Pour Hegel, ni le temps ni l’espace n’existent en tant que tels : nous sommes plongés dans un flux qui est celui du devenir, dont la caractéristique est de ne jamais rester pareil à lui-même. C’est seulement pour nous y retrouver un peu que nous avons jugé utile de distinguer au sein du devenir, le temps et l’espace. Le seul point fixe dans le flot tumultueux du devenir, c’est le maintenant qui lui ne bouge pas : nous sommes à tout moment dedans, il sépare un passé dont nous savons de quelle manière il s’est déroulé grâce au souvenir, et un avenir dont nous ne savons pas encore la forme qu’il prendra et qui suscite chez nous la crainte ou l’espérance (Hegel [1818] : 145).
On considère le plus souvent aujourd’hui que la dissertation d’habilitation intitulée : « Les orbites des planètes », que Hegel défendit en 1801, le jour de ses 31 ans, apporte la preuve que le malheureux philosophe « ne comprenait absolument rien » à la démarche scientifique. La raison en est qu’il traite d’ignares les savants, tels Galilée, mais surtout Newton, qui imaginent qu’il y a, à ma droite, Monsieur le Temps, et à ma gauche, Madame l’Espace, pour faire au contraire l’éloge de Kepler qui formule ses « trois lois » du mouvement des corps célestes en termes d’un devenir qu’on pourrait qualifier de « global », plutôt qu’en combinant maladroitement la géométrie et l’arithmétique : « La partie géométrique de la mathématique fait abstraction du temps, souligne Hegel, et […] la partie arithmétique fait abstraction de l’espace » (Hegel [1801] : 131).
Que fait Kepler autrement que Galilée et Newton ? Au lieu de parler d’une orbite autour du soleil que la Terre parcourra en un an, Mars en 1,88 années, etc. il « pose le tout et en déduit les rapports des parties » (ibid. 140), il dit dans sa deuxième loi : « En une même période de temps, toute planète parcourt une distance telle que l’aire balayée par le rayon qui la joint au Soleil est constante ». Quand on dit cela, « c’est le phénomène total qui est décrit et déterminé complètement » (ibid. 143). Ce que fait une planète, dit Hegel à la suite de Kepler, c’est maintenir constant quelque chose qui est à la fois du temps et de l’espace, autrement dit, un « bloc de devenir ».
Or nous sommes mus par les sentiments : nous réagissons non seulement au monde qui nous entoure, mais aux sensations qui nous parviennent des profondeurs de nous-même. La dynamique d’affect qui détermine nos actes autorise que nous nous laissions capturer par ce qui nous entoure : êtres humains comme nous mais aussi objets présentant certains traits spécifiques. Nous disons que nous sommes « captivés » par eux : ils nous enchantent, nous leur abandonnons une part de notre autonomie pour suivre leur propre détermination, ce sont eux qui décident alors de ce que nous allons faire. Et cet enchantement est susceptible de nous abstraire temporairement du flux tourmenté qui nous emporte. On parle alors du sentiment esthétique, ou plus simplement de la « beauté », qui fait que, captivés, nous échappons, pour ce qui est de notre propre sensation, au devenir du monde. Dans le temps provisoirement suspendu du sentiment de la beauté, nous échappons au bruit et à la fureur, dont nous sommes pour une part également la source, et atteignons la sérénité.
Nous connaissons des moments de très grande joie, de bonheur authentique lorsque nous nous abîmons dans la contemplation du monde tel qu’il est alors, captivés par ce qui est empreint de beauté.
Cette satisfaction que procure la beauté, nous la découvrons au détour d’un chemin, mais aussi dans les choses que l’artiste a voulues belles : une sculpture, un tableau, une mélodie.
Dans l’expérience esthétique, rien de plus n’est nécessaire pour compléter le moment présent : il pourrait se prolonger indéfiniment sans engendrer aucune nouvelle inquiétude, aucun nouveau souci. Pourtant, le tumulte du monde emporté par le devenir met bientôt fin à cet apaisement fugace.
L’extase est un au-delà de l’émerveillement né de la beauté : ce n’est plus simplement le temps qui est suspendu, c’est la conscience elle-même qui s’évanouit fugitivement. Lacan a attiré notre attention sur l’expression du visage de sainte Thérèse d’Avila dans la fameuse statue du Bernin qui se trouve à Rome : la contemplation de la beauté divine qui la terrasse est une jouissance qui ressemble à s’y méprendre à l’orgasme : « Elle jouit, ça ne fait pas de doute ! » (Lacan, Encore : 168).
L’artiste contemporain s’en prend parfois au devenir d’une autre manière : sa façon de nous abstraire du temps consiste là à réduire celui-ci en poussière en faisant de l’objet d’art un objet éphémère, qui rejoint alors les vanités de la Renaissance dans son esprit, natures mortes rappelant d’un ton lugubre que le temps de la vie humaine est limité.
Quand je dis : « Tel est le sens de ma vie », qu’est-ce que je cherche à exprimer ? J’offre mon interprétation d’un certain scénario, je propose un commentaire sur la manière dont s’est déroulée ma vie : j’ai cherché à accomplir telles choses et j’y suis parvenu. Or la beauté est le contraire d’une histoire racontée : elle est la négation même du déroulement auquel renvoie le sens de la vie qui lui s’accommode de l’écoulement inéluctable et désordonné du devenir, quitte à y lire un ordre fait d’intentions et de volonté porteuse d’intentions, défiant le plus souvent toute vraisemblance.
Le spectacle de la vie ne nous est offert qu’une seule fois, et plutôt que de vouloir la contraindre dans le carcan d’un projet qui se serait déroulé comme prévu, ne vaut-il pas mieux chercher à la libérer entièrement des contraintes du devenir, et à défaut de parvenir à lui imposer un sens, chercher, comme l’artiste, à la rendre tout simplement belle ?
=====================================
W. F. Hegel, Les orbites des planètes (dissertation de 1801), trad. F. De Gandt, Paris : Vrin 1979
W. F. Hegel, Précis de l’Encyclopédie des sciences philosophiques [1818], trad. J. Gibelin, Paris : Vrin 1987
Jacques Lacan, Encore, Séminaire 1972-73
84 réponses à “Qu’est-ce que la beauté ?”
