Billet invité.
Non sans application, il est tenté de refermer sans faire de vagues le dossier grec, après que sa gestion a dévoilé sous un jour fort peu flatteur, des mois durant, les dessous d’une gouvernance européenne s’épuisant à trouver une issue. Cela laisse des traces.
Avec un acharnement qui ne s’est jamais démenti, qui a fini par être largement perçu dans l’opinion, créant un malaise qu’il fallait dissiper, les plus hautes autorités européennes ont oeuvré à la capitulation du gouvernement Syriza, qui s’est battu pour plus que l’honneur en dépit d’un rapport de force détestable. Un vote du Bundestag et le versement d’une première tranche du 3ème plan de sauvetage, qui va tout juste permettre de rembourser la BCE, le FMI et le crédit-relais du MES, viennent de clore la séquence mais pas de terminer une histoire très mal engagée qui va se poursuivre sur le même mode, en plus feutré, jusqu’au prochain épisode.
La future participation du FMI n’est pas réglée et le financement du plan n’est pas bouclé. Restructuration, allégement, profilage… derrière ces mots se cache un seul enjeu : non pas celui de la réduction de la dette réclamée par le FMI, et catégoriquement refusée par les créanciers européens, mais le camouflage par ceux-ci de l’insolvabilité de la Grèce, quitte à lisser sur soixante ans ou plus son calendrier de remboursement, comme l’évoque le quotidien économique Handelsblatt, son taux étant déjà aux taquets, réduit à 1%. Sous couvert de réformes dont certaines sont par ailleurs indispensables, ils accentuent cette insolvabilité en poursuivant une politique exprimée par des « conditionnalités » ayant plongé les Grecs dans un désastre prolongé et en mettant leur pays tout entier sous tutelle. Leur Europe et la démocratie ne font pas bon ménage.
Le premier ministre grec tente de se donner des marges de manœuvre en proposant que le Parlement européen se joigne à la cohorte de ses tuteurs : Commission, MES, BCE et FMI. Il cherche une assise à sa politique de compromis qui passera par de nouvelles élections dans un mois et le départ de la majorité gouvernementale de l’aile de Syriza qui s’y oppose sans proposer d’alternative convaincante. Moins pour imprimer sa marque dans la négociation à venir sur la dette – qui va principalement se jouer entre FMI et le gouvernement allemand – mais dans l’attente des nombreux rendez-vous du contrôle en continu qui a été instauré. Il lui faut désormais durer, dans l’espoir de nouveaux développements européens qui rompront son isolement.
L’attention va se porter ailleurs, en raison des consultations électorales portugaise et espagnole et des difficultés à dégager des majorités de gouvernement, ainsi que de l’ouverture d’un grand débat portant sur la nouvelle gouvernance de l’Europe, qui s’impose vu le bilan de l’actuelle. Les premières vont permettre de faire le point sur une crise politique européenne larvée et multiforme, le second sur le compromis recherché à propos des nouvelles instances de contrôle de la politique d’austérité néolibérale et de son avenir, les échéances électorales passées. En guise de réglage fin, l’enjeu est de se préparer à une longue période de détérioration progressive de la situation sociale et d’approfondissement des inégalités sur fond de quasi stagnation économique.
Une page est tournée, une mutation est engagée : la désinvolture avec laquelle les Grecs sont traités est annonciatrice de la suite. L’indignité avec laquelle l’Union européenne accueille l’exode dramatique de centaines de milliers de demandeurs d’asile des pays du bassin méditerranéen en guerre ne laisse plus de doute à son sujet.
@Khanard et Pascal Pour moi, Marianne reste un média de gauche ou de centre gauche, heureusement, il n’est pas encore…