CHAOS DANS LES BALKANS, par François Leclerc

Billet invité.

Accueillante et généreuse, l’Europe est enfin passée à l’acte, mais c’est pour tant bien que mal verrouiller ses frontières sur la route des Balkans, de loin la plus fréquentée. Depuis la Bulgarie et la Hongrie jusqu’à la Croatie et la Slovénie, les réfugiés tentent désormais de se frayer un passage en dépit des cordons de policiers et des clôtures de barbelés. Plus au sud, à Erdine, plusieurs milliers d’entre eux restent bloqués par la police turque à la frontière avec la Grèce et la Bulgarie, dans l’espoir d’une rencontre avec le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, qui ne vient pas. Parfois abrités par les autorités, les réfugiés sont souvent réduits à des campements précaires, laissés à eux-mêmes et tributaires des soutiens qu’ils rencontrent.

Les frontières croates ont été d’abord ouvertes, puis fermées devant leur afflux irrésistible : en trois jours, 17.000 réfugiés sont entrés en Croatie, saturant les moyens d’accueil. Afin de forcer la main aux autorités hongroises, plus de 4.000 d’entre eux ont été ensuite acheminés par car vers la Hongrie, la construction de la clôture de barbelés à la frontière des deux pays achevée. Une fois en Hongrie, les réfugiés ont été convoyés vers des centres proches de la frontière autrichienne, où ils ont été enregistrés. Samedi matin, le premier ministre croate Zoran Milanovic a déclaré à propos des Hongrois « nous les avons en quelque sorte contraints d’accepter les réfugiés et nous allons continuer à le faire ». L’Autriche a ensuite accueilli dans la nuit de vendredi à samedi 6.700 réfugiés provenant de Hongrie.

La situation à la frontière avec la Slovénie, au nord de la Croatie, est tout aussi confuse. Vendredi soir, la police slovène a dispersé au gaz lacrymogène plusieurs centaines de migrants qui cherchaient à la forcer, qui se sont depuis massés sur le pont la marquant et réclament le passage. Selon la police slovène, 1.150 migrants ayant néanmoins réussi à entrer dans le pays ont été enregistrés et dirigés vers des abris. Le premier ministre Miro Cerar a déclaré que « si la pression des réfugiés devient trop forte, la Slovénie va certainement discuter (…) d’éventuels couloirs vers tous les pays concernés ».

Avec un rare sens de l’à-propos, le commissaire à l’élargissement de l’Union européenne Johannes Hahn a déclaré devant le parlement macédonien que les pays d’Europe centrale et des Balkans n’avaient pas vocation à être les « parkings » des réfugiés, ajoutant : « Vous êtes aussi des victimes de cette situation et nous ne vous abandonnerons pas ». Il n’a pas précisé comment.

Les naufrages s’enchaînent en Méditerranée, au large de la Libye ou de la Turquie rendant criminelle la fermeture de la frontière turque d’Erdine qui ne laisse plus aux réfugiés qui cherchent à l’éviter qu’une seule route possible : la périlleuse traversée vers les îles grecques.

Telle est aujourd’hui la seule image possible de l’Europe.

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