Condition de possibilité de la complémentarité des monnaies aux droits humains, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

La cause de l’échec actuel inéluctable de toutes les monnaies complémentaires en tant que monnaie au sens courant du terme, est de se poser comme formellement ou matériellement « complémentaire » et non substantiellement complémentaire. Un moyen de paiement, de comptabilité et de crédit qui n’est pas universel, c’est à dire logiquement et prévisiblement convertible en n’importe quoi pour ceux qui l’utilisent, ne peut pas être une monnaie. Une monnaie est une monnaie si elle concrétise les trois fonctions identifiées par Aristote à l’intérieur d’une société déterminée de citoyens responsables. Une monnaie est la matérialisation d’un État de droit de tous les échanges moralement possibles entre personnes libres et rationnelles d’une société vivante politiquement constituée.

La seule complémentarité de la monnaie vient par nature de sa pluralité issue de la multiplicité des sociétés politiques. La monnaie se divise en unités de comptes distinctes pour représenter les différentes communauté politiques souveraines au sein desquelles elle quantifie les droits positifs des citoyens. Une monnaie utile n’est complémentaire qu’à l’intérieur d’une souveraineté politique par rapport à une autre souveraineté politique séparée et distincte. Si la complémentarité est interprétée comme la possibilité d’un démembrement de la monnaie en sous-ensembles partiels de ses trois fonctions, alors la monnaie cesse d’exister comme instrument comptable de paiement en crédit interpersonnel.

Toutes les expériences de monnaie complémentaire échouent par défaut de souveraineté de la communauté sociale hôte. Hors de la souveraineté politique réelle, l’unité de compte monétaire se révèle défaillante dans l’une de ses trois fonctions. L’euro, monnaie complémentaire du dollar, échoue comme instrument de compte commun par absence de souveraineté dans la zone euro. Le dollar échoue comme étalon monétaire international par inexistence d’Etat de droit positif international entre les sociétés politiques interdépendantes par la globalisation. Toutes les monnaies complémentaires infra-nationales ou infra-étatiques échouent par défaut d’autorité politique dans l’application des lois qui donnent substance aux promesses contractuelles sous-jacentes aux prix.

Pour qu’une monnaie soit financièrement complémentaire de l’économie réelle entre les vraies gens, il faut nécessairement une règle souveraine d’adossement du crédit à l’accomplissement politique de la Loi entre tous les citoyens. L’adossement du crédit à la loi ne peut pas résulter exclusivement d’une mécanique, ni d’un calcul particulier, ni d’une privatisation de la règle par des sages, des génies ou des philosophes. La crédibilité de la monnaie qui compte et règle les dettes, ne peut venir que de la souveraineté nationale, populaire constituée dans un Etat gouverné par des citoyens responsables devant leurs concitoyens.

La souveraineté monétaire d’une quelconque communauté de citoyens se manifesterait par deux réalités totalement absentes de notre système actuel d’économie politique. La première réalité est la régulation de la banque et du crédit par le pouvoir politique de tous les citoyens et non par un quelconque groupuscule d’intérêts particuliers même plus éclairés que le commun des mortels. La deuxième réalité est la convertibilité externe totale d’une unité monétaire dans une quelconque souveraineté étrangère multinationale, mono-nationale ou locale. Si une monnaie n’est pas convertible en toute autre monnaie à un prix raisonnable et justifiable en droit local, étranger et international, alors le risque de la valeur future n’est pas partageable ou pas équitablement réparti.

L’iniquité monétaire débouche sur l’inégalité des droits positifs et ou sur la réduction des échanges aux seuls citoyens initiés. L’iniquité monétaire gèle la liquidité. Les monnaies complémentaires locales ne résolvent nullement l’inefficience actuelle des monnaies libérales déconnectées de l’économie réelle des droits. Les règles de compensation interbancaire actuelle ne contiennent aucune convertibilité des droits d’une souveraineté à l’autre ; elles ne contiennent non plus aucune mesure de l’efficacité régulatoire du crédit bancaire par les gouvernements souverains.

