Billet invité.
L’Europe est entrée dans une phase de crise politique larvée accompagnant la nouvelle période de faible croissance et de fort chômage dans laquelle elle se trouve. Confirmant qu’elle y est installée, Eurostat vient de constater que les pressions déflationnistes s’accroissent au sein de la zone euro, prenant à contre-pied la BCE et son programme d’assouplissement monétaire destiné à les combattre.
Tout a commencé par une victoire de Syriza qui n’a pas donné tous ses fruits attendus – et va se poursuivre au fil des consultations électorales à venir et de leurs préparatifs. En Espagne, Podemos dont il était attendu qu’il prenne la succession, est actuellement dans un trou d’air, mais Jeremy Corbin bénéficie d’une éclatante élection à la tête du Labour britannique. Comme s’il devait y avoir toujours des évènements qui justifient d’espérer.
Mais l’impression d’ensemble qui ressort de ces élans est qu’ils n’aboutissent pas. Au Portugal, la coalition de droite PSD-CDS pourrait l’emporter et se succéder à elle-même le week-end prochain, le parti socialiste ne parvenant pas à revenir au pouvoir faute de déclarer clairement ses intentions et parce que sa responsabilité initiale n’est pas effacée des mémoires. On y assiste à un nouvel épisode du déclin historique des partis sociaux-démocrates. Mais, quel que soit le vainqueur il n’aura pas la majorité, et la formation d’une coalition à laquelle le président de la République appelle est une hypothèse d’école.
Podemos, qui n’a pas d’équivalent au Portugal, fait désormais douter de sa capacité à remporter les élections espagnoles de décembre prochain, ne laissant comme alternative que la perspective d’une coalition avec le PSOE très en pointillés. Le Partido Popular reste en tête des intentions de vote, mais Cuidadanos – équivalent de Podemos au centre-droit – continue à progresser. Telle qu’elle est posée, l’équation n’a pas de solution, car l’impressionnante émergence de Podemos et Cuidadanos exprime un rejet des partis de gouvernement rendant scabreux un accord avec eux à l’arrivée. Ce qui renvoie là encore à l’hypothèse d’une coalition PP-PSOE.
Au Royaume-Uni, l’échéance électorale est bien plus lointaine, prévue pour 2020. Jeremy Corbin entame une longue marche dont le parcours s’annonce plein des chausses-trappes que ne va pas manquer de lui opposer un appareil du Labour pris à rebrousse poil et convaincu qu’avec son programme de gauche, l’échec du parti est assuré lors des prochaines élections. L’élan suscité par le nouveau chef du Labour, mesuré par l’afflux des nouveaux adhérents ou l’assistance aux meetings est impressionnant, tout comme la morgue avec laquelle les dirigeants conservateurs brocardent leur nouveau challenger. Mais il restera isolé en Europe, seul parti d’origine social-démocrate assumant sa filiation.
La disparité des situations européennes est un obstacle dans un contexte où, si la bataille est menée dans chaque pays, elle n’a de solution qu’en trouvant ses solutions dans tous. L’absence de points d’appui et de relais a ainsi été fatal à Syriza. Manque, pour y parvenir, un programme commun unificateur de quelques grandes mesures phares. Car la force du rejet n’est pas suffisante. Les têtes de chapitre sont toutes trouvées : lutte contre les inégalités, développement de la protection sociale et renforcement des ressources fiscales des États, réduction de l’endettement, développement des activités collaboratrices, lancement de programmes de production responsables, remise des activités financières à leur juste place…
« En période de récession économique ou de crise politique, l’extrême gauche devient souvent l’extrême droite…! » Il faut changer de lunettes…