Au lieu de discréditer Hegel à partir de textes mineurs, il serait préférable de renvoyer à son Esthétique dans laquelle il fait le tour de la question de la beauté. En résumé sa conception de la beauté s’exprime dans les formes humaines traduites en Architecture, Sculpture, Peinture, Musique, Poésie, Littérature et par extension Théâtre & Opéra auxquels on ajoutera pour aujourd’hui le Cinéma qu’il ne pouvait évidemment pas connaître. Pour lui, le beau est l’expression achevée de l’âme humaine, c’est-à-dire sa virtualité incarnée dans le sensible déterminé par l’époque qui la contient.
« Pour [Hegel], le beau est l’expression achevée de l’âme humaine »
Vous ne m’en voudrez pas de tenter de dépasser le niveau de la platitude.
Le « Précis de l’encyclopédie », un texte mineur ? que l’on « discrédite » en le citant ?
Ben, Paul Jorion n’a pas la beauté divine qui pourrait terrasser Sainte Térésa Avila Longhi …
Même si Vigneron le trouve parfois surréaliste .
Bonjour Paul.
Hegel je le trouve si complexe !
Je vais donner le point de vue de la philosophie du bouddhisme zen soto sur la question du beau :
Les choses sont comme elles sont, ni belles ni laides. C’est une vision de l’ego que de juger une chose belle ou laide. C’est donc une construction mentale éphémère et changeante, et variable…subjective.
« …tenter de dépasser le niveau de la platitude. »
OK vous pouvez toujours essayer de « dépasser » l’esthétique de Hegel (à mon tour, vous ne m’en voudrez pas de ne pas avoir ramené dans ce commentaire tout l’ensemble des tomes qui la constituent). Mais je crains que dans la précipitation d’une réaction, la dimension du concept d’achèvement dans la formule « l’expression achevée » vous ait échappé. Le « malheureux » philosophe a une fortune critique qui discrédite malheureusement les malheureux qui s’aventurent à manier sa dialectique achevée, comprenne qui pourra.
« Plus beau que moi , tu meures ! »
( » à « beau » , « beau et demi » , et je « t’achève » ).
La Beauté en partage au niveau de ce qui nous « touche » : sensations, sentiments, perceptions ….
ou en prière au niveau de ce qui nous rapproche du Divin, ce qui abolit, entre autres, notre Temps . Où se situent les rêves, les prémonitions, les prophéties ou divinations et que les mots me semblent tout à fait hasardeux quand ils voudraient rendre compte du Divin.
Titre : Hymne à la beauté
Poète : Charles Baudelaire (1821-1867)
Recueil : Les fleurs du mal (1857).
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l’aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?
De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?
Charles Baudelaire.
http://www.poesie-francaise.fr/charles-baudelaire/poeme-hymne-a-la-beaute.php#pqTDRApJbyjB8oXC.99
Ce qui peut paraître spectaculairement beau de ce que la vie à offrir pour les uns-es libéré-e des contraintes du devenir, l’est-il pour autant à d’autres, n’y parvenant pas/plus à s’en libérer de ces carcans, les ensevelissant inexorablement toujours plus vers des fonds lugubres…? Voire. Est-ce que pour certains-es, se libérer de ces contraintes du devenir pour admirer la beauté du spectacle de la vie…, ne peut se faire qu’en ensevelissant d’autres dans des carcans toujours plus lugubres… ? La subjectivité artistique comprises n’est-elle pas cette frontière indéfinissable, intemporelle, ou le beau se trouve dans le laid et le laid se retrouve dans le beau… ?
Pour exemple. Prenez la photo d’un paysage que je crois reconnaître comme Landais. Exposer à la photo ce même paysage lors d’une sombre aurore d’un froid matin d’hivers. Et comparez cette exposition, à celle photographiée lors d’un crépuscule d’un soleil couchant sur un soir d’été, chaud et suffoquant, à l’heure ou les troncs des pins maritimes sombre sur cette photo originale, se teinte d’une couleur orangée enchanteresse, féerique presque. Est-ce que vous n’obtiendrez pas du même angle de vu, pris à des temporalités différentes, et dans des espaces états de la matière (atmosphères, etc) différents, à la fois la beauté de ce spectacle, autant qu’une vison lugubre du même paysage. Plus encore si vous reproduisez l’expérience en photographiant la même ,forêt le même coin de celle ci, mais vue de l’étang… les effets d’ombre et lumières seront autant spectaculaires mais différents.
Donc. Qui des « optimistes » préféreront tel paysage « enchanté » à l’autre plus « lugubre », et qui des « pessimistes » préféreront tel paysage plus « glaciale », à l’autre plus « enjôleur », ou l’inverse…. nous renseignera t-il sur leur capacité à tous-tes à transcender leur manière différente de voire le beau dans les deux paysages identiques, sauf dans la saison choisie, et dans des espaces, matières variées.. ? Ou ne seront-on pas renseigné seulement sur des changements d’humeurs, susceptibles d’être dans des états de transcendance, fonction des sujets étudiés, et des saisons, des espaces/temps observés… ?
Pas landais le paysage, sans doute morbihanais, peut-être un bord de rivière du Vincin. De toute façon le résultat de l’oeuvre humaine, photo comme paysage d’ailleurs, puisque les pins maritimes importés par l’homme en Bretagne (sous l’impulsion des technocrates saint-simoniens du second empire…) y ont avantageusement (esthétiquement…) remplacé des landes désolantes depuis un siècle et demi.
» La subjectivité artistique… »
L’Art offre un contexte qui pourrait être un prototype de nos réflexions les plus diverses: en effet, c’est typiquement le domaine où l’interaction entre l’observé et l’observateur est maximale, tel:
» Un machaon pompe une giroflée : c’est un papillon plus du suc de giroflée ; c’est une giroflée moins un appétit de papillon.
Toute définition d’une chose en soi est un attentat contre la réalité. « Parmi les tribus dites sauvages, on entoure de soins respectueux les simples d’esprit. On reconnaît généralement la définition d’une chose en termes d’elle-même comme un signe de faiblesse d’esprit. Tous les savants commencent leurs travaux par ce genre de
définition, et parmi nos tribus, on entoure de soins respectueux les savants. »… » (Charles Fort)
Ainsi, s’entraîner à l’appréciation artistique m’apparaît comme un entraînement à la compréhension du monde.
« Or la beauté est le contraire d’une histoire racontée : elle est la négation même du déroulement auquel renvoie le sens de la vie qui lui s’accommode de l’écoulement inéluctable et désordonné du devenir, quitte à y lire un ordre fait d’intentions et de volonté porteuse d’intentions, défiant le plus souvent toute vraisemblance. »
« L’extase est un au-delà de l’émerveillement né de la beauté : ce n’est plus simplement le temps qui est suspendu, c’est la conscience elle-même qui s’évanouit fugitivement. Lacan a attiré notre attention sur l’expression du visage de sainte Thérèse d’Avila dans la fameuse statue du Bernin qui se trouve à Rome : la contemplation de la beauté divine qui la terrasse est une jouissance qui ressemble à s’y méprendre à l’orgasme : « Elle jouit, ça ne fait pas de doute ! » (Lacan, Encore : 168). »
« Dans l’expérience esthétique, rien de plus n’est nécessaire pour compléter le moment présent : il pourrait se prolonger indéfiniment sans engendrer aucune nouvelle inquiétude, aucun nouveau souci. Pourtant, le tumulte du monde emporté par le devenir met bientôt fin à cet apaisement fugace. »
La contemplation c’est l’éternité en action et regarder le monde de la création se déployer devant soi en permanence, une extase permanente , le plus dur ce n’est pas d’atteindre l’extase, c’est d’essayer de s’y arracher…et de se recaler dans le temps ordinaire, mais bon. Le temps n’a aucune importance. La beauté est éternelle.
Merci pour ce trés trés beau billet M Jorion !
Je partage tout à fait votre avis adoque.
Je trouve beau le texte de M. Jorion, sans pour autant partager sa perceptive, et son questionnement conclusif. Si j’en ai pas fait part, de cette expression et définition de beauté devant ce texte, ce ne fut pas pour froisser M. Jorion, et ses soutiens…
Qui ont pu trouver laid, irrespectueux, ma manière d’interpeller ainsi cet auteur, alors que je partage depuis un moment les billets et travaux de M. Jorion et ses « amis-es ». Je suis admiratif devant cette approche rigoureuse que pratiquent M. Jorion et ses soutiens. J’y vois une forme d’esthétisme, artistique, de beauté quelque part, sur la recherche des causes et conséquences des maux et ces dévoiements de la science, qu’on traverse en ce moment, voire depuis trop longtemps, et qui risque de nous entraîner à notre perte, et plus encore… de différente manière..
Pour autant ce n’est pas l’approche artistique, sa beauté, que je conteste quelque peu, quand je partage ce sentiment devant la beauté de ce texte, avec beaucoup de blogueurs-euses, ici même, que je rejoins dans nombre de leurs approches critiques. Non pas que je rejoigne les « personnifications » des avis, personnifications qui dématérialisées par le Net, des pseudos, etc, hors espace et temps, m’interpellent, me font rester en réserve, dans leurs « intentionnalités » subjectives comme objectives.
Ce que le partage dans la beauté de ce texte, de ses idées, est donc plus « l’art » mis à s’appliquer à revenir à des fondamentaux scientifiques pluralistes, ambitieux, universels, contrairement et en opposition aux « scientismes » combattus. C’est plus tout cela, que la personnification de l’auteur du texte, de l’observateur, que je trouve beau… En tant qu’observé, humble devant la complexité des problèmes, j’essaie de reconnaître l’humilité de l’auteur, soit en l’autre, tout en y impliquant la mienne. Contrairement à cette tendance à la sacralisation de la personnification qui caractérise le « scientisme », cet ennemi commun contre lequel je me reconnais combattre avec M. Jorion, et ses « amis-es », je ne peux objectivement comme subjectivement définir les critères de beauté du texte que fonction de l’auteur.
Pourtant c’est cette personnification, il me semble, qui de tout temps, et en tout lieu ou presque, a finit par définir, par imposer à « l’humanité » (occidentale), ce qui devrait incarner la beauté, « selon…. », « parce que… ». Au point ou il y a peu, par exemple, « artistiquement », on a vu se reproduire la laideur (selon moi) d’une exposition d’être humain de couleur de peau noire, enchaîné, etc, sous prétexte de se rappeler vaguement, dans l’absconse, sans explication de texte transcendant ce honteux passé encore présent et pesant dans les pays pauvres, et l’espace, les frontières actuelles indéfinissables par les médias de masse, politiques la géopolitique (foot/Qatar/morts d’esclaves), les horreurs du colonialisme et de l’esclavagisme occidental… ayant été encensé et sacré « beauté », par les médias, par des politiques prétendument « humanistes », par des intellectuels-les.
Cette personnification de la définition, de l’explication de la beauté de la vie, M. Jorion en connaît sa laideur pourrais-je rajouter… Surtout quant il fut licencié sous prétexte de ne pas avoir publié dans les supports des critères définissant des « canons de beauté », d’esthétismes « scientifiques », la beauté (selon eux ^prêtres de la religion féroce) de la laideur de ce pour quoi il combat…
Selon moi, la beauté du travail et de l’ambition du projet de M. Jorion et ses « amis-es », réside dans la destruction du mythe de cette personnification et de l’individualisation de la définition des critères de beauté. La recherche de cet universalisme et émancipation des intelligences plus soucieuses d’autrui, et de leurs environnements, aspirations, etc, dans ce qui fait et est la beauté de la vie, y compris dans le dépassement de soi, et de l’espace comme du temps, est cette anti-thése de la personnification et de cet individualisme voulant imposer leur vue sur la beauté. Le mérite du combat et de la beauté du et des textes et travaux de M. Jorion et ses « amis-es », de leur volonté de dépassement du temps et des cadres, c’est de proposer à chacun-e de découvrir cette beauté, à chacun-e sa sensibilité et subjectivité, et dey proposer de l’embellir, en participant à sa construction. Je suis admiratif devant cette « intention », convaincu du bien fondé de son postulat et différents angles d’approche possible, mais pas contemplatif non plus.