Qu’il s’agisse des monnaies légales officielles ou des monnaies complémentaires, l’interdiction faite aux pouvoirs politiques de contrôler publiquement la circulation du capital rend inopérant l’adossement du crédit au capital déposant par déposant et de là à l’échelle d’une même zone monétaire. De fait, l’expérience ne cesse de montrer que certains débiteurs comme les non-résidents, les banques et les Etats impériaux peuvent s’endetter sans limite et sans justification de leur production réelle. Conséquemment la bonne monnaie légale et complémentaire adossée à des actifs réels productifs est irrémédiablement noyée dans la fausse monnaie issue des faux contrats ou des activités iniques, illicites ou délictueuses.

La vraie monnaie qui inspire confiance à des citoyens libres, responsables et actifs dans la durée est nécessairement un moyen de paiement indexé sur la réalité économique objective, donc intégré à l’économie des échanges par la loi qui assure les droits de tous les citoyens domestiques et étrangers. La vraie monnaie efficace à l’économie de satisfaction souveraine de tous les besoins humains est nécessairement émise dans un système de compensation des prix par les dénominations infiniment différentiables des choses ; par la responsabilité personnelle nominative objective des propriétaires des choses ; et par la souveraineté politique assurant la responsabilité des prix par des citoyens et des sociétés de citoyens identifiées.

Une telle compensation assure par trois types de prime financière, toute option de prix liquide en monnaie de quoi que ce soit d’acheté par des citoyens à des contreparties qui vendent. L’assurance en réalité et en droit des prix par les primes implique que tout vendeur s’assure auprès de la communauté politique constituée en marché, par une prime de crédit, par une prime d’assurance et par une prime fiscale de conformité effective au bien commun. La définition et la réalité humaine produite et consommée des biens ne peut pas être garantie en dehors d’une souveraineté politique indépendante de l’intermédiation financière.

La modélisation financière de tous les biens compensables entre des personnes solidaires par une même loi et un même gouvernement repose sur les huit notions courantes de titre, de personne, d’acte, de bien, de prime, d’offre et de prix. Ces notions sont numérisables par des intitulés alphabétiques, des identifiants personnels, des relations d’objectivation, des quotités de bien, des origines et des échéances de prime, des offres personnelles d’achat ou de vente de prix nominaux de bien déterminé ; et des prix réels effectivement engagés sur des intitulés univoques dans des sociétés solidaires par la coopération des personnes physiques. La vraie monnaie complémentaire de la réalité humaine résulte de quatre causes fondamentales : la verbalité délibérée des biens, l’engagement des personnes, l’objectivité publique des dénominations et la solidarité politique par la communauté marchande des prix.

P.S. :

La cause de l’échec actuel inéluctable de toutes les monnaies complémentaires en tant que monnaie au sens courant du terme, est de se poser comme formellement ou matériellement « complémentaire » et non substantiellement complémentaire.

La modélisation financière de tous les biens compensables entre des personnes solidaires par une même loi et un même gouvernement repose sur les huit notions courantes de cause, de titre, de personne, d’acte, de bien, de prime, d’offre et de prix. Ces notions sont numérisables par des intitulés alphabétiques, des identifiants personnels, des relations d’objectivation, des quotités de bien, des origines et des échéances de prime, des offres personnelles d’achat ou de vente de prix nominaux de bien déterminé ; des prix réels effectivement engagés sur des intitulés univoques dans des sociétés solidaires par la coopération des personnes physiques. La coopération des citoyens signifie le financement des finalités partagées par des mobiles explicitement communs d’action. La vraie monnaie complémentaire de la réalité humaine résulte de quatre causes fondamentales : la verbalité délibérée des biens, l’engagement des personnes, l’objectivité publique des dénominations et la solidarité politique par la communauté marchande des prix.

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