Billet invité.
De nombreux obstacles se dressent encore devant la formation d’un gouvernement socialiste appuyé par le Bloc de gauche et le Parti communiste, mais il est désormais acquis que c’est l’objectif recherché par Antonio Costa, le secrétaire général du PS.
Une deuxième rencontre avec la coalition sortante PSD-CDS s’est tenue hier, mais aucun rapprochement n’a pu être effectué, et il n’y a pas de nouvelle réunion de planifiée. A contrario, Antonio Costa a donné des interviews à l’AFP et Reuters afin de préparer l’opinion internationale. Les « réunions techniques » avec le Parti communiste et le Bloc de gauche ont commencé et vont se poursuivre, dans le but de rédiger un « programme commun de gouvernement » dont l’axe sera d’accorder la priorité aux mesures contre l’austérité. Enfin, le secrétaire général du PS rencontre aujourd’hui à Lisbonne les ambassadeurs des pays européens, avant de se déplacer demain à Bruxelles pour rencontrer ses pairs socialistes européens, et à ne pas en douter de discrets émissaires.
« C’est comme si nous étions en train de faire tomber le mur de Berlin », a expliqué Antonio Costa à un connaisseur de la politique portugaise, le correspondant du Financial Times Peter Weise, en référence à l’antagonisme qui a opposé les socialistes et les communistes depuis la chute de la dictature en 1974. De fait, la surprise a été immense. Le Parti socialiste n’est pas Syriza, a-t-il aussi fait valoir, comme s’il tirait de la Grèce la leçon qu’il faut être un pas en avant, pas deux, et qu’il n’est pas question de mettre en cause les engagements internationaux du pays. C’est ce que reflète aussi la position inattendue des communistes et de l’extrême-gauche, qui pensent que ce qui sera obtenu sera toujours bon à prendre.
Mais rien n’est encore garanti. La droite du parti socialiste s’oppose à cette option, une décision des instances supérieures du PS allant être nécessaire. Certains de ses membres réclament même la tenue d’un référendum réservé aux militants du parti, dans l’espoir de tout faire capoter. Pris à contrepied, le président de la République pourrait également faire des manières après s’être avancé au lendemain de l’élection en demandant au PSD de constituer un gouvernement « stable ». Enfin, des votes socialistes pourraient faire défaut lors du vote de confiance de l’Assemblée. Ne pas perdre de temps va être décisif pour arracher la décision.
Un gouvernement de gauche portugais bénéficiera-t-il d’un assouplissement de la politique européenne ? A la différence de la Grèce, le pays n’attend plus de versements de son plan de sauvetage dont il est sorti, et ce moyen de pression a disparu. Mais son redressement économique dont les autorités européennes se sont prévalues est très modeste et fragile, et les marges de manoeuvre du gouvernement sont réduites s’il veut s’inscrire dans les ratios obligatoires de déficit et de la dette.
Le gouvernement espagnol, en pleine campagne électorale, vient après quelques hésitations de se faire rappeler à l’ordre par la Commission a propos de son projet de budget 2016, signe que l’heure de la mansuétude n’est pas venue. Cette dernière attend la communication du budget du gouvernement portugais, que celui-ci est incapable de présenter en raison des circonstances, comme si le respect du délai du 15 octobre primait sur toute autre considération, et qu’imposer la communication d’un budget préparé par le gouvernement sortant était l’occasion d’enfermer celui qui lui succédera… En Grèce, le gouvernement d’Alexis Tsipras tente pour sa part un test en reportant l’augmentation très décriée d’une taxe immobilière auquel il s’est engagé, pour voir.
Entre la Grèce, le Portugal et l’Espagne existe une communauté de problèmes criants qui vont trouver l’occasion de s’exprimer simultanément. Au Portugal et en Espagne, où il a été levé le pied sur les mesures d’austérité en raison des élections, celles-ci vont-elles ou non devoir reprendre ? Dans ces trois pays, va-t-il pouvoir être espéré des gouvernements français et italien un soutien qui avait fait défaut à la Grèce, précipitant la suite ?
Telle une bouteille lancée à la mer, un premier signal a été donné, bien dans la manière alambiquée du gouvernement français : il n’a pas les moyens financiers, déplore-t-il, pour soulager comme il le voudrait les Allemands de la pression des réfugiés qui cherchent à y rester en allant au-delà des engagements déjà pris. Sous-entendu, desserrez notre carcan, nous en ferons autant du vôtre ! Pierre Moscovici avait laissé entendre que les coûts correspondants à cet accueil pourraient être déduits du calcul du déficit et de la dette, mais le gouvernement allemand a depuis fait barrage, car rien ne doit desserrer l’étau financier. En Allemagne, Wolfgang Schaüble préconise d’ailleurs de diminuer l’allocation dont les réfugiés bénéficient pour sortir de cette contradiction.
En Italie, Matteo Renzi continue d’explorer les limites de la « flexibilité budgétaire » chichement accordée par Bruxelles dans le cadre de ce que Pierre Moscovici a qualifié de « dialogue de qualité ». L’objectif est d’obtenir l’assentiment de la Commission à propos du dérapage budgétaire, les dépenses supplémentaires n’étant que partiellement couvertes par des économies. Correspondant selon lui à des réformes structurelles et des investissements, celles-ci sont présentées par Matteo Renzi comme inscrivant dans des « espaces de flexibilité ». Ce qui n’est pas le cas des allocations chômage, des retraites et des salaires…
Tout cela n’augure pas d’un clair assouplissement de la politique européenne, annonçant un parcours difficile pour le gouvernement socialiste s’il voit le jour.
Vous nous dites qu’il n’y a eu, jusqu’à présent, que moment Pearl Harbor à rebours. Il me semble, à la…