l’instant présent. »

      + 1 merci .idem

    2. Avatar de Lexia
      Lexia

      « la jouissance immédiate de la contemplation »
      Comment faites-vous pour « contempler » et « jouir » en même temps ?
      L’une n’exclut-t-elle pas l’autre ?
      L’oxymore nous guette !

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        La contemplation comme « jouissance suprême et souverain bonheur », c’est pas Aristote ?

      2. Avatar de adoque
        adoque

        Les « jouisseurs contemplatifs » sont comme les contorsionnistes: il leur faut beaucoup s’entraîner 😉
        http://www.pauljorion.com/blog/2015/11/01/en-attendant-limmortalite-nous-preferons-tuer-le-temps/#comment-584034
        Tordus, vrillés comme nos ADN (un internaute nous voit comme des transmetteurs de code par nos gènes…) il nous resterait à nous demander, combien de temps, après nous, durera cette aventure et/ou si le néant distordu retournera au néant…

        En attendant, mes doigts envoient des caractères alpha-bêtas dans la « nature » alors même que les chaînes ainsi constituées, déjà entièrement présentes dans, par exemple, la suite des décimales du nombre Pi, seront interprétées par on ne sait qui ?

        Paul Jorion, merci de nous offrir un peu de récré 🙂

      3. Avatar de adoque
        adoque

         » Les « jouisseurs contemplatifs » … » suite…

        à la relecture, je dois corriger :
        « … nous demander combien de temps, après nous, durera cette aventure… »
        Justement, voilà une raison suffisante pour « tuer le temps » !
        Évacuant une question paralysante…

    3. Avatar de arciatus
      arciatus

      Je suis pleinement d’accord avec le commentaire de Pascal.
      Je ne sais plus qui, d’Augustin ou de Thérèse d’Avila se posait la question  » Est-ce une vie mortelle ou une mort vivante? »
      La réponse tient à notre conception de la conscience: conscience de soi en tant que personne individuelle, ou conscience de participer au vaste mouvement de la vie? lequel mouvement n’est qualitativement pérenne que grâce à la mort de chacune des composante quantitatives.

  3. Avatar de asclépios
    asclépios

    Troisième voie: la religion.

    N’oubliez pas (diplologie) Pascal… Blaise, qui plus est mathématicien dans l’âme.

    Sinon, pour gagner du temps, il faudrait voir ce qu’en disent Héraclite et Démocrite… Tout y est, depuis le début…!

    1. Avatar de corbeau
      corbeau

      La religion…Faire la distinction entre le rêve et la réalité. Mais nous ne faisons même plus la différence entre une vie folle et une vie raisonnable, « nous considérons que notre vie folle est raisonnable » disait Tolstoï.

  4. Avatar de adoque
    adoque

    En deux mots:
     » comprendre ou disparaître  »

    au le choix 🙂

  5. Avatar de Chantal
    Chantal

    Plus ou moins 80 années pour imprimer son existence dans l’histoire de l’univers.

    Un fait certain : Pierre, Paul, Jacques, Sophie, Marie, Murielle , …. vivant aujourd’hui à l’un ou l’autre endroit du monde sont des êtres uniques, singuliers, dont la vie influence la vie de tous, d’une manière ou d’une autre et continuera à influencer même après la mort.

    Cette singularité donne à chaque être humain une importance qui devrait pouvoir l’amener à ‘com-prendre’, à intégrer dans son corps et dans son esprit, toute la responsabilité qui est la sienne dans la marche du monde, dans la continuité de la vie. Vivre en se sentant responsable de tout ce qui est vécu en soi et autour de soi, cela pourrait bien donner un sens, une justification à notre temps de vie sur terre. Etre responsable, sacrée tâche.

    Se sentir irremplaçable dans le sens d’important pour soi et pour les autres pourrait bien être source de bonne vie et donner de la force pour se lever heureux chaque matin, à tout âge.

  6. Avatar de corbeau
    corbeau

    Pour ne pas sombrer dans la dépression, il y aurait donc selon Freud le choix entre d’une part l’anesthésie par la drogue ou le refuge dans l’illusion, et de l’autre l’agitation, chic ou pas. Intéressant, de nos jours la cocaïne se propage dans toute la société, elle anesthésie et elle excite, c’est donc un business prometteur. Immortalité et mal de vivre ce n’est pas contradictoire à notre époque c’est même la caractéristique d’une espèce qui se suicide à petit feu pour ne pas souffrir, qui veut tout pour ses enfants mais qui ne leur laisse aucune chance d’avoir un avenir. En fait cette dépression vient de l’égoïsme, comme Paul Jorion le rappelait notre espèce ne semble pas posséder une conscience (une âme) collective, et faire des enfants peut même être perçu comme un acte égoïste, avec le nombre de jeunes humains qui auraient besoin de soins et d’attention partout dans le monde, mais chacun veut son enfant, cela aussi est un moyen (efficace?) de ne pas faire une dépression, et les parents gâtent leurs enfants pour avoir droit à un sourire (avec des jouets en plastique, c’est beau c’est coloré!) mais plutôt que de se suicider directement elle ne se laisse aucune chance de se perpétuer. Schopenhauer avait aussi l’admiration de Tolstoï, ce dernier écrivait ceci « A une époque, mon point de vue sur la folie de notre vie me paraissait si à part que j’estimais étrange et effrayant de le faire connaitre, tant il n’était pas conforme à l’outrecuidance inébranlable de l’immense majorité des hommes qui mènent cette vie folle, mais je me suis mis récemment à éprouver tout le contraire: il me semble désormais étrange et effrayant de ne pas exposer mon point de vue. Il est ainsi évident pour moi que la majeure partie de l’humanité mène à notre époque une existence absolument contraire aussi bien à la raison, au sens moral, à ses intérêts les plus évidents et aux modes de vie les plus profitables à tous les hommes, et elle se trouve dans un état de folie, de démence sans doute provisoire, mais radicale ». « Qui est fou », c’est l’angoisse tolstoïenne. N’est-ce pas demain, jour des morts, que Paul Jorion rend son manuscrit « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », espérons qu’il ne soit pas effrayé non plus de nous faire connaitre sont point de vue sur la question de survie de l’espèce. Optimisme et pessimisme, que pense t-il vraiment et qu’est-ce-qui serait le plus enclin à nous faire évoluer positivement?

  7. Avatar de Pseudo Cyclique
    Pseudo Cyclique

    la physique est partout la même dans l’univers :
    pas de magie .
    tout se transforme mais tout est égal , rien avant rien après , la conscience n’est qu’une parenthèse .
    est ce celui qui chemine qui est le plus important ou le chemin ,
    la Voie ?
    juste la propriété autoémergente de la matière à s’organiser , peu importe que la nomme Vie , Orgone ou Libido , Ki ou Souffle , c’est un mouvement sans fin .
    souvent en plaisantant on dit nul n’est irremplaçable , on a qu’une place au cimetière !
    aucune espèce n’est irremplaçable et une vie complexe peut fort bien se passer de conscience .

  8. Avatar de Jacques Seignan
    Jacques Seignan

    « tuer le temps », c’est de la légitime défense : le temps nous tue.
    « Transit vita sicut fumus », la vie passe comme la fumée, citation latine d’Antoine d’Abbadie qui aima aussi cette devise éthiopienne : « je me donne sans m’amoindrir ».

    1. Avatar de François Corre
      François Corre

      Bien d’accord…
      Le temps passe peut-être moins vite ailleurs, dans une autre dimension…Vite un trou de ver ! Un aller simple, pour ailleurs…

      1. Avatar de adoque
        adoque

        Gare !
        cela peut être infernalement long !!!

  9. Avatar de daniel
    daniel

    France-Inter ou Culture, cet après-midi, entendu au vol une chinoise dire comment elle a empoisonné son bébé fille au jus de tabac… contre son gré.
    Et une journaliste, dans une ville pakistanaise, accompagner des hommes pieux ramasser les corps de petites filles mortes abandonnées par les parents.
    Mes oreilles se sont fermées puis j’ai arraché la prise de la radio pour être sûr de ne plus rien entendre. Ne veux pas savoir rien de plus précis.

    Nous avons une formidable chance de pouvoir philosopher sur la beauté et la mort, l’âme pas plus troublée que si la discussion portait sur le prix du boudin.
    Sans oublier de faire assaut de culture: une fois Nietzsche, une fois Hegel et toujours Freud. Petit cap terminal de l’Asie, grenouille plus grosse qu’un bœuf, un jour ça va dégonfler…

    Nous sommes des super-privilégiés, nous vivons sur l’ héritage de nos ancêtres, – – héritage culturel et moral-, le lamarkisme à plein rendement.
    La beauté et la mort, dépouillées de leur réalité, mais pas une seule fois, la souffrance du monde n’est évoquée.
    Ce qui me tourmente souvent, très souvent: ces victimes, mortes et vivantes, sauront-elles capables de nous pardonner ? Le méritons-nous ? Sommes-nous vraiment responsables? Comme homme ( petit ‘h’ ) je suis étonné de ne pas avoir sur les bras une révolte mondiale des Femmes, une révolution sérieuse à la hauteur des souffrances endurées.

    1. Avatar de Jean François Le Bitoux
      Jean François Le Bitoux

      D’un privilégié à un autre privilégié,

      J’aime beaucoup le livre tibétain de la vie et de la mort – mais ce n’est pas un cadeau que l’on peut facilement offrir à ceux qui pourraient en avoir besoin ! (http://www.rigpa.org/lang-fr/sogyal-rinpoche/le-livre-tibetain-de-la-vie-et-de-la-mort.html)
      J’aime votre questionnement: avons nous le « Droit » d’abuser de la Nature comme nous l’avons toujours fait ? D’abord en toute ignorance de cause, mais aujourd’hui en toute connaissance de cause, en toute conscience ? That is the true question !

    2. Avatar de Dominique Gagnot
      Dominique Gagnot

      Comme vous Daniel, jamais il ne me vient à l’esprit de philosopher, tant il y a à cogiter, douter de ce qu’on nous raconte, chercher les mensonges, démonter le Système, pour comprendre les causes des désastres bien réels du monde actuel. Tant que l’on est pas directement touché, il semble qu’au fond, ben on s’en fout.

      1. Avatar de Dominique Gagnot
        Dominique Gagnot

        D’ailleurs je me demande si philosopher n’est pas l’art de regarder ailleurs, pour ne pas avoir à voir l’Horreur économique de ce monde, tout en se la pétant, façon BHL ou Luc Ferry. Toujours gai, celui là d’ailleurs. En plus ça le rend heu-reux.
        (je m’excuse auprès de ceux que j’ai pu oublier, mais qui se reconnaitront)

  10. Avatar de Rosebud1871
    Rosebud1871

    « Plus de lumière » ou « ça suffit » ?
    http://m-eta.blogspot.fr/2009/03/mehr-lichtmehr-nicht.html

  11. Avatar de Inox
    Inox

    Est ce si difficile que cela d’accepter sa mortalité? Je dirai presque que c’est une étape essentielle pour commencer à vivre. Ensuite, “Vivre n’importe comment, mais vivre !”, et “Si Dieu n’existe pas, tout est permis.”

    1. Avatar de Ar c'hazh du
      Ar c’hazh du

      Dieu n’est pas une hypothèse nécessaire à une conduite morale.

      Qu’il soit agnostique croyant ou athé, tout n’est pas permis à l’humaniste. Nous avons tous des droits mais ces droits créent aussi à chacun des devoirs envers les autres.

      Ne pas comprendre une telle évidence est, à mon sens, un symptôme de psychopathie.

  12. Avatar de Le Borgne
    Le Borgne

    Impossible de taire l’ouvrage d’Irvin D. Yalom : « Apprendre à mourir : la méthode Schopenhauer. » Pour tous les mourants et les futurs morts.
    Tuer le temps cela voudrait dire qu’on en a. C’est un problème de riches. Quand on n’a pas assez de temps, pour vivre ou survivre, pour réaliser ce qu’on doit, ce qu’on veut, alors la question ne se pose pas. Je ne suis pas de ceux-là, pourtant ;
    Pour moi la question ne se pose pas. Je n’ai pas de temps à tuer. Le temps n’existe pas. Il n’y a qu’ici et maintenant. Je vais mourir, c’est certain. Je vais faire mon travail qui m’occupe toute la journée jusqu’au coucher des enfants (travail hors sol) ; Je vais chercher la réponse à mes questions tard le soir, puis dormir suffisamment pour recommencer.
    Je ne comprends pas ceux qui vont au match, (sauf quand il s’agit des loges et de tous ceux qui font semblant), je ne comprend pas ceux qui vont au Musée (sauf quand il s’agit du vernissage et de tous ceux qui font semblant), pourtant parfois j’aime les Musées, par hasard ou par erreur et j’apprends tant sur le monde en un tableau ou une sculpture ou une symphonie que je serais bête de passer à côté de ce que l’homme sait et répète depuis toujours : je vais mourir, que ma vie soit la plus douce possible, que ma mort en soit de même. Avec un peu de drogue, à la fin, si c’est nécessaire.

  13. Avatar de Joko
    Joko

    c’est pas simple…

  14. Avatar de Fayçal
    Fayçal

    « Tuer le temps » – drôle d’expression.

    Elle n’a de sens que là où le temps a été doté d’un sens. Cela pointe l’hérésie de tous ceux qui ne se résolvent pas à faire « ce qui doit être fait ». Peu importe l’enjeu : irrationnel, religieux, humaniste, écologique, scientifique, rationnel – dans tous les cas le temps se dote d’une direction que ratent forcément les « déprimés » de tout bords, établis comme tels par les sensés, ceux qui justement n’ont aucun mal à faire porter d’un sens ce cours que l’on suppose au temps.

    Tout cela est drôle – et vain.

    Athéisme ? Ne faites pas rire : tant que la grammaire ne soit pas remise en question… que disait Nietzsche. Immortalité en caricature, c’est toujours facile d’en faire usage. Ne rien comprendre à l’essence spirituelle, pour mieux la moquer. Sauf que c’est risible. Les exemples aberrants ne manquent point du côté des « forces de l’esprit » : cela fait la joie de l’athée, on a tant déraillé au nom de Dieu, de l’immortalité, du paradis. Regardez, regardez – encore aujourd’hui !

    Autant que l’on a déraillé au nom de l’ici-bas.

    Les tueries de ce bas-monde n’ont pour but d’ailleurs que de rester par ici : dans l’ici-bas qu’est le monde. Donner sens au temps pour y demeurer, cela est trop souvent tuer les autres pour ne pas tuer le temps, pour ne pas tuer ce sens donné – d’être ici. Aujourd’hui que tout n’est plus qu’un ici absolu, tissé de savoirs et de mécaniques, à en devenir robot, comment échapper à cette fatalité du corps malade qui agonise ? – se demande le corps agonisant.

    Cela confirme les mots d’Aldous Huxley : « En matière spirituelle, la connaissance réside sur l’être ; tels nous sommes, ainsi nous connaissons. Il en résulte que les mots ont des sens différents pour des gens situés à des niveaux d’être différents. Les dires des illuminés sont interprétés par les non-illuminés en des termes conformes à leur propre caractère, et sont utilisés par eux pour rationaliser et justifier les désirs et les actes du Viel Adam. »

    Ah les mots, les mots, les mots – leur sens.

    Un mot n’est point du temps. Toute parole insensée devenue vaine parce que le monde courant à sa perte – voilà ce que nous taraudent sans cesse les croyants de l’immédiat agonisant. A sa perte ? Et alors ? Entre l’immortalité et l’anéantissement il y a toujours eu un heureux entre-deux. Marc-Aurèle le savait déjà : « Aimer seulement ce qui t’arrive et ce qui est dans ta destinée ». Cela inclut vraisemblablement aussi la mort – faudra s’y faire un jour. En tant qu’espèce – aussi. Dommage ?

    Que le spectacle des mots continue – ça finira par donner un jour quelque chose… mais point de sens mortel, ni de sens mortifié. On ne tue pas le temps, c’est impossible. On ne tue qu’un sens – donné. C’est le lieu commun de tous les croyants, ce qu’il font porter à leur hérétiques – déprimés, déprimants. Projection oblige.

    Heureusement qu’il y a la musique – du silence.

    1. Avatar de chabian
      chabian

      +1
      LE temps est cyclique, nous disent/montrent les animaux. Cela, qu’ils travaillent frénétiquement ou dorment/ruminent avec langueur.
      Notre conscience nous fait d’abord créer la flèche du temps, avec son passé et son futur, notre passé et donc notre mort. Et le sens de notre temps, ses enjeux surajoutés. Et l’espérance et la déprime. Cela, que nous ayons un travail frénétique ou du loisir.
      (Espérer que nos machines futures soient gentilles est un enjeu dérisoire et très peu probable).
      Les activités rituelles (religion, sport) sont une structuration sociale autant qu’un délire. Il ne faut pas en avoir une lecture individuelle. Le sport constitue une masculinité spectaculaire, qui nourrit notre compétition et notre domination. Mais nos sociétés ne peuvent pas revenir à l’innocence inconsciente ou mieux consciente.
      Et les rites nationalistes (tout aussi délirants) nous mettrons à coup sûr en guerre, avec nos meilleurs robots. Ce sera nos derniers enjeux.
      Les animaux nous regarderont faire, qu’ils broutent ou hibernent…

  15. Avatar de Xavier 37
    Xavier 37

    La conscience de soi et des autres, cadeau empoisonné ?
    Le soi qui se voudrait immortel et la créature biologique qui n’est qu’un véhicule de ses gênes, donc temporaire pour permettre le brassage nécessaire à la vie.
    La potion est amère, mais la refuser la rend plus amère encore.
    Notre civilisation qui cultive individualisme complique les choses.
    Les sociétés communautaires ou l’individu s’efface devant les besoins du groupe rendent la fin plus acceptable? Si chaque sujet admet qu’il est l’atome d’un grand Tout ?
    Question d’équilibre entre moi et l’espèce? Cette souffrance doit sans doute se gérer par la culture, et toutes les cultures n’y parviennent pas avec la même réussite.

  16. Avatar de arkao
    arkao

    Je bois systématiquement
    Pour oublier les amis de ma femme
    Je bois systématiquement
    Pour oublier tous mes emmerdements

    Je bois n’importe quel jaja
    Pourvu qu’il fasse ses douze degrés cinq
    Je bois la pire des vinasses
    C’est dégueulasse mais ça fait passer l’temps

    La vie est-elle tellement marrante
    La vie est-elle tellement vivante
    Je pose ces deux questions
    La vie vaut-elle d’être vécue
    L’amour vaut-il qu’on soit cocu
    Je pose ces deux questions
    Auxquelles personne ne répond

    Et je bois systématiquement
    Pour oublier le prochain jour du terme
    Je bois systématiquement
    Pour oublier que je n’ai plus vingt ans

    Je bois sans y prendre plaisir
    Pour être saoul
    Pour ne plus voir ma gueule
    Je bois dès que j’ai des loisirs
    Pour pas me dire qu’il faudrait en finir

    Boris Vian

  17. Avatar de mic
    mic

     » Recommencer, peut-être, par l’humilité de qui, par faux sentiment de survie facile, peut se poser et se reposer ad infinitum…. la question. »

    Si, par exemple, une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l’homme, de la façon suivante : Si, en effet, elle n’est pas tombée à cette fin par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances (souvent, en effet, il faut un grand concours de circonstances simultanées) ont-elles pu concourir par hasard ? Vous répondrez peut-être que c’est arrivé parce que le vent soufflait et que l’homme passait par là. Mais ils insisteront : Pourquoi le vent soufflait-il à ce moment-là ? Pourquoi l’homme passait-il par-là à ce même moment ? Si vous répondez de nouveau que le vent s’est levé parce que la veille, par un temps encore calme, la mer avait commencé à s’agiter, et que l’homme avait été invité par un ami, ils insisteront de nouveau, car ils ne sont jamais à cours de questions : Pourquoi donc la mer était-elle agitée ? Pourquoi l’homme a-t-il été invité à ce moment-là ? Et ils ne cesseront ainsi de vous interroger sans sur les causes des causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile d’ignorance. Spinoza, oeuvres complètes

  18. Avatar de La machine
    La machine

    Il viendra un jour où les hommes découvriront tout d’un coup qu’il leur manque quelque chose et que cela se trouve derrière eux et non point en avant. Wiechert Ernst, Missa sine nomine

    A partir de l’âge de seize ans, je n’ai apparemment plus eu la moindre défense contre le monde et mon absurde balourdise en dehors du langage, de mes propres mots écrits et de mes lectures, qui me servaient d’armure. A dix-huit ans, mes héros s’appelaient Dostoïevski, Dylan Thomas, Henry Miller et James Joyce. J’ai lu plusieurs fois Finnegans Wake en première année de fac, convaincu que la musique de cette oeuvre constituait un excellent palliatif à la sagesse. J’étais un paon, un esthète, un connard pour être franc, et avec mes quelques amis j’ai découvert que les discussions et la boisson pouvaient à elles seules construire une réalité acceptable, même si cette réalité avait disparu le lendemain matin et qu’il me fallait alors impérativement répéter tout ce processus. Harrison Jim, En marge : Mémoires

    Les livres sont du gaspillage de papier à moins que nous dépensions dans l’action la sagesse que nous obtenons de leur pensée – endormie. Quand nous sommes fatigué du vivant, nous pouvons nous réparer avec les morts, qui n’ont rien d’irritable, pas de fierté, ou autre projet dans leur conversation. Collier Jeremy

    1. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
      Pierre-Yves Dambrine

      je pense aussi que les solutions se trouvent dans le passé, pas comme passé évènementiel, révolu, mais comme le passé dont est faite notre mémoire. Les fameuses bifurcations dont Paul nous parle de temps à autre. Comme celle de la substitution d’une pseudo science économique au service de la finance à l’embryon de science économique qui s’était constituée au 18 ème siècle. Rien de neuf qui ne soit du passé recomposé au sein de nos réseaux mnésiques. Le fait est que la mémoire de la méga machine sociale peine à enregistrer les nouvelles connexions profitables à tous.

  19. Avatar de JeromeL
    JeromeL

    J’ai pour ma part une opinion très différente sur ces questions, par exemple ce témoignage :
    https://www.youtube.com/watch?v=bXHtLvR74ks

  20. Avatar de Hervey

    On nait puis on n’est plus.
    Entre temps on sautille comme une minuscule tête noire pleine de vie ou l’on fait consciencieusement des bouquets d’immortelles.

  21. Avatar de Julie
    Julie

    Ivan Karamazov s’est posé la question il y a bien longtemps déjà! Freud a tout piqué à Dostoïevski!

  22. Avatar de devillebichot guy
    devillebichot guy

    « Tuer le temps »? Je pense ,bien au contraire ,que la « vie
    bonne » consiste en permanence à faire  » vivre le temps ».Or le temps réel,c’est l’instant présent.Et,durant
    toute vie,cet instant présent est le seul présent,le seul qui
    « existe »,même si peut vivre dans l’instant d’une part un
    souvenir,d’autre part un projet pour l’avenir.(propre ou
    collectif).Sans même croire en un « créateur » ou une
    « transcendance »rien n’empêche d’AIMER les êtres qui
    nous entourent ou dont nous avons connaissance.C’est
    une manière de « faire vivre le temps » avec une intensité
    qui peut s’entretenir voire s’enrichir sans cesse.Et
    jusqu’au bout de la vie.Dès lors la vie qui reste à vivre
    se raccourcissant en permanence,elle se présente comme un cadeau qui s’ajoute chaque jour:le temps
    d’aimer encore en dépit de toute les souffrances des uns
    et des autres. »Tuer le temps »? Non ! Car nous n’avons pas le temps d’aimer suffisamment.Bien au contraire
    LE TEMPS NOUS MANQUE ,et c’est vraiment dramatique
    de LE TUER ! Cordialement à toutes et à tous.

  23. Avatar de MadMax
    MadMax

    Moi, je vois ma vie comme un tourbillon à l’intérieur d’un grand (très grand fleuve). C’est temporaire, issu d’autres tourbillons, et, par les caractéristiques chaotiques de la société humaine, aura une influence sur les tourbillons en aval, même s’il ne sait pas quel influence et s’il ne sait pas à quel horizon temporel.
    Un souvenir, une façon de penser, une trace génétique…

  24. Avatar de Michel Martin

    Jim Rickards semble tuer le temps comme vous, à développer de la prévision financière. Est-il crédible selon vous?

    1. Avatar de Michel G

      kessafoula ça…
      Le modérateur est mort ? Ou alors ce blog devient une tête de gondole comme les autres

      1. Avatar de Paul Jorion

        Le modérateur est simplement en vacances mais il revient bientôt !

      2. Avatar de Gudule
        Gudule

        M Jorion , si vous êtes dans les parages, n’était il pas préférable de nous éviter le cliché des pépères libidineux, sculpteurs ou peintres ? Pour avoir fait des nus (hommes et femmes) aussi bien en croquis ou en peinture ou ‘en terre cuite (pas encore en scuplture sur pierre ça viendra p têtre puisque je taille) dans différents ateliers je peux vous dire que c’est quand m^me un vieux fantasme qui a la peau dure. Fondé certes, mais trés « cliché ».

        Dans la réalité aucune catégorie socioprofessionnelle n’échappe aux libidineux ….pour la cocaïne, c’est plus cher donc cf le loup de Wall street de Scorsese, par exemple.

      3. Avatar de chabian
        chabian

        Et l’atelier était plein de collègues travailleurs ! La sculpture est oeuvre collective à plusieurs compétences (moulage, fonderie). Rubens avait trouvé pour son atelier la niche commerciale (et fiévreuse) de reconstitution des images de décorum pieux que les iconoclastes huguenots avaient détruites…

      4. Avatar de Yves Vermont
        Yves Vermont

        Julien,
        Reviens stp

        1. Avatar de Paul Jorion

          Dans quelques jours, ne vous impatientez pas ! Avec moi, c’est la récré !

      5. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
        Pierre-Yves Dambrine

        Gudule
        Mais le pire ne serait-pas encore de rester de marbre devant un corps nu ? Les dessinateurs inspirés des autres il me semble se départagent entre ceux qui sont émus par ce qu’ils voient (un corps nu sexué et une personne tout un), ceux qui pensent que dessiner c’est seulement restituer en deux dimensions sur une page blanche un corps en trois dimensions et enfin ceux qui ne dessinent pas venant simplement se « rincer l’oeil ». Les seconds font, croient-ils, « un bon dessin ». Mais c’est quoi un bon dessin si cela consiste simplement à restituer un modèle académique, qui sera sans doute très exact, voir mesuré à la règle, mais restituera un corps sans vie !
        Entre un dessin de Rodin, de Klimt, ou Schiele et le tout venant académique, n’y-a-t-il pas un monde. Et quand je dis académique, je ne fais pas référence par exemple à Léonard, lequel avait une approche scientifique des corps, mais toujours sublimée. Sans sublimation libidinale il n’y a plus d’art, tout simplement. C’est ce que dit Paul.
        Ceci dit votre remarque est intéressante, car je trouve qu’il y tout de même dans ce que vous dites une part de vérité dans le sens où ceux qui viennent dessiner ne viennent pas « se rincer l’oeil » comme on disait autrefois, auquel cas ils font de très mauvais dessins, c’est à dire dénués de sensibilité. Les dessinateurs « novices » au début peuvent être troublés, mais très vite ils passent à autre chose, au mieux au dessin plus ou moins « inspiré », au pire au dessin académique.
        De fait, on ne peut en même temps avoir une émotion que traduit notre trait et jouir du sentiment d’avoir devant soi un corps sexuellement attirant. C’est tout le paradoxe, celui qui se « rince l’oeil », autrement dit celui qui dessine en voyeur, n’est pas capable du lâcher prise qui permet d’investir sa libido dans l’activité dessinante.
        Il est vrai que Rodin, dit-on, copulait avec certains de ses modèles après les séances de dessin, mais précisément il ne faisait pas les deux choses en même temps. A propos de Rodin, celui-ci donne comme conseil aux dessinateurs de ne pas regarder la feuille lorsqu’ils dessinent, pour d’une certaine façon oublier qu’ils sont en train de dessiner, qu’ils font une expérience, une rencontre avec un corps singulier, là devant-eux, qui va se traduire par un enchevêtrement de lignes plus ou moins tendues, dynamiques, légères appuyées, bref le trait qui se fait sismographe du sentiment éprouvé en dessinant. Rodin dessinant il me semble ne peut pas être un Rodin libidineux, c’est un juste Rodin amoureux de ses modèles, ce qui n’exclue pas une forte charge érotique, indispensable même, mais totalement investie dans le dessin. J’avoue avoir été secrètement amoureux de certains modèles, et il faut bien le dire, c’était mes meilleurs dessins 😉