Selon mon humble interprétation, voilà qu’elle ne peut cette beauté, comme à chaque fois que l’humanité y a été confronté dans l’Histoire… réellement se « libérer entièrement des contraintes du devenir, et à défaut de parvenir à lui imposer un sens, chercher, comme l’artiste, à la rendre tout simplement belle » sans faire référence à un passé, imbriqué dans un présent, et à des espaces différents, sans s’émanciper de ces forces contraires voulant imposer ce qu’elles s’y trouvent de laid, dans ce cette quête d’un devenir, de son sens… de ce qu’elle peut avoir de plus beau cette beauté.
Pardon Gudule de mettre trompé de destinataire de ce commentaire.
A rajouter à ce paragraphe… : « Qui ont pu trouver laid, irrespectueux, ma manière d’interpeller ainsi cet auteur, alors que je partage depuis un moment les billets et travaux de M. Jorion et ses « amis-es ». Je suis admiratif devant cette approche rigoureuse que pratiquent M. Jorion et ses soutiens. J’y vois une forme d’esthétisme, artistique, de beauté quelque part, sur la recherche des causes et conséquences des maux et ces dévoiements de la science, qu’on traverse en ce moment, voire depuis trop longtemps, et qui risque de nous entraîner à notre perte, et plus encore… de différente manière.. »
Pourtant ce qui peut paraître laid à certains-nes, de ne pas avoir exprimé mon sentiment de beauté devant ce texte, dans ma manière d’ avoir interpeller M. Jorion, ne fut pas intentionnel, mais seulement accidentel. Cette maladresse est qualifiable au titre d’un manque de maîtrise des codes et critères, de la « bien-séance », d’une forme de beauté, dans les relations avec autrui, voulant y prêter du fond, de la profondeur dans une marque de respect d’un auteur..
En référence à mon commentaire précédent, mis accidentellement en réponse à celui de Gudule, si dessous.
Je conclurais cette observation ainsi. Est-ce si facile à tous-tes individuellement comme collectivement, de se se « libérer entièrement des contraintes du devenir, et à défaut de parvenir à lui imposer un sens, chercher, comme l’artiste, à la rendre tout simplement belle » si l’on reste piégé dans « l’horizon » des événements (ces sortes de trous noirs de la finance) , quoi et quand qu’on en dise, ou espéreront s’en détacher, prendre un champ, de la hauteur, y compris pour tenter de définir la beauté de ce devenir, qui sera toujours laid pour d’autres que nous ayant quelque part à la fois la maîtrise du temps… et de l’espace… ?
@M Julliot
Houla vous n’avez SURTOUT pas à vous excusez de quoi que soit, au contraire, tout va bien, no problemo, merci pour ces commentaires si pleins d’expressivité et d’appréciation, c’est vraiment beau cet enthousiasme, bienvenu !
et je rajoute, beauté, laideur, affaire de regard peut être.. OUI « La beauté est dans les yeux de celui qui regarde » : c’est Oscar Wilde 😉
PS : Juan me « précède » tout le temps, on se comprend trop… non mais c’est incroyable, je » télépathe » avec juan, alors là, mystère….?
Ceci n’est pas un reproche (Magritte)
😉
La beauté est une notion qui demande une précision visuelle et conceptuelle que je situe souvent du côté de la plastique pure, de la forme. Les « scandales à répétition » autour de l’art contemporain, la question du patrimoine mondial, concernent désormais le trou noir des sciences humaines qu’on appelle l’esthétique. Je nommerais « art liquide », l’effet de l’Amérique de Kafka où tout est art et où tout le monde est artiste en étant l’acteur-employé de son propre rôle, la dé-définition de l’art permet l’unification des marchés dans une esthétisation-désesthétisation dont Adorno et Marcuse avaient déjà pressenti l’issue inexorable: un mélange de Hayek et de Duchamp. Il arrive à Paul Jorion d’être dubitatif pour le moins à l’égard des productions du marché de l’art contemporain. Se poser la question du beau rejoint les préocupations de tous si l’utopie, qui est souvent sans architecture véritable, je pense aux plus célèbres utopies, est aussi une promesse de bonheur plastiquement habitable. Mais la vie est un concept qui justifie les sorties dadaïstes de la peinture, voir le manifeste de l’hôtel de Chelsea d’Yves Klein ou le manifeste des Nouveaux Réalistes, il s’agit toujours d’esthétiser le readymade voire de faire de nos vies des readymades, qui n’auraient plus qu’un intérêt relatif si l’on se souvient que pour Duchamp, le readymade ne se regarde pas, ne se contemple pas, il faut juste prendre note et le considérer avec la beauté d’indifférence d’un art de l’Entkunstung, non pas désesthisé mais désartisé. La beauté d’indifférence est un concept clé de duchamp qui savait que le cubisme était toujours plastique, mais le surréalisme fort peu, il l’a déclaré. Art liquide et beauté d’indifférence voilà où l’on en est. Paul Jorion a été bien inspiré, comme toujours, de poser la question du beau, dans la vie, dans notre vie. Mais la beauté accomplit une suspension, une épochè, non narrative en effet, en laissant ouvertes les expérimentations qu’offre en laboratoire parfois, la peinture, le plus vaste champ d’expérimentation visuel, créatrice de valeur d’usage absolue, immédiatement communicable dans l’espace et le temps. Une plastophanie.
Je ne suis pas d’accord:
Le titre et le texte ne sont pas en rapport l’un à l’autre.
Vu le titre « Qu’est-ce que la beauté ? », je ne m’attendais pas à tomber sur un truc qu’Hegel aurait exprimé. Qu’est-ce que Hegel a avoir avec la Beauté ? Le pauvre homme, difficile d’imaginer comment lui et ses semblables imaginaient et se représentaient la Beauté, et encore moins qu’ils soient capables de nous en parler. Percevoir est une chose, transmettre et faire partager cette perception en est une autre, totalement différente. Il y faut d’ abord le talent…
La production intellectuelle de Kepler est époustouflante et ses trois lois possèdent une beauté propre très rare, à rendre amoureux des mathématiques. Mais Hegel enfourche cette beauté, comme un cavalier enfourche sa monture, et la transforme en canasson, hégélien -le canasson- plutôt que képlérienne – ses égalités géniales et belles.
