Billet invité.
La droite portugaise n’en revient toujours pas d’avoir perdu le pouvoir. Minoritaire au Parlement mais pas en peine d’excès verbaux, elle va jusqu’à assimiler à une « fraude électorale » la perspective d’un gouvernement socialiste soutenu par les communistes et l’extrême-gauche, une fois tentée une reconduction de la coalition de droite à l’instigation du président de la République qui n’ira pas loin. Une telle réaction n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, la fuite vers le Brésil des grandes fortunes portugaises lors de la Révolution du 25 avril 1974…
Avec une grande maladresse, le président de la République Anibal Cavaco Silva a tenté de susciter une dissidence socialiste pour remédier à cette mise en minorité de la droite, mais ses espoirs n’ont pas été confortés à l’occasion de l’élection du socialiste Ferro Rodrigues à la présidence de l’Assemblée, qui s’est tenue à bulletin secret et y aurait été propice. L’aurait-elle voulu, la droite du parti socialiste opposée à l’accord avec le PC et l’extrême-gauche ne pouvait plus se désolidariser du leader socialiste Antonio Costa devant les attaques présidentielles. Par contraste, le candidat aux présidentielles Marcelo Rebelo de Sousa, membre du PSD, domine la compétition qui s’est engagée en se présentant comme un rassembleur et non un diviseur, afin de préparer l’avenir.
Un accord dont la négociation se poursuit devrait être adopté la semaine prochaine, liant le parti socialiste, le parti communiste et le Bloc de gauche, dont le contenu n’est que partiellement dévoilé. Pour ce que l’on en connait, il couvre l’adoption du budget 2016 et remet progressivement en cause de nombreuses mesures d’austérité adoptées par la coalition de droite dans le cadre du plan de sauvetage dont le Portugal est désormais sorti. Les trois formations de gauche ont également fait savoir qu’elles n’accorderaient pas leur confiance au premier ministre sortant, Pedro Passos Coelho, à qui le président de la République a confié la tâche de constituer un nouveau gouvernement afin de ne pas choisir Antonio Costa.
Son destin est de chuter au premier obstacle, plaçant alors le président de la République devant un choix : soit de confier à Antonio Costa la responsabilité de former à son tour un gouvernement, soit de promouvoir un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes. Trancher ne va pas de soi. Le président se déjugerait dans le premier cas, après s’être opposé avec virulence à la perspective d’un gouvernement de gauche. Dans le second, il laisserait le pays démuni pendant six mois, délai pendant lequel de nouvelles élections ne peuvent avoir lieu. Une telle option est également contradictoire avec la volonté de la droite d’en découdre avec les socialistes, car elle obligerait ce gouvernement provisoire à mettre en œuvre les lois votées par la majorité parlementaire de gauche !
Derrière cette bataille politique intense se cache un autre enjeu. Le Portugal doit rembourser les 78 milliards d’euros de prêts consentis dans le cadre de son plan de sauvetage, dont les échéances vont être particulièrement lourdes au cours des dix prochaines années. Les rembourser repose sur le pari du retour de la croissance économique, le seul qui reste disponible si une restructuration de dette n’intervient pas et s’il est levé le pied sur les mesures d’austérité. Les gouvernements espagnol et italien ne procèdent pas autrement, avec des variantes, en élaborant leur projets de budget 2016. Mais quelles sont les chances de susciter une relance dans le contexte européen actuel, afin de rendre gagnant ce pari ?
L’accord des partis de gauche portugais écarte cette question qui les oppose, le parti communiste étant favorable à une sortie de l’euro et le Bloc de gauche, plus circonspect, réclamant une restructuration de la dette. Yanis Varoufakis a déjà mis les pieds dans le plat en déclarant, télescopant les étapes, que « le Portugal est autant en faillite que la Grèce ». Mais il a raison sur le fond : tôt ou tard, un gouvernement socialiste se trouvera confronté à une difficile équation si les contraintes européennes ne sont pas assouplies ou la dette restructurée.
À propos de la restructuration de la dette de la Grèce, la thèse dominante parmi les dirigeants européens est qu’il suffira de procéder par rééchelonnement du calendrier du remboursement, afin de les repousser le plus loin possible. On reconnait-là leur posture favorite. Mais comment ce qui devrait être accordé à la Grèce pourra-t-il être refusé au Portugal ?
À Athènes l’état de grâce se termine, le gouvernement refusant de faciliter les saisies immobilières. A Lisbonne une nouvelle étape s’engage et un second front s’ouvre.
Moi non plus. C’est une vision anglaise. « L’idée tordue de la paix de Trump – céder un quart du territoire…