      6. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
        Pierre-Yves Dambrine

        PS. A la longue, j’ai fini par préférer les moments, trop rares, où nous nous dessinions à tour de rôle dans l’atelier, tout habillés assis sur une chaise, sur l’estrade. Parce que les « modèles » improvisés ne prennent pas la pose, et de ce fait sont finalement plus touchants, sauf exceptions bien sûr. Tant et si bien que je préférais aussi dessiner le modèle (professionnel) lors de sa pose, entre les poses. Il y a donc bien quelque chose de fantasmatique dans la séance de modèle classique, comme dispositif actefactuel, je le concède. Le danger c’est de s’y complaire. Ce qui ne fut pas le cas d’un Schiele par exemple, mort bien trop jeune pour s’être installé dans une routine. Ses dessins nous touchent — en tous cas moi — car leur érotisme est inséparable du vécu d’un homme singulier : Egon Schiele. Cela n’a absolument rien à voir avec une plage de Playboy. Egon Schiele, c’est une expression liée à une existence avec toutes ses tensions, ses moments de grâce, la page de magazine de cul c’est un produit sexuel interchangeable.

      7. Avatar de Dominique Gagnot
        Dominique Gagnot

        Ben moi j’avais pas besoin de m’encombrer d’ustensiles à dessins…

        Matin, Midi, Soir,
        puis
        Mardi, Mercredi, Samedi
        puis
        Mars, Mai, Septembre,
        aujourd’hui:
        Mes Meilleurs Souvenirs. :/

  25. Avatar de Gudule
    Gudule

    Un peu de douceur immortelle…….. 😉

    merveilleux Peter Gabriel
    https://www.youtube.com/watch?v=AWdrtR8qXYs
    et avec kate , que du bonheur
    https://www.youtube.com/watch?v=uiCRZLr9oRw

    1. Avatar de Gudule
      Gudule

      « c’est un juste Rodin amoureux de ses modèles, ce qui n’exclue pas une forte charge érotique, indispensable même, mais totalement investie dans le dessin »

      et investie dans l’émotion….pour la faire rayonner.
      voilà, évidemment qu’ il faut être amoureux, en passion, de ce que l’on voit et de ce que l’on fait sinon sans émotion, ça peut être bien construit techniquement certes, mais assez « désincarné », moi ça me fait fuir et ça m’ennuie en fait (restons poli…), le manque d’âme , c’est d un ennui mortel.
      ça se sent quand il n y a pas d’émotion qui transparait, ça ne vibre pas c’est sans énergie ce n’est pas « vivant »
      C’est valable pour beaucoup de choses et différents moyens d’expression, le chant par exemple c’est aussi trés perceptible , les cordes vocales sont des « éponges émotionnelles, extraordinaires et d’une sensibilité extrêmement fine. Mais l instrument c’est le corps .
      Faire de notre corps notre meilleur ami, l’harmoniser avec notre esprit car il devient ainsi l’allié parfait et le meilleur des compagnons pour transmettre les émotions les plus belles et les plus élaborées et vraiment vivantes. Une vie y suffit
      t elle….. ?
      Et bien je suis contente de voir qu’il y a plein d’artistes sur le blog PJ 😉 chouette bel échange ! Au plaisir .

  26. Avatar de Erix le Belge
    Erix le Belge

    La vie est absurde ? Bon , d’accord c’est une opinion.
    Pourtant, malgré tout ce qui peut être dit sur la conscience (que ce soit « moi », ou la seule chimie de mon cerveau et de mon corps qui agisse), nous avons quand même une sorte de choix sur la manière dont nous vivons.
    Je peux sourire… ou bien faire la gueule. Moi, j’ai décidé de sourire parce que ça me fait plaisir, que ça fait plaisir aux gens qui m’entourent, et que les couleurs du monde autour de moi en sont plus brillantes.
    Je ne pense pas qu’aborder le sens de la vie à travers Sade ou le nihilisme de Nietzsche soit une bonne idée. Peut-être amusant d’un point de vue intellectuel (très bref), mais vraiment pas inspirant, et même complètement déprimant.
    Le passé est mort, le futur n’existe pas, même le présent est vide. Le seul endroit/moment qui ait un peu de sens, c’est la fraction de seconde qui suit le présent, là où toute l’attention peut porter, là où s’exerce le pouvoir (limité mais le seul existant) que nous ayons sur nos vies et sur la matière autour de nous.
    On peut en faire un champs de ruines désespérant, ou bien un monde dans lequel l’intention la plus élevée possible transforme la matière pour un mieux, un plus beau, plus harmonieux.

