LE TEMPS QU’IL FAIT LE 10 JUILLET 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 10 juillet 2015. Merci à Olivier Brouwer.

Bonjour, nous sommes le vendredi 10 juillet 2015, et il y a une chose que vous connaissez sans doute comme moi, qu’on appelle « les hasards du calendrier ». Et les hasards du calendrier, c’est que, eh bien, [on m’invite], et puis on me dit soit : « On voudrait que vous parliez de décroissance ou bien de ceci ou de cela », ou bien on vous dit : « Voilà, de quoi est-ce que vous voulez parler ? », et il y a une troisième option qui est qu’on décide du titre et puis on dit : « Voilà, ça vous convient ? »

Et ce soir, à Dunkerque… C’est pas exactement à Dunkerque (c’est a Grande-Synthe), c’est un tout petit peu en dehors, mais enfin c’est la région, cette région magique, La Panne, Bray-Dunes, Malo-les-Bains, la chanson de Souchon, « Le baiser », voilà, je vais la mettre en-dessous, parce que c’est cette atmosphère de plage du nord de la France à la frontière avec la Belgique, et je parle de « La fin du capitalisme ». Alors voilà, ça, ce sont les hasards du calendrier, parce que, eh bien, il est en train de mourir sous nos yeux !

Je fais partie des gens qui écrivent là-dessus depuis un certain nombre d’années. J’ai écrit un livre qui s’appelait : « Le capitalisme à l’agonie », et hier, dans la réunion que nous avons eue, le groupe d’experts que consulte le Ministre des Finances belge, j’ai eu l’occasion de lui dire personnellement que dans cette recherche, dans ces propositions que nous faisons, qu’il le sait sans doute, mais je mets l’accent, sur le fait que ce n’est pas business as usual, que le système financier est dans une crise profonde, et, voilà, il a eu l’amabilité de me dire que c’est pour s’entendre dire des choses comme ça qu’il m’avait demandé de faire partie de cette commission.

Alors, la fin du capitalisme, eh bien, pourquoi ? Parce que c’est un système qui ne peut pas marcher. Vous verrez répéter ad nauseam que le capitalisme a rendu tout le monde très riche sur la surface de notre planète. Ce n’est pas le capitalisme qui a rendu les gens riches : c’est la prédation, c’est le fait que nous avons un monde extrêmement généreux autour de nous, que nous avons quasiment épuisé, mais c’est lui, c’est lui qui nous a permis de devenir riches, ou en tout cas a permis à certains de devenir riches en mettant leur nom sur une étiquette et en disant : « Ceci est à moi ». Voir les auteurs importants qui ont parlé de ça. Je fais référence ici à Monsieur Jean-Jacques Rousseau, de la cité de Genève, et voilà, c’est ça qui a permis que nous soyons riches, certains d’entre nous, c’est le fait que nous avions une planète extrêmement généreuse. Le fait que cette affaire se termine, eh bien, on le voit autour de nous, et le capitalisme en particulier, c’est un truc qui ne peut pas marcher.

Les exemples qui sont toujours donnés, c’est une approche de type exponentiel. C’est de dire – vous connaissez les exemples – si je mets un grain sur un échiquier, en disant voilà, il faut le multiplier par deux sur chacune des cases, on arrive à 2, 4, 8, 16, etc., et rapidement, on arrive à un chiffre qui est absolument – on dit : « incommensurable », ce qui est une erreur, ce n’est pas incommensurable – c’est un chiffre qui devient quasiment infini. Keynes dit [qu’] un doublon de la grande armada placé à l’époque où les Anglais ont pris cet argent-là aux Espagnols, ça ferait 100 000 livres en 1930. Si Jules César avait placé un sesterce, ça ferait quatre fois la richesse globale de la terre, etc. On fait des exemples à l’infini : ce système ne peut pas marcher. Le capitