Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Le Rapport d’information n° 58 enregistré à la Présidence du Sénat le 14/10/2015 précise (en page 40), que les services du ministère des finances avaient connaissance du fait que les indemnités de remboursement anticipé (IRA) des emprunts les plus sensibles (ceux indexés sur le franc suisse) représentaient 150% de l’encours restant dû (avant la remontée brutale du franc suisse le 15/01/2015).
Maurice Vincent, Sénateur, écrit donc :
« Ainsi, dans une note au ministre, en date du 25 février 2013, la direction générale du Trésor écrit que, pour cette catégorie d’emprunt, l’encours (ou capital restant dû) s’élève à 1,6 milliard d’euros tandis que l’indemnité de remboursement anticipé pourrait atteindre 2,7 milliards d’euros. »
Le rapport IRA/CRD serait donc de 2,7/1,6 = 1,6875, ce que nous affirmons être impossible, mais ce qui retiendra l’attention est l’encart situé en page 41 non seulement parce qu’il confirme une hypothèse envisagée ici évoquant l’indemnité compensatrice dérogatoire inventée pour se substituer à l’IRA mais encore parce que la situation décrite serait risible si elle n’était aussi dramatique.
Voici ce qu’on trouve dans cet encart :
Conformément aux principes de maîtrise du risque en matière bancaire, la banque qui a structuré le prêt s’est normalement « couverte » contre une évolution défavorable du taux d’intérêt. Par exemple, dans le cas d’un prêt indexé sur l’évolution du taux de change euro/franc suisse, elle a acheté auprès d’une autre institution financière un produit dérivé, dit swap, qui fonctionne comme une assurance la protégeant contre les fluctuations du taux de change.
Si, au vu de l’évolution du taux d’intérêt, l’emprunteur veut rembourser son crédit par anticipation, il doit s’acquitter d’une indemnité (IRA : indemnité de remboursement anticipé).
Le calcul de l’IRA dépend à la fois de la durée résiduelle du prêt mais aussi (et surtout) du montant que la banque doit elle-même débourser pour annuler le swap qu’elle a souscrit en vue de couvrir son risque. Or le coût de cette annulation peut se révéler particulièrement élevé en fonction des conditions de marché.
C’est évidemment l’emprunteur qui aurait pu (ou du) se prémunir contre une variation défavorable du franc suisse car, une fois remis les fonds, le contrat de prêt ne comporte plus d’obligations qu’à sa charge : Une assurance n’est souscrite que pour couvrir un risque.
Cet encart laisse donc perplexe sur la nature du risque ayant conduit Dexia à souscrire un swap (si c’est vrai).
En effet :
Au regard du contrat de prêt, à quel risque était exposée Dexia puisqu’une rémunération minimale lui était assurée jusqu’à une « barrière », l‘emprunteur supportant seul l’aléa des variations d’indice ?
On peut imaginer que ce risque serait la garantie de la rémunération à terme de la créance qu’elle détenait contre son client pour en tirer le meilleur prix quand elle l’a cédé à une contrepartie.
C’est alors la cession du titre qui eut été susceptible d’être couvert par un swap (contrairement à la Belgique, Dexia n’était pas une banque de dépôts en France et devait financer sur les marchés ou auprès de la BEI les prêts qu’elle accordait aux collectivités).
Si la banque a souscrit un tel swap, on peut penser qu’au lieu de conserver la créance entre ses mains, elle l’a cédé à une banque de contrepartie (Goldman Sachs, JP Morgan, UBS ou autres…) et garanti la valeur.
C’est là que le bât blesse car les actes de prêt intuitu personae de Dexia sont tous construits de la même manière : en aucun d’eux, l’emprunteur n’a autorisé la banque à céder sa créance à un tiers ni s’est engagé à supporter le risque de couverture d’un prix de cession que la banque n’a pas partagé avec lui.
Puisque le client ignorait tout de la cession de créance qui, en outre, ne lui a pas été dénoncée, comment la banque pourrait elle exiger paiement d’une opération faite à son profit exclusif et l’Etat en faire supporter le débouclement aux contribuables ?
La question ne mériterait t’elle pas une vérification élémentaire ?
Ce rapport rappelle que le sinistre de Dexia aura déjà coûté environ 13 milliards d’euros aux contribuables français et 6,9 milliards à la Belgique et qu’ainsi « Actuellement le coût de cette faillite bancaire peut donc être évalué à environ 20 milliards d’euros » ?
Avec la fuite de tant de liquidités, qui osera rire de l’arroseur arrosé ?
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