    D’ailleurs, et ceci ne change rien à ce que je dis ci-dessus, j’apprécie beaucoup cette théorie de « tous les mondes possibles » version quantique dont Paul a déjà parlé.
    https://podcasts.ox.ac.uk/series/emergent-multiverse

    C’est toujours absurde ? D’accord, je vous laisse à votre dépression. Mais n’oubliez pas : vous avez eu le choix.
    Et si ça ne suffit pas à vous remonter le moral, n’oubliez pas non plus que le pari pascalien est valable ici aussi : vous n’avez rien à perdre à penser et agir de la sorte, tout à y gagner, et en premier lieu à être heureux.

    1. Avatar de Gudule
      Gudule

      @Erix le belge

      +1
      et merci pour le podcast multiverse !

  27. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
    Pierre-Yves Dambrine

    Foucault évoquait la mort de l’homme, mais « l’homme » vit toujours à l’état de zombie. L’homme zombie c’est l’homme qui croit encore au libre arbitre, l’homme qui pense qu’il se possède entièrement comme individu, c’est le business man qui pense qu’il s’est fait tout seul. Autant dire que la révolution freudienne est loin d’être achevée. La cure psychanalytique est toujours de fait réservée à une minorité, un sabir freudien a envahi notre langage, mais nos institutions n’ont pas pris en compte pour elles-mêmes la découverte de l’inconscient. Il est vrai que la religion chrétienne en particulier a beaucoup contribué à créer cet « homme » mais peut-on réduire le phénomène religieux à cela ? Ce qui pose problème il me semble c’est moins la religion, qui en vers et contre tout maintient mordicus qu’il existe des valeurs transcendantes (Nietzsche a beau être radicalement athée, lui aussi cherche sa valeur transcendante dans la transvaluation de toutes les valeurs), qu’une certaine approche de l’humain, qui n’existe pas encore, nulle part dans les institutions humaines.

    Paul Jorion en a fait l’expérience à la catho de Lille, c’est un lieu académique où lui fit réservé le meilleur accueil, le religieux en tant qu’il véhicule des sentiments éthiques forts, tout illusoire que soit le dogme, est un levier sur lequel on peut encore s’appuyer pour accompagner une transformation de la société plus globale. Par contre dans le monde de l’économie politique actuelle où n’existe plus aucune transcendance, comme celui que nous connaissons aujourd’hui, régi qu’il est par les nombres, c’est la loi du même qui opprime des humains auxquels on nie toute qualité intrinsèque, leurs qualités devant être jaugées à l’aune de la pseudo-transcendance des nombres, à défaut de valeurs produites par le langage humain. De ce monde là il n’y a rien à attendre. Nommer une transcendance n’est-ce pas simplement nommer une référence hors du cadre habituel ? Bref, pourquoi faudrait-il réserver cette notion au seul cadre de la religion. ?

  28. Avatar de Gudule
    Gudule

    La contemplation comme « jouissance suprême et souverain bonheur », c’est pas Aristote ?

    oui vigneron 🙂
    entre autres…

    http://la-philosophie.com/la-vie-contemplative

    http://theopedie.com/Quel-est-le-principe-du-bonheur-jouir-ou-contempler.html

  29. Avatar de octobre

    S’occuper de son propre naufrage est un boulot à plein temps.
    Je vois même pas ça comme une chose pathétique, et puis le chant n’est jamais très loin ; mode expressif qui idéalement serait détachée de la tristesse, là-dedans, rien n’interdit l’amour ou la boxe ou je ne sais quoi encore.

  30. Avatar de Juannessy
    Juannessy

    Je n’avais pas été jeté par la VUB , et j’étais encore en dessous de la cinquantaine , mais j’étais père de famille , quand j’ai écrit ça en un « temps » où j’ai craint de « perdre » ma fille :

     » Le courage me manque
    Et je dois t’en donner
    A toi qui n’en demandes même pas
    …ou ne le montres pas .
    Je dois …mais ce devoir
    De quelle essence est il ?
    Est ce vraiment l’espoir ou bien le dernier fil
    Dont j’ignore la matière
    Et quels en sont les bouts ?
    Tes larmes balaient tout
    Dans mon cœur de pierre .
    Je n’ai que ma douleur
    pour conjurer tes peurs . »

    Quarante ans plus tard , elle est là avec trois petites et moyennes têtes qui interrogeront bientôt ,qui interrogent déjà, provoquant la même terreur .
    Avec la même réponse pour ce qui me concerne ( et je crois que ça sera aussi la sienne) :
    Nous sommes nos larmes et nos rires , qui sont nos « espaces hors temps » .
    C’est ma version des esclaves martyrisés du temps de Baudelaire.

    J’aime bien aussi quand ma vieille carcasse peut dormir et se réveiller .

    1. Avatar de Juannessy
      Juannessy

      Par contre , là tout de suite la tête déconne :
      C’est vingt huit ans plus tard .

      Comme quoi , le temps …..

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