Billet invité.
Le sommet d’aujourd’hui ne parlera pas de l’avenir de l’Europe comme prévu, apprend-on à la dernière minute. Selon Donald Tusk, le président du Conseil européen, il n’est possible de traiter que d’une seule crise à la fois, et celle des réfugiés prend le dessus. Pourtant, les deux sont appelées à longtemps coexister, aucune des deux ne prenant le chemin d’être réglée. Cela devient une habitude !
Selon les inévitables sources bien informées qui ont demandé à ne pas être identifiées, les divergences franco-allemandes sur la gouvernance future de l’Europe seraient telles qu’il n’est pas possible d’ouvrir une discussion car elle ne pourrait aboutir à un compromis.
Les tentatives de septembre dernier du ministre français de l’économie Emmanuel Macron – dans un rôle de poisson pilote – de lancer un débat sur la base de nouvelles propositions en faveur de plus d’intégration et de transferts ont laissé froid les interlocuteurs allemands. Ils n’en veulent pas et les ont ignorées, car chacun doit selon eux faire de son côté les efforts de réduction des déficits et des réformes structurelles requis, sous peine de sanctions. Donc, pas question de réforme d’envergure de la gouvernance ou d’un budget européen…
En dépit de son extrême prudence, le rapport des 5 présidents de juin dernier n’avait pas non plus suscité le débat espéré et Jean-Claude Juncker, Donald Tusk, Mario Draghi, Jeroen Dijsslebloem et Martin Shulz en avaient été pour leurs frais. A Bruxelles, la grande réforme de l’Union bancaire destinée a briser le dangereux lien financier entre les banques et les gouvernements reste en plan. Celle des marchés financiers accouche d’une souris, et le mirifique plan Juncker d’investissement et de relance qui devait en profiter ne décolle toujours pas.
Pour parachever l’ensemble, un nouveau rappel à l’ordre du gouvernement allemand est attendu, qui voit l’ennemi partout à l’occasion de l’examen des projets de budgets 2016. En Italie, où il est abusé de la « flexibilité » des règles avec la complicité de la Commission, en France où les comptes ne sont qu’imparfaitement « documentés », en Espagne où il faut boucher les trous, au Portugal et en Grèce où le respect des objectifs de déficit budgétaire est loin d’être assuré. Y voyant un prétexte des gouvernements italien et autrichien pour se défiler, le gouvernement allemand a retoqué leur demande à Bruxelles de décompter de leur déficit budgétaire le financement de l’aide aux réfugiés.
A propos de ces derniers, une grande confusion continue de régner, faute de solution sur leur répartition au sein de l’Union européenne et devant leur flux qui ne faiblit pas. Hormis l’arrivée de l’hiver, qui va rendre encore plus périlleuses les traversées et diminuer les arrivées, aucune solution tangible n’est en vue. Le plafond initial de réfugiés est enfoncé et le refoulement de ceux à qui l’asile sera refusé s’annonce problématique.
Une cour assidue a été entreprise en direction de Recep Tayyip ErdoÄŸan, le Président turc, Angela Merkel lui rendant visite dimanche prochain. En dépit d’une situation interne qui devient à tous égards explosive, la Turquie doit absolument jouer le rôle rempart qui lui est assigné, alors que l’exode est encouragé par l’intervention russe en Syrie, ainsi que par l’installation des premiers réfugiés en Europe qui le font savoir au pays.
Quel prix devra être payé à la Turquie ? L’addition ne se limitera pas à quelques milliards d’euros, car le président a l’intention d’obtenir la relance des négociations à propos de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne en contrepartie de ses bons offices. Dans un premier temps, l’obtention des visas pourrait être facilitée, ce qui aurait pour effet de faire grossir l’émigration des Turcs vers l’Europe, et notamment vers leur destination privilégiée : l’Allemagne !
Angela Merkel a déclaré devant le Bundestag ne pas vouloir se faire forcer la main, mais elle va devoir lâcher du lest.
Mais auparavant, un petit coup de Crime et Châtiment pour changer d’air, et replonger ensuite dans le sujet avec un…