Billet invité.
La mise en œuvre du 3ème plan destiné à rouler la dette grecque est engagée sous des auspices incertaines. L’éclatement de Syriza domine la scène politique grecque, créant une forte inconnue lors des élections législatives qui devraient se tenir le 20 septembre prochain, ainsi qu’une instabilité gouvernementale potentielle pouvant contribuer à faire obstacle à sa réalisation.
À trois semaines du scrutin, un premier sondage donne Syriza en tête (23%), suivi par Nouvelle Démocratie (19,5%), puis par le reste des partis entre lesquels les votes s’éparpillent. L’Unité populaire – la scission de Syriza – n’obtiendrait que 3,5% et Aube Dorée – le parti nazi – 6,5%. Cela n’augure pas d’une majorité parlementaire pour Alexis Tsipras, alors qu’il a annoncé qu’il ne serait pas le premier ministre d’un gouvernement d’unité nationale avec Nouvelle Démocratie, To Potami et le Pasok. « Nous n’allons pas coopérer avec l’ancien système », a-t-il annoncé, « nous n’allons pas faire revenir ceux que le peuple a fait sortir par la porte ». Serait-il en passe de perdre les premières élections que les dirigeants européens souhaitent le voir gagner ?
Simultanément, les créanciers du pays se préparent à un autre examen de passage aux résultats déjà problématiques. Bien que ramené à 0,25%, l’objectif d’excédent budgétaire primaire de fin d’année sera difficile à atteindre, les rentrées fiscales du gouvernement étant inférieures de 3,5 milliards d’euros aux prévisions. Avec la session de 14 aéroports régionaux (dans les grandes destinations touristiques), l’objectif de rentrées du programme de privatisation de cette année de 1,4 milliards d’euros devrait être accompli (3,5 milliards euros devront être recueillis l’an prochain). Mais cela n’a pas empêché Klaus Regling, le directeur du Mécanisme européen de stabilité (MES), de rappeler sans attendre que « la menace [d’une sortie de l’euro] est une possibilité toujours présente », si les conditionnalités du plan ne sont pas remplies. Un propos qui ne cadre pas avec ceux de Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, selon lequel « la zone euro est un projet irréversible, pas simplement un système de taux de change fixe. Cette affirmation est d’autant plus nécessaire que les récentes négociations avec la Grèce ont laissé échapper de sa lampe le mauvais génie d’une sortie de la zone euro, même temporaire ».
Le compromis passé entre les créanciers européens reste d’une grande fragilité, alors que l’on s’approche de l’ouverture de négociations sur l’autre sujet qui divise, celui de la dette. A l’occasion d’une interview à la télévision grecque Alpha TV, le propos d’Alexis Tsipras à ce sujet a évolué. Évoquant ce qui pourrait résulter des discussions à venir, il a n’a évoqué qu’un « allongement de la maturité et une baisse des intérêts », sans référence à une remise de peine. L’accord qui vient d’être conclu entre le gouvernement ukrainien et ses créanciers privés éclaire ce qui pourrait être en train de se tramer. Le mécanisme adopté élude formellement un tel abandon de créance, au profit d’un échange d’obligations qui le masque. Afin de déterminer le niveau de remboursement des nouveaux titres, il sera pris en considération le niveau de croissance du pays, année par année, ce qui rappelle les propositions initiales de Yanis Varoufakis. Mais ceci n’est à ce stade qu’une hypothèse…
Les dissensions à propos de la Grèce se sont déjà reportées sur les projets de gouvernance de l’Europe, et Benoit Coeuré n’a pas manqué, dans la même intervention, de revenir sur le sujet dans le cadre de la Semaine des Ambassadeurs de Paris. Non seulement pour affirmer que « la zone euro est un projet irréversible », mais que le renforcement de la cohésion de notre union politique et économique pourrait s’appuyer sur la fondation d’un « Trésor de la zone euro » sur la base du Mécanisme européen de stabilité (MES), à condition qu’il soit placé sous l’égide des Traités européens et sous le contrôle du Parlement. »
Avec de toutes autres intentions, comme on s’en doute, le leader de Podemos Pablo Iglesias a lui aussi affirmé que « un changement est possible en Europe ». Il a exprimé lundi dernier son soutien au « lion » Alexis Tsipras ainsi qu’au favori inattendu des élections à la direction du parti travailliste britannique, le syndicaliste de gauche Jeremy Corbyn. Exprimant que si la Grèce a joué les précurseurs, d’autres épisodes européens de la contestation politique s’annoncent à courte échéance. Ce qui met en perspective le débat à propos de la conduite à tenir qui a déchiré Syriza.
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P.S. : Pablo Iglesias aurait même pu sortir du cadre européen et associer à son hommage le sénateur Nord-américain Bernie Sanders. Le candidat se réclamant du socialisme est crédité dans dernier sondage d’un score de 22% aux primaires démocrates américaines et rassemble des foules lors de ses meetings !
(suite) (« À tout seigneur tout honneur ») PJ : « il n’est pas exclu du tout que je me retrouve dans la…