Billet invité.
Ce dimanche 13 septembre vous pouviez, si vous vous trouviez du côté de Tampouy (Ouagadougou, Burkina Faso), participer au « cross populaire ‘esprit fort’ pour « contribuer à améliorer la sécurité routière – le piéton est prioritaire ».
… ou aux projections-débat de la « campagne d’éducation au vote », ou encore à une opération de « nettoyage, remblayage et plantation d’arbres »… organisés par un des clubs Cibal (pour « Citoyens Balayeurs »).
Le mouvement Balai Citoyen a été « à l’origine » selon Le Monde, des manifestations des 30 et 31 octobre 2014, qui ont en deux jours mis fin au règne de 27 ans de Blaise Compaoré sur le Burkina Faso.
Fort d’une centaine de « clubs Cibals », 60 dans la capitale et 40 répartis sur le territoire, il s’auto-organise dans la société civile, coordonne des rassemblements et prend la parole sur la scène médiatique depuis lors, sous le gouvernement de transition qui prendra fin avec les élections présidentielles du 11 octobre prochain. Il a dernièrement appelé à la dissolution du RSP, section de l’armée hors contrôle de l’état-major qui constituait la garde prétorienne de Compaoré.
Depuis la chute de ce dernier, le Balai Citoyen est resté indépendant des mouvements politiques qui se sont (ré)-organisés pour concourir à l’élection présidentielle et se déclare, « veilleur », vigilant, gardien de la révolution et entend s’opposer, selon ses moyens, à toute forme de pouvoir qui usurperait les « intérêts du peuple ».
Lors des événements d’octobre, les manifestants ne s’en sont pas pris qu’aux édifices publics régaliens, ou aux résidences du personnel politique, mais aussi à des bâtiments privés, d’entreprises ou de riches particuliers, symbolisant également aux yeux des insurgés le « pouvoir ».
Sans cautionner les quelques pillages qui ont eu lieu, on peut tout de même y voir une vision assez objective, finalement, de ce qui constitue le pouvoir « en place », alliance, au Burkina comme ailleurs, d’intérêts personnels intriqués entre le public et le privé. On comprend mieux la distance à laquelle veut se maintenir le Balai Citoyen par rapport aux affaires politiques qui reprennent, et c’est sans doute tout à leur honneur. Ils entendent rester un mouvement non pas « proche du peuple » mais littéralement « du et pour le peuple ».
… Sachant que la notion de « peuple » n’a pour ces « balayeurs » influencés par le sankarisme pas tout à fait la même signification que pour nous. Le « peuple » est associé ici à la patrie, à l’union sacrée de la majorité et à un brin d’héroïsme sacrificiel, sur un ton qui fait plus penser au « citoyen » de 1789 qu’au « prolétaire » du XIXe siècle. Un peuple pour l’avenir et porté par la jeunesse.
Rap et Reggae
« Démocratie Pastèque » est une chanson écrite en 2011 par Sams’K Le Jah. « C’est à dire verte à l’extérieur et rouge à l’intérieur. Trop de sang a coulé dans ce pays du fait de ce régime. » précise l’auteur.
Outre ses propres chansons, Sams’K Le Jah anime dans les années 2000 une émission Reggae sur Radio Ouaga FM, très écoutée par les jeunes de la capitale, où il critique vertement le système en place et s’insurge notamment en 2007 à propos du non-lieu rendu suite au meurtre du journaliste Norbert Zongo. Il sera après cet évènement intimidé physiquement et menacé de représailles.
Smockey est un rapeur franco-burkinabé célèbre en Afrique et plusieurs fois récompensé. Il est également acteur dans des films produits localement. En 2010, il reçoit le Kora du meilleur artiste Hip-Hop africain et lors de la remise de ce prix à Saint-Louis au Sénégal, en présence du président Compaoré, il dédie alors impertinemment son trophée à Thomas Sankara, « che Guevara africain » assassiné en 1987, sujet tabou au Burkina Faso sous le règne de Compaoré.
« Smockey », rien avoir avec la fumette. Le musicien a choisi ce nom de scène parce que… s’moquer…
Sams’K Le Jah et Smockey fondent le mouvement Balai Citoyen en juin 2013.
En bannière, la figure héroïque de Thomas Sankara
Un des premiers discours « officiels » du mouvement nouvellement créé a été prononcé par Smockey au nom du balai citoyen lors de la commémoration du 26eme anniversaire de la mort de Thomas Sankara, devant sa tombe :
« Camarades,
Cibals, cibelles,
En ce jour 15 octobre 2013, nous commémorons ensemble le 26eme anniversaire de l’assassinat du président Thomas Noel Isidore Sankara. […]
S’il est vrai, que la dépouille de notre camarade président repose en ces logis, nous nous adressons à lui en ces termes :
Camarade président, nous, le balai citoyen, prenons l’engagement devant toi et devant notre peuple, de poursuivre le combat que tu nous a légué, et de n’avoir de cesse de nous battre pour que justice et honneur te soient rendus. […] »
Dans les mois qui ont suivi la chute de Compaoré, une véritable « Sankaramania » c’est emparée du pays, notamment à Ouaga où ont fleuri les portraits du héros sur les façades de la ville.
Il faudra suivre ces cibals et cibelles, et ce qui se passe au Burkina Faso. (littéralement, « le pays des hommes intègres », nom donné par Sankara en remplacement de celui de Haute-Volta)
Vous pouvez liker les Balais Citoyens ici.
Et si vous êtes en manque de sourire ces temps-ci, en 1987 un homme souriait, dehors comme dedans, tout en parlant très officiellement de la misère des siens (Discours de Thomas Sankara à l’Organisation de l’Unité Africaine, sur… le problème de la dette) :
Sa mémoire n’a pas été perdue.
@Chabian L’autre option serait (mais Trump le pourra-t-il ?) d’isoler la Galicie occidentale, à l’histoire européenne mouvementée et pas vraiment…