Billet invité.
Ce n’est pas la victoire en chantant mais bien plutôt par l’épuisement.
Au vu des résultats de la dernière élection législative grecque, force est de constater qu’en pleine crise des réfugiés et en pleine coupe du monde de Rugby, la Grèce est entrée de plain-pied dans la normalité.
Normalité d’une abstention croissante (44% environ, auxquels il faut adjoindre les blancs et les nuls), signe d’un épuisement démocratique certain des citoyens que l’on constate un peu partout en Europe.
Normalité politique ensuite qui voit le pari politique personnel d’Alexis Tsipras de conserver son poste de premier ministre, remporté, malgré la ‘contrainte extérieure’ qu’il a acceptée lors de la signature de l’accord d’aide européen avec les créanciers de la Grèce en juillet : quand l’alternance politique se réduit au choix des personnes, le choix des électeurs est de conserver celui considéré comme le moins mauvais parmi tous les autres.
Normalité enfin d’un champ politique grec éparpillé façon pièces de puzzle, avec un nombre important de partis politiques, y compris ceux qui sont représentés au sein de la Vouli, traduisant l’incapacité politique à structurer autre chose que les ambitions personnelles de la classe politique.
La spécificité de la situation grecque réside en fait dans sa capacité – dont la dimension européenne a été attribuée par ceux que cela arrange politiquement – à écarter du champ de la représentation politique ceux qui ne partagent pas l’acceptation de l’ordre européen tel que gravé dans le marbre de l’accord, après avoir été écarté du pouvoir exécutif. Ainsi élagué, le politique ne laisse perdurer comme possibilités de contestations que l’abstention, des néo-nazis et des néo-staliniens : autant dire un lien pour le moins ténu avec la représentation démocratique classique …
L’autre spécificité est de promouvoir comme seule possibilité que le mariage, renouvelé (mais affaibli en nombre de députés), de la carpe et du lapin entre un parti de gauche dit ‘radical’ et un parti souverainiste de droite, tous deux par ailleurs signataires de l’accord d’aide européen. Que l’on soit ainsi radical de gauche ou souverainiste (de droite), il n’y a donc de possible qu’une action sur les marges de ce que l’ordre européen actuel impose.
L’ordre européen aurait ainsi beau jeu de crier ‘Victoire !’, tant il a voulu imposer le rapport de force à la Grèce et par-delà à l’ensemble du champ politique européen, pour enfin obtenir un gouvernement qui convienne à ses vœux.
Mais c’est une victoire ‘vendangée’ comme on dit en des termes sportifs, parce qu’une telle victoire, immanquable de par l’absence de choix réels offerts aux citoyens grecs, sera de fait un échec, tant sur la forme que sur le fond, quand il faudra appliquer le mémorandum dans les mois à venir en Grèce.
Et puisque l’on parle de vendanges, il n’est jamais bon de pronostiquer la qualité d’une récolte, surtout en politique, avant même que celle-ci ait pu être transformée en vin, surtout quand celle-ci est encore à venir en vendanges tardives en France.
Pour faire un bon vin, il faut certes récolter à temps les grappes, mais il faut surtout éviter de récolter les raisins de la colère et du désespoir et avoir un bon maître de chai.
L’Europe n’a plus ni bon grain, ni climat économique clément, ni vigneron.
Et quand ce mauvais vin sera tiré, il faudra bien le boire jusqu’à la lie.
Une représentation effondrée, c’est d’actualité !