La Grèce, ce Fukushima européen, par Zébu

Billet invité.

La Grèce, toutes proportions gardées, a été le Fukushima politique de l’Europe : construite sur une faille géologique, en dépit du bon sens à proximité de la mer avec des protections européennes qui se sont révélées totalement inadaptées, dont la gestion de la catastrophe a été effectuée en dépit du bon sens, au profit d’opérateurs privés (banques) contre le bien commun.

Le réacteur européen était déjà entré depuis longtemps dans une phase de criticité quand le tremblement de terre des subprimes puis le tsunami financier l’a frappé. Ce réacteur a littéralement fondu en un magma informe, ‘l’austérité’, que seule la profondeur de la cuve en béton armé des fondations européennes retient encore.

Et comme à Fukushima, on aura des territoires européens stériles et contaminés par l’austérité pendant des décennies, une contamination rampante et diffuse, puis un discours européen officiel déclarant que ce qui était contaminé hier ne l’est plus du tout par la seule force de son verbe.

Après quelques années, on redémarrera la ‘réaction’ partout en Europe, parce que celle-ci dira-t-on aura un besoin vital de l’austérité pour faire tourner le moteur de la croissance.

Entre-temps, on aura oublié la Grèce comme on aura oublié Fukushima, sauf lors des ‘dates anniversaires’. La ‘confiance’ sera revenue.

L’Europe est ainsi devenue comme un cœur nucléaire entré en fusion.

On peut rajouter autant de coffrage de fédéralisme que l’on voudra, cela ne changera pas la nature du problème, quand dans le même temps, personne ne sait comment démanteler une telle ‘réaction’, encore moins par séparation de chaque partie du tout (nations/zone euro).

La ‘confiance’, en cette Europe, est définitivement morte en Grèce.

Sauf qu’entre-temps, le magma de l’austérité aura continué son chemin et pourrait avoir percé la cuve européenne. Nous pourrions alors nous retrouver avec le syndrome chinois d’une extrême-droite aux portes du pouvoir. On sonnera le tocsin et l’hallali mais personne ne saura en vérité ce qu’il conviendra de faire.

De deux choses l’une.

Soit nous sommes en capacité d’exploiter ce magma en tant que source d’énergie pour alimenter le système européen au bénéfice de tous, comme d’une énergie qui fait terriblement défaut à l’Europe, permettant ainsi avec le temps de diminuer l’intensité de l’action du magma sur la cuve européenne, en attendant que son niveau de réaction se soit suffisamment abaissé pour que l’on puisse l’extraire et réparer les dégâts. Le fait est cependant que ce magma s’effondre par sa masse, il ne s’élève jamais. Une telle capacité n’existe donc pas et n’est pas prête d’exister.

Soit nous renforçons immédiatement les fondations européennes, nous instituons un moratoire sur l’austérité et nous démantelons collectivement les réacteurs européens de la dette avant qu’un autre pays européen n’entre en surfusion sous l’effet d’un quelconque calamité économique ou financière.

Mais cela impliquera, comme au Japon, que l’Europe se confronte à la question de l’alimentation de son système économique et financier, de son indépendance mais aussi de son mode et niveau de consommation, sous peine de devoir à court terme, par défaut, être dans l’obligation de réactiver les centrales à austérité.

Cette sortie du cadre est possible. Certains ‘techniciens’, comme Thomas Piketty et Paul Jorion, la nomment.

Mais cela nécessite l’assentiment de la population européenne quant à l’abandon, la transformation et l’adaptation de son mode de vie. ‘Techniquement’, tout est réalisable, même le pire, comme l’a démontré la Grèce. Politiquement, cela ne dépend pas des ‘pays’ mais bien des seuls citoyens.

La Grèce, quant à elle, assumera le triste rôle du contaminé dans l’Histoire européenne et pendant longtemps, aussi longtemps que le réacteur de l’austérité européen n’aura pas été stoppé et démantelé.

Les Grecs n’avaient aucun moyen de stopper cette fusion délirante, tout au plus en limiter les effets, dans des proportions tellement faibles qu’elles pourraient paraître ridicule au regard des échelles de grandeur de la catastrophe.

C’est aux Européens face à la Grèce, comme aux Japonais face à Fukushima, de s’emparer de ces questions et d’y apporter des réponses. Je reste relativement pessimiste, eu égard à la réaction d’acceptation de l’ordre établi, tant des Japonais que des Européens. Mais relativement néanmoins, car il me semble que les sociétés européennes ont un ressource que ne possède pas la société japonaise : leur diversité.

Le temps presse.

Le magma poursuit son œuvre de destruction de la cuve européenne, mais nous pouvons encore contrecarrer son action : contrecarrer et non donner plus de temps comme le font les politiciens européens actuellement.

Ensuite, il sera trop tard.

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