De même, il faudrait distinguer la beauté de la sculpture par le Bernin avec la beauté transfigurée par le plaisir de Sainte Thérèse. Un sculpteur médiocre ferait un tableau médiocre de la Sainte, sans que sa beauté propre en soit changée. On n’oubliera pas le tableau » ceci n’est pas une pipe »… Que Lacan en pense quelque chose n’a aucune importance. Sa réflexion, qui n’apporte rien, laisserait supposer qu’il soit capable d’éprouver (partager) ce qu’éprouve la Sainte. Rien n’est moins sûr, tout au plus doit-on lui accorder le talent minime de voyeur…
Bref ce texte et son titre ressemble aux titres de couverture d’un hebdomadaire médiocre en train de couler – et qui serait fermé pour bilan négatif sans la subvention de l’Etat, aides étatiques qu’il brocarde quand il n’en bénéficie pas- du genre « Que penser des poussettes à 3 roues ? » ou « Tout sur les Francs Maçons » et que la lecture n’apporte aucune réponse à la question. Encore, suppose-t-on que la Rédaction ait été capable de se concentrer sur la différence entre 3 ou 4 roues sur des points d’intérêt tel la sécurité et la maniabilité, ou bien sur la pose des moellons…
Ah! C’est du beau!
ou « tout sur les francs macrons » hum…
Et la jouissance de l’hystérique mystique qui jouit de « copuler en esprit » avec l’homme se disant Dieu incarné, quelle valeur prédictive de beauté pouvons-nous recevoir de ce délire ? Bof !
Bof ? De marbre ? Beauf de marbre ? Thérèse bof ? Ludovica bof ?
http://youtu.be/1KBGdN-T3GM
Un « individu du XXième siècle » comme se définissait Lucien Dodin, écrivait ceci dans ses « pages volantes » blog avant l’heure 😉
Page volante intitulée » ESTHETIQUE ET PHOTOGRAPHIE « :
» Dans l’article relatif aux typons tramés j’ai indiqué que la premièredifficulté se trouvaitdans l’arrangement artistique de l’image. Mais doit-on s’attendreà ce que je donne des règles permettant d’assurer à coup sûr un bon résultat ? Tout ce que je peux faire est de donner quelques indications.
J’ai d’abord passé cinq ans à l’école des Beaux Arts de Paris et, sans pratiquer beaucoup les Arts ensuite, je n’ai tout de même pas cessé de considérerla question. J’ai, en tout cas, discuté avec d’innombrables personnes d’Arts et de Beaux Arts. Mes conclusions, les voici.
Le seul principe intangible est que TOUS LES GOUTS SONT DANS LA NATURE : ce qui plait à Paul, déplait à Pierre. Ce que pierre estime être LMA BEAUTE PARFAITE, parait être à Paul LA LAIDEUR ABSOLUE.
Pourtant, et ceci est en contradiction avec ce que je viens d’écrire, (mais en matière d’Art on n’en est pas à une contradiction près), il existe LE BON GOUT et LE MAUVAIS GOUT.
Il existe LA MODE qui fait que le bon goût d’aujourd’hui n’est pas le bon goût d’hier. Avant la guerre de 14, les photographes ne juraient que de papier mat et d’épreuves sépia. Ils avaient en horreur les épreuves glacées, tout au plus bonnes pour les américains.
Aujourd’hui on ne voit dans les expositions photographiques, que des épreuves noir-et-blanc et des épreuves glacées; au point qu’on se croirait à un bal où la tenue de soirée serait de rigueur. Il n’y a aucune raison à cela, c’est la mode et voilà tout.
Pourtant, je vous certifie et vous pouvez m’en croire, bien que ce soit encore une fois contradictoire avec ce que je viens d’écrire, qu’il existe un bon goût indépendant de la mode et valable quelle que soit la mode et quelle que soit l’époque. Si ce bon goût vous l’avez, vous pourrez tout vous permettre, même d’éditer une épreuve brillante en pleine mode du mat et une épreuve matte en pleine mode du brillant. Tout le monde baillera d’admiration devant votre oeuvre.
Mais voilà ; comment acquériret conserver ce bon goût universel et quelles ont les règles à appliquer ? Question stupide : il n’y a pas de règle ou chacun a les siennes ce qui revient au même ; le bon goût, cherchez le tout seul et sans professeur. Ce sont les écoles d’Art qui ont inventé le mauvais goût. Abstenez vous de les fréquenter, cherchez tout seul et vous trouverez. Avant les ECOLES D’ART, le mauvais goût n’existait absolument pas. Tous les tableaux des primitifs sont des chefs d’oeuvre, il n’existe aucune exception…AUCUNE EXCEPTION vous entendez bien. Tous ceux qu’on a pu trouver sont dans des musées et vallent des sommes folles. Il n’y avait pas d’école des Beaus Arts en ce temps là : c’est la seule explication, il n’y a pas à chercher plus loin.
Moi j’ai fréquenté l’Ecole des Beaux Arts de Paris, c’est pour cela que je ne suis pas un artiste : je me suis rendu compte de ma nullité à temps pour choisir une autre carrière, celle de la technique. Là les règles existent et sont valables, sans parler des lois physiques. Mais l’Art est enfant de Bohême…
Enfin une règle : NE COPIEZ JAMAIS, N’IMITEZ JAMAIS : les suiveurs ne marchent jamais devant les autres. «
Pour être complet, Lucien Dodin prévenait dans ses mémoires:
» Tapé par l’auteur Photographié
par l’auteur Imprimé
par l’auteur Relié par
l’auteur Vendu par l’auteur.
Les fautes d’orthographe
sont aussi de l’auteur qui
n’en est pas plus fier pour
çà. »
(sic)
A quoi s’ajoutent mes propres fautes de reproduction 🙁
J’espère que cela n’enlèvera rien au subtil humour de cet auteur !
