Billet invité.
De natures différentes, les crises européennes se suivent et ont en commun de ne pas trouver de solution, menaçant une construction qui chancelle. Piliers de l’Europe, la zone euro a été menacée et l’espace Schengen est désormais en cause. La Commission marginalisée, le Conseil européen se révèle toujours aussi inopérant au fil de crises qu’il affronte sans parvenir à les résoudre, et qui s’accumulent. Mais cela ne se résume pas à un problème présenté comme étant de gouvernance et renvoie aux mesures à prendre pour sortir de la crise, ainsi qu’à la conception de l’Europe qui reste à construire.
Les derniers épisodes de la crise des réfugiés ont masqué la réunion ce week-end d’un Eurogroupe informel. A cette occasion, le gouvernement allemand a refusé le renforcement avant la fin de l’année du fonds européen de garantie des dépôts bancaires – le « troisième pilier » de l’Union bancaire – comme le proposaient la Commission, la BCE et la France. Cette perspective s’est imposée dans le cadre de la réflexion sur le renflouement des banque grecques. A la demande insistante de la BCE, la procédure prévue pour leur « bail-in » (sauvetage par les actionnaires, détenteurs d’obligations et gros déposants) n’a pas été respectée, afin de protéger les dépôts des entreprises grecques et de ne pas précipiter l’effondrement de l’économie. La garantie européenne des dépôts jusqu’à 100.000 euros ne pouvant être financée par l’État grec qui n’en a pas les moyens, l’appel au Fonds européen de garantie devenait inévitable afin de stopper les retraits des fonds des banques. Précisément ce dont le gouvernement allemand ne veut pas entendre parler, en raison du risque de mutualisation des pertes qu’il représente. Avant de mutualiser les risques, il faut tout faire pour les réduire.
Dans cet esprit, il est pour lui hors de question d’aborder le « troisième pilier » de l’Union bancaire avant d’en avoir terminé avec le « second pilier », et adopté de nouvelles dispositions qui ont tout d’une opération vérité. Afin de les présenter, Wolfgang Schäuble a distribué à ses collègues de l’Eurogroupe un « non paper », une note dépourvue de caractère officiel. Selon ce document, une procédure de « faillite souveraine » devrait être mise en place : les titres de dette des États membres de la zone euro devraient comporter une clause rendant automatique une extension de leur maturité lorsque le pays émetteur reçoit des fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES), et une analyse de la soutenabilité de la dette par le FMI serait obligatoire. Ce n’est plus seulement de la Grèce mais aussi de l’Argentine que les leçons sont tirées. Et cela veut dire que d’autres crises de la dette sont susceptibles de survenir en Europe pour le gouvernement allemand, et qu’il faut s’y préparer.
La lente montée en puissance sur huit ans du Fonds de résolution unique financé par les banques, ainsi que son plafonnement à 55 milliards d’euros, ayant comme conséquence l’appel aux fonds publics en cas de besoin, il est également urgent de renforcer les fonds propres des banques afin de donner corps à la procédure du bail-in, et pour ce faire de mettre en évidence leurs points de faiblesse cachés. A cet égard, les obligations souveraines devraient cesser d’être considérées comme étant dépourvues de risque, explique non sans raison la note. D’autres mesures visant également à renforcer les fonds propres des banques y sont préconisées, notamment à propos de l’éligibilité aux fonds propres des Deferred-tax assets (anticipation des déductions fiscales sur des profits futurs en raison de pertes antérieures), une corde sur laquelle il est beaucoup tiré et qui masque la situation réelle de nombreuses banques européennes. Enfin, le gouvernement allemand revient également sur le « premier pilier » de l’Union bancaire, suggérant que la BCE ne peut être à la fois responsable de la politique monétaire et en charge de la supervision du secteur bancaire, mettant en cause une disposition déjà en vigueur. La confiance ne règne pas, le gouvernement allemand est placé pour le savoir avec ses propres banques, qu’il protège néanmoins.
Un message a été envoyé ce week-end aux partisans du renforcement de la gouvernance européenne et de la solidarité qui font campagne sur ce thème : on ne bâtit pas sur du sable. L’état réel du système bancaire européen est toujours un point de faiblesse qui n’a pas été résorbé et la crise des réfugiés montre qu’il ne faut pas trop compter sur la solidarité européenne.
À ce propos, un nouveau débat est apparu entre la Commission et le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Afin de faire rentrer dans le rang les pays récalcitrants au plan de répartition par quotas des réfugiés, que faut-il privilégier, les incitations comme elle propose sans les définir, ou les pénalités comme le recommande le ministre en faisant référence à la manne des fonds structurels européens, avant d’être désavoué par Angela Merkel ? En attendant qu’une réponse soit apportée, et qu’une solution soit trouvée, le HCR prend ses dispositions pour aider les réfugiés coincés en Serbie à la frontière hongroise, le gouvernement hongrois annonce qu’il va ériger une clôture à sa frontière avec la Roumanie afin de parfaire la fermeture des ses frontières, et les naufrages se succèdent en mer Égée. A la demande des gouvernements allemand et autrichien, un Conseil européen pourrait se tenir la semaine prochaine. Sigmar Gabriel, le vice-chancelier social-démocrate allemand, a déclaré ce matin que « l’Europe s’est couverte de honte », il y a de quoi.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…