Billet invité.
Souvenez-vous : il avait suffi de quelques heures, à l’automne 2011, pour que les pressions des « créanciers » de la Grèce étouffent dans l’oeuf le projet de référendum du premier ministre grec de l’époque, Georges Papandreou.
Quatre ans d’austérité plus tard, non seulement Alexis Tsipras a pu mener son referendum, mais les citoyens grecs ont fait entendre leur refus des conditions aberrantes des mêmes « créanciers, et ce malgré une propagande médiatique nationale et internationale menée tambour battant.
Pour l’instant, les « créanciers » de la Grèce (et de l’Espagne, du Portugal, et bientôt de la France, de la Belgique) continuent de mener le jeu. Mais chacune de leur victoire est désormais une victoire à la Pyrrhus. Un historien facétieux pourrait appeler ça « la baisse tendancielle du taux de profit politique ».
Face à la Grèce, mais surtout face à elles-mêmes, les élites européennes sont au bord de la rupture. Pourquoi ? Que s’est-il passé ? C’est très simple : les décideursqui ne croient plus aux mesures appliquées voient leur nombre augmenter rapidement… et commencent à afficher publiquement leur désaccord.
Ce n’est pas une question de courage politique de l’un ou de l’autre : c’est une question d’affaiblissement de la pression exercée par le groupe. Chaque sommet européen est en fait une variante tragique de la fameuse expérience de psychologie sociale menée par Solomon Asch (1951) :
En effet, il y a quatre ans, exprimer ouvertement un simple doute lors d’un sommet européen, c’était s’exposer à sentir sur soi les regards interloqués de tous les autres. Aujourd’hui, les sceptiques sont plus nombreux : la pression de la majorité n’est plus tout à fait irrésistible. Il redevient possible d’exprimer une voix discordante.
La question n’est donc pas de savoir qui (quel dirigeant, quel pays) va finalement obtenir une modification du cadre. La question n’est même pas de savoir quand lamajorité des décideurs va envisager cette modification du cadre. La question est de savoir dans combien de temps le nombre de décideurs dubitatifs sera suffisant pour constituer une masse critique, autorisant une contestation franche au sommet… et une inflexion des politiques.
Ce qui se passera lorsque ce basculement aura lieu (car il aura lieu) ne marquera pas pour autant la fin du cauchemar que nous vivons. En effet, quand les dieux de l’Olympe européenne interrompront leur sinistre banquet et renverseront la table pour s’invectiver les uns les autres, rien ne dit que ce sera enfin pour le bien des peuples.
Les dieux en colère ont toujours eu le chic pour faire chier (et périr) les mortels, comme l’enseignait Homère. Un grec, lui aussi.
« En période de récession économique ou de crise politique, l’extrême gauche devient souvent l’extrême droite…! » Il faut changer de lunettes…