Les conditions de l’appréciation de la beauté ne sont toutefois pas banale : se faire éduquer et « civiliser ».
Qu’il y ait flux plutôt qu’espace et temps, oui. Mais on peut tester des façons animales et non humaines d’être dans ce flux sans l’éducation et l’apport de la société. Même si c’est passé par des pleurs et des sentiments très loin de ceux que fait naitre la beauté.
La beauté d’un violon ou d’un beau pain emporte une part inter-humaine, la perception d’une pause dans le devenir est donc très « médiée » dans ces cas.
Disons qu’il y a toute une sphère à visiter avec la beauté, pas juste un plan. (Ah zut, je suis rejoint par l’espace).
Il faut surtout avoir l’estomac plein, pour apprécier la beauté, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
(désolé d’avoir perturbé…)
Billevesée Gagnot. Sans doute faut-il l’avoir déjà eu le ventre vide pour pouvoir en parler.
@ Julien,
Balle au centre, vous avez tous les deux raisons.
Il faut un esprit libre.
La faim, la vraie, s’impose à vous totalement. Le besoin physiologique est exclusif de tous autres, au moins au début.
( Une tante, déportée, l’a éprouvée . Elle en parlait sans phrase. On comprend très bien.)
La douleur continue, aussi, vous empêche de ne rien penser sauf à vous en libérer. J’ai eu l’impression d’un rétrécissement ou d’un appauvrissement. L’ empathie la plus faible devient un luxe impossible.
Houille!
La beauté… Au secours ! Quelle forme, quelle couleur ?
La beauté vous possède comme l’amour.
Ne s’analyse pas aisément.
Glisse comme une savonnette.
Peut se percevoir par tous les sens.
On croit savoir la reconnaitre.
C’est une impression qui laisse un souvenir comme trace : l’idée de beauté.
Mais quand c’est beau, c’est beau.
Beau temps ce 19 octobre.
Parfois je contemple,surpris,un visage ,et je retrouve soudainement le sentiment contraste de l’étrange beauté et proximité de cet univers qui me ,qui nous, dépasse infiniment et qui pourtant a ‘permis’qu’existent ces minuscules et souvent aimables petits habitants que nous sommes…confondants par cette douce et terrestre humanité qui est comme l’ expression naturelle ,intime,de l’immensité insondable et mystérieuse. C’est une sensation surprenante la beauté. Comment la ‘faire’?
C’est le sujet des sujets ! (Polysémie en abîme, avec en plus, ce sentiment de bizarrerie qui me vient quand je lis « sujet » au pluriel…).
Un très beau texte, en tous cas.
Je remarque que vous n’avez jamais utilisé le mot « Relation », mais en en parlant toujours. Le paradigme des êtres, ou celui des relations?
Quand la lumière perce un brouillard matinal bordé de quelques arbres il y a quelques choses d’intemporels, il faudrait pas grand chose de plus, pour que des lutins apparaissent, mais c’était avant l’art conceptuel et l’architecture hard french. Le beau est has been.
Par exemple, l’Urinoir (1917) de Marcel Duchamp aurait-il définitivement crevé, bousillé et éclaboussée un si joli espace-temps ?
Bien différemment que la première guerre mondiale nous sommes d’accord, mais disons plutôt comme un météor qui vous tombe sur la gueule en fait.
Hard french : bien couillu comme un Cézanne ou comme un Paul Lafargue ; autres exemples. Autre temps, peut-être le même.
Le but n’est pas de tapé sur quelques œuvres, mais j’ai mis conceptuel par ce qu’on les considère comme contemporaines, ce qui exclut les autres du présent.
Toute recherche d’un art visuel esthétique n’est plus qu’un fantôme du passé, ce qui est étrange comme vision du monde.
« Toute recherche d’un art visuel esthétique n’est plus qu’un fantôme du passé, ce qui est étrange comme vision du monde. »
samuel
J’ai lu il y a fort longtemps l’Essai sur les fantômes d’Arthur Schopenhauer. Si je remets la main sur le livre j’en mettrai un passage significatif.
Marcel Duchamps vaut largement plus que l’urinoir qui lui colle aux c… Allez voir l’expo à Beaubourg
Si vous faites dans le teasing 🙂
(je sais qu’on a une tendance naturel à « tout fout le camp », mais quand on regarde une œuvre contemporaine, puis qu’on écoute l’auteur, on ce dit qu’un essai serait un gain de temps, car il serait maigre, tout cela vie avec l’imagination de quelques spectateurs suffisamment savants et le plus souvent de la cooptation)
De la Beauté à l’Art, il n’y a qu’un pas… de taille(+/-)
et les philosophes ont naturellement eu leur(s) mot(s) à dire.
Le plus beau (c’est le cas de le dire), c’est que leurs propos sont souvent universels et peuvent s’appliquer à d’autres domaines… à l’économie, pourquoi pas ?
Je citerai volontiers Goethe:
» C’est bien, je fais grand cas du génie et de l’art, usez-en, mais laissez quelque chose au hasard ! »
Nous pouvons jouer à en faire quelques applications !…
Il me souvient des revues de photographie où les clichés étaient décortiqués par des critiques: la règle des tiers y tenait une bonne place et écartait toute image construite sur la symétrie,… pour un peu, aujourd’hui, il suffirait d’implémenter l’Algorithme de la perfection fondé sur le nombre d’or pour devenir un génie…
Mais l’émotion est plus subtile !
Heureusement 🙂
Bonsoir à tous
Oui, beau billet de Paul.
En occident, la beauté est souvent dépendante de la proportion…Il ya des critères objectifs comme le rapport entre la hauteur du champ visuel et son ampleur horizontale; rapport égal comme par hasard au nombre d’or qui est juste une caractéristique du Vivant. Et il y a des critères subjectifs et culturels msi en évidence par les différents « canons » d ela beauté ici ou là au cours des âges. Je ne saurais décider.
Cependant, quelle que soit les références philosophiques ou artistiques sur lesquelles on peut choisir de s’appuyer pour en décider, j’estime salutaire de lire la critique de la beauté telle qu’illustrée par Albert Cohen dans son roman « Les Valeureux ». Il y a là une hilarante recension d’Anna Karénine par Mangeclous qui vaut la peine d’être lue et méditée pour ce à quoi elle peut mener en profondeur.
