Billet invité.
Il n’y a pas trente-six logiques à la crise grecque, et le FMI vient de le confirmer en conditionnant sa participation au nouveau plan de roulement de la dette du pays. Pour justifier son retrait, il fait valoir que la Grèce n’étant pas solvable, sa dette doit être restructurée et, pour adopter un point de vue publiquement balancé, que des efforts doivent être fait des deux côtés, créanciers et débiteur. La donne en ressort décidément injouable.
Alexis Tsipras s’accroche à l’idée qu’aucune autre mesure budgétaire restrictive ne doit être imposée, mais comment pourra-t-il désormais l’obtenir ? A la détérioration de la situation économique – qui éloigne le gouvernement de ses objectifs d’excédent budgétaires et augmente le besoin de financement – s’ajoute désormais un trou financier à combler. La participation du FMI à un plan estimé à plus de 80 milliards d’euros fait défaut, et le Mécanisme européen de stabilité (MES) a annoncé ne mettre que 50 milliards au pot. Sur quoi compter pour le boucher ? Les privatisations, un retour aux excédents budgétaires provenant de nouvelles coupes, une contribution du marché ? Le plan était scabreux, il devient totalement impraticable, car sa finalisation impose d’alourdir encore la peine, au prétexte de dégager à nouveau un excédent, avec comme résultat d’enfoncer pratiquement la Grèce dans la récession.
On peut encore espérer procéder en deux temps : imposer d’abord de nouveaux sacrifices aux Grecs, puis se retourner à la fin de l’année vers le FMI en proposant un allégement sans décote de la dette. Mais cette option est toute théorique, renvoyant vite à la seconde logique de la crise grecque, celle de Wolfgang Schäuble : tirer un trait sur la présence de la Grèce au sein de la zone euro, négocier une « aide humanitaire », et encaisser ses pertes sur la dette. Des estimations ont déjà été faites, selon lesquelles la réduction de la dette grecque réclamée par le FMI serait moins onéreuse que la sortie de l’euro du pays, mais les calculs politiques l’emporteraient dans ce cas sur la logique financière : l’enjeu n’est plus le seul sort de la Grèce mais le tournant que doit prendre la zone euro, ce qui peut justifier son prix.
Tout à sa bataille interne à Syriza, Alexis Tsipras mise-t-il sur l’approfondissement des divisions entre les créanciers européens ? Sur la constitution d’un camp réclamant l’assouplissement des exigences des créanciers européens pour ne pas entrer dans le jeu d’une réforme institutionnelle de l’Union européenne qui renforcerait une politique qu’ils cherchent à assouplir ? Mais que peut espérer le premier ministre grec de gouvernements pris au piège du sauvetage de leurs banques et qui ont été les artisans d’un plan ayant déjà déraillé ? Il faudrait qu’ils mettent les pieds dans le plat.
Les élections espagnoles et portugaises auront lieu à l’automne, à la suite du congrès de Syriza prévu en septembre, dans un contexte de grande incertitude générale qui pourrait en sortir encore accentué. Pour lever celle-ci partiellement, un accord avec la Grèce dans les semaines à venir serait nécessaire, mais cela impliquerait que la barque ne soit pas davantage chargée. Tout le contraire des intentions du ministre allemand des finances qui conserve l’initiative et joue la stratégie du chaos.
Pendant les travaux, la crise européenne continue. Les derniers chiffres de l’inflation et du chômage au sein de la zone euro sont tombés et ne sont encourageants ni pour la BCE, ni pour les gouvernements. En juillet, l’inflation est établie à 0,2% sur un an, en dépit du programme massif d’injection monétaire de la BCE – qui doit se poursuivre jusqu’en 2016 – et on évoque déjà sa poursuite. Une situation qui ne sera pas sans rappeler, si cela se confirme, celle que connaît la Banque du Japon et qui n’est pas de bon augure : la BCE pourrait être condamnée à continuer d’acheter de la dette publique et privée. Et si une déflation caractérisée pourrait être évitée, une forte pression déflationniste subsisterait. Du côté du chômage, en dépit d’annonces faisant état de sa baisse en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne (où il est toujours de 22,5% officiellement), son taux moyen est resté collé à 11%, l’Italie connaissant un fort accroissement du nombre de chômeurs. Mais les gouvernements affectent d’avoir d’autres occupations, ne pouvant rien y faire.
Ah, parce qu’un coup de semonce, ce n’est pas une escalade militaire ? Régulièrement, Poutine rajoute un degré de plus…