Certains s’étonnent – dans les commentaires ici, et dans les mails que je reçois – de mon humeur égale depuis le 25 janvier, date de la victoire de Syriza aux législatives grecques. Ils me recommandent d’adopter leur propre point de vue qui, si j’en juge par la suite de leurs messages, est fait de montagnes russes, où les périodes de désespoir profond succèdent aux époques de folle exaltation.
La situation telle que je l’interprète est que les 36 % de votants en faveur de Syriza le 25 janvier ont enfoncé un coin dans l’unanimisme qui faisait jusque-là de la Troïka, un Léviathan terrible et apparemment invincible. Les 61 % en faveur du « Non » lors du référendum du 5 juillet ont enfoncé un second coin. Les deux continuent de porter leurs fruits.
Oui, M. Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, semble avoir gagné dimanche une bataille en rase campagne, humiliant la Grèce, plongeant Alexis Tsipras dans un navrant désarroi, mais les guerres qui se décident sur une unique bataille sont bien rares.
Les fissures au sein de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) ne datent pas du 25 janvier 2015 : les premières sont apparues dès 2010, avec le début de la crise grecque, d’autres, plus profondes, datent de 2012. C’est à cette époque qu’a débuté une lutte fratricide entre Mario Draghi, à la tête de la BCE et Jens Weidmann, président de la Bundesbank, la banque centrale allemande ; l’épisode où Schäuble insulte copieusement Draghi, au point que la réunion en cours doit être interrompue, date lui de la semaine dernière.
C’est en 2012 aussi que le FMI a perdu de sa superbe quand Olivier Blanchard, son économiste en chef, a reconnu que son institution avait préconisé à tort l’austérité en 2009, alors que c’était la relance qu’il aurait fallu promouvoir – une erreur qu’on ne peut qualifier de « détail » car elle est une question de vie ou de mort pour les plus exposés et les plus faibles d’entre nous. Et le FMI martèle aujourd’hui que la dette grecque est insoutenable, contre l’opinion de l’Eurogroupe, le club des ministres des Finances de la zone euro.
Les relations entre la Chancelière Angela Merkel, convaincue que la zone euro s’écroulera si un seul de ses membres la quitte, et Schäuble, partisan de soumettre par la terreur et l’exclusion les têtes qui dépassent, flirtent avec le point de rupture depuis la venue au pouvoir de Syriza. Quant au gouvernement des États-Unis, que Yanis Varoufakis avait défini à juste titre (géopolitique prévalant) comme le deus ex machina dont tout dépendrait in fine *, il s’apprête (voir les nouvelles de ce matin) à siffler la fin de la récré à la maternelle Zone euro en folie.
Varoufakis nous a parlé des yeux vitreux des ministres des Finances européens en face de lui quand il s’efforçait récemment de leur expliquer la situation en termes économiques et financiers. Prêtres d’une religion féroce, ignorants de tout ce qui est absent de leur catéchisme, les malheureux n’y entravaient que pouic ! Posez-vous la question : ces regards vides leur donnaient-ils une mine de vainqueur ?
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* Dans la version révisée en novembre 2014 de son Minotaure planétaire (2011).
C’est la méthode descendante (top-down) : avec un LLM en arrière-plan de chaque personnage, répliquant dans chaque instance, un humain…