Cordialement.
Steve
La sensibilité pour les belles formes est peut-être la seule facon de participer au mystère de l’univers. Il suffit de contempler une feuille d’érable et sa structure symétrique: tout y est.
Notre existence n’a pas de but; elle fait partie du grand ensemble. Ce qui compte dans la vie: se faire plaisir, le plus souvent et le plus possible.
Je dirais même plus : jouissons et joissons – sans entrave – rien que pour emmerder les vieux cons réac du blog.
Un beau nu féminin comme base et piste de décollage.
@ octobre dit : 20 octobre 2015 à 10:06
Pour célébrer la beauté dans une réflexion, il vaudrait mieux éviter de ternir le tableau par de vilains mots, révélateurs d’une mentalité pas très belle.
Bien sûr, vous vous êtes bien élevé est propre sur vous, rien à se reprocher derrière son pseudonyme ?
Mais vous existez réellement, jducac?
Germanicus: « Notre existence n’a pas de but. »
Paul Jorion: « À défaut d’y trouver du sens [au spectacle de la vie], qui manque nécessairement, nous pouvons y trouver de la beauté. »
http://www.pauljorion.com/blog/2012/11/30/unidivers-fr-paul-jorion-mettre-fin-a-laristocratie-de-largent/
René Thom: « Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde. » (dernière phrase de la conclusion de son deuxième et dernier ouvrage « majeur »: Esquisse d’une sémiophysique).
Si on remplace métaphysique par utopie , ça marche ?
Vous avez raison, notre existence n’a pas de but, comme le dit Marc Halévy « Notre existence n’a pas de but, seul compte la qualité du cheminement » On peut aussi dire la beauté du cheminement.
http://www.noetique.eu/articles/philosophies/lart-de-vivre-sa-vie/view
Si je sais un peu décrire la jouissance ou la montrer , je ne sais pas trop parler de la beauté , qui « meurt dès qu’on la touche ».
L’émotion ou la jouissance qui peuvent avoir une version collective ( jamais unanime cependant !) , fondent elles pour autant qu’il pourrait y avoir une beauté se révélant tout uniment à tous , elle même trame de la « philia »?
Je remarque pourtant que des catégories d’êtres ayant une forme de sensibilité particulière , se retrouvent et sont plus « aptes » que d’autres à « donner du beau » par leurs « arts » différents .
A ce stade et pour me garder un peu d’avenir et de raison de chercher , je ferais plutôt de la beauté « mon » inaccessible étoile , cet endroit où la réalité n’a plus besoin de vérité .
Sur l’art et le beau , j’accompagne plus volontiers Oscar Wilde .
« Le spectacle de la vie ne nous est offert qu’une seule fois, et plutôt que de vouloir la contraindre dans le carcan d’un projet qui se serait déroulé comme prévu, ne vaut-il pas mieux chercher à la libérer entièrement des contraintes du devenir »
Il semble maintenant communément accepté qu’il est impossible de libérer l’inanimé des contraintes du devenir. Car l’inanimé a ses lois, ses « blocs de devenir » (ainsi les planètes sont soumises au champ d’attraction universelle).
De même je ne pense pas qu’il soit possible de « libérer l’animé des contraintes du devenir ». Car je crois que l’animé est, à l’instar de l’inanimé, soumis à des champs morphogénétiques dont il ne peut entièrement se libérer. Tout au plus l’être vivant peut-il espérer glisser sa liberté en profitant des lacunes dans l’écoulement causal des processus naturels.
La naissance des étoiles ou la formation des nébuleuses spirales, etc., peuvent provoquer un sentiment du beau qui peut aller jusqu’à l’émerveillement, voire plus.
La naissance d’un être vivant aussi.
Et l’artiste dans tout ça?
Aristote: « L’art achève ce que la nature n’a pu mener à bien. »
L’art peut être , mais l’artiste?
Bonjour
A la question: « Est ce que l’art imite la vie? », Woody Allen répondit une fois:
» La vie imite la mauvaise télévision! »
Bonne journée
Brève et modeste contribution au débat (dans laquelle il est question de fleurs dans un vase et d’étreinte fraternelle) :
https://vimeo.com/109110223
Si le monde est mauvais à être il peut être beau à voir – Schopenhauer
Le présent est cette parcelle qu’il nous fait préserver, notre seul créneau pour vivre c’est lui. Contempler le présent, c’est voir le passé et l’avenir.
Une vie belle, ce n’est pas forcément une vie heureuse, mais c’est souvent une tragédie.
Pour percevoir clairement les couchers de soleil sur l’océan, il faut mettre en oeuvre toutes les facultés de l’âme. C’est le message de Schiller : « The full mind is alone the clear »
Malicorne, de Hubert Reeves
J’ai fait un blocage sur la phrase d’introduction du raisonnement sur la beauté : « La dynamique d’affect qui détermine nos actes autorise que nous nous laissions capturer par ce qui nous entoure… » Les trois premiers mots sont un concept sociologique ? (si je ne m’abuse). En quoi a-t-elle le pouvoir d’autoriser ? Bref cela mérite un meilleur développement, et le secret est peut-être là bas, non ?
Un aveu : ce sont les moutons paissant sous mes fenêtres qui m’ont ouvert le spectacle (pure hypothèse il est vrai) du temps cyclique, identique chaque matin, sans crainte de la mort ni du nouveau. Et donc le temps comme flèche vers un devenir est pure création humaine. Introduisant peur et espoir, valeurs et éthique, sens de l’échec, de l’erreur, du passé autant que du futur.
La beauté (que vous définissez comme rupture du devenir) s’inscrit alors comme une interruption de la flèche du temps, qui rejoint un peu la « stupidité » du temps cyclique, inhumain, animal. Les vaches contemplant le train qui passe…
Décidément non, la beauté des humains ne peut être que rupture momentanée de notre fuite en avant. La beauté des moutons et des vaches n’existe pas, ou du moins elle nous est inaccessible.
La beauté est ce sentiment, cet état d’inconscience, dont on éprouve la nécessité de le communiquer à d’autres. Et cela vaut aussi bien pour l’artiste qui avant de livrer au monde une oeuvre communie avec le monde extérieur jusqu’à s’oublier soi-même, que pour celui qui a ressenti une beauté et a simplement besoin d’en faire état à un ou des contemporains et c’est bien ce que fait ce billet de Paul. Ainsi l’expérience de la beauté est une expérience individuelle qui non satisfaite de se suffire à elle-même doit encore trouver son prolongement dans un partage et même présuppose ce partage. Un partage qui peut parfois se prolonger des siècles. Voire des millénaires.
Kant définit la beauté en disant qu’est est « ce qui plait universellement sans concept. » « … en effet, la chose dont quelqu’un a conscience que la satisfaction qu’elle lui procure, il l’éprouve en lui-même en l’absence de tout intérêt, cette chose, il ne peut porter sur elle d’autre appréciation que celle-ci : il faut qu’elle contienne le fondement d’une satisfaction pour tout un chacun. Dans la mesure, en effet, où cette satisfaction ne se fonde pas sur une inclination quelconque (ni sur quelque autre intérêt réfléchi), mais, où, au contraire, celui qui juge se sent entièrement libre par rapport à la satisfaction dont il gratifie l’objet, il ne peut trouver comme motifs de la satisfaction aucune condition d’ordre personnel et privé, dont la subjectivité serait seule à dépendre, il doit donc considérer cette satisfaction comme fondée dans ce qu’il peut présupposer chez chaque autre. » Kant peut nous paraître bien loin des considérations habituelles sur la dimension culturelle et sociale de la beauté. Mais, me semble-t-il, il ne l’exclut pas. Seulement, en cosmopolite des Lumières qu’il fut, il s’intéresse d’abord à la condition humaine dans sa plus grande généralité et cette généralité c’est l’universalité du sentiment esthétique. Kant ne le dit pas, mais on peut dire que les déterminants culturels des objets esthétiques, des expériences esthétiques, sont eux-mêmes des communicables. En sorte qu’effectivement ils peuvent s’inscrire dans la perspective kantienne. Ce qui implique alors que les formations culturelles sont tout à la fois déterminées (dans le monde empirique de la causalité), et indéterminées sur le plan du schématisme propre à la vie psychique individuelle. Il n’a manqué à Kant qu’une conception plus globale qui lui aurait permis de faire intervenir dans le libre jeu des facultés de l’entendement et de l’imagination en quoi consiste l’expérience esthétique, le travail de la mémoire quand celle-ci associe librement les traces mnésiques du réseau mnésique propre à chacun. Ce qui se produit dans la cure psychanalytique ou bien quand l’artiste crée. Nature et culture n’auraient alors plus fait qu’un.
Nous glissons de l’abolition de l’espace temps vers « la beauté ».
Plus de temps qui passe, plus d’espace, à conquérir ou qui nous contraint.
Seule face à nous même, dans l’instant présent, la beauté d’une mélodie, d’une image, d’un parfum, d’un repas, et parfois tout cela en même temps. Puis le souvenir, souvent la quête perpétuelle de cet instant, de ces instants que l’on voudrait reproduire, comme autant de madeleines de Proust. Oui, c’est la beauté qui nous fait vivre. Depuis que l’homme est homme; Mémoire de Navajo :
Extrait du Kledzé Hatal ou « Nuit des Chants » des indiens Navajos :
sur la piste marquée de pollen fasse que je marche
avec des sauterelles à mes pieds fasse que je marche
avec la rosée à mes pieds fasse que je marche
avec la beauté fasse que je marche
la beauté devant moi fasse que je marche
la beauté derrière moi fasse que je marche
la beauté au-dessous de moi fasse que je marche
la beauté au-dessus de moi fasse que je marche
la beauté tout autour de moi fasse que je marche
dans le vieil âge errant sur la piste de la beauté avec un sentiment de vie fasse que je marche
dans le vieil âge errant sur la piste de la beauté à nouveau vivant fasse que je marche
accompli dans la beauté
accompli dans la beauté
Rien à rajouter.
Idem…..OUI je rajoute juste un MERCI Le Borgne.
La beauté est un plaisir personnel et souvent égoïste, déclenché par un événement plus ou moins fugace et souvent artificiel.
La beauté faire échapper au devenir du monde? Zéro la barre.
La beauté nous regarde ( et merci à Gudule d’avoir cité Baudelaire) et nous impose le devenir du monde.
« …ton regard infernal et divin verse confusément le bienfait et le crime… »
Bonne promenade
Sans négligé l’affreux, Je distinguerais pour la beauté plusieurs espace-temps de manière fractale.
1-Je suis en train d’écrire ce mot et je ressent mon thorax, je respire et il se détend de plus en plus. C’est une belle sensation tissulaire
2- je suis en train de penser à ma famille, je revisite certains moments de la semaine vécue avec eux. C’est un bon moment groupal.
3- je suis en train de repenser à la naissance futur d’un enfant. Je vais être tonton en juin. C’est une belle civilisation.
Mon expérience sensible est que la beauté exerce une « force d’attraction » temporelle ou physique sur l’esprit et/le corps, pour le dire avec mes mots.
J’ai donc trouvé ce texte tout à fait juste et si profondément exact par rapport à mon expérience personnelle que celà m’a troublé.
Par rapport à votre conclusion cet extrait d’Holy Motors de Leo Carax sur le « sens de la vie » et la beauté me semble également très juste.
https://www.youtube.com/watch?v=zM57_ww9IaA
« Moi ce que j’aime c’est à travers mon inconscient parler à l’inconscient de l’autre » Chantal Akerman
__________________________
Introduction aux mystères de la vie. Le spectateur prolonge l’œuvre initiale. Mais il faut une ou des failles sinon je ne vois pas comment cela serait possible.
C’est sans compter sur les fanatiques et les réformateurs qui ne veulent rien entendre. Résultat : lutte à mort jusqu’à ce que la terre nous enterre.
Comme ici :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8c/Francisco_de_Goya_y_Lucientes_-_Duelo_a_garrotazos.jpg
C’est le tableau que Serres appele en renfort afin de développer le concept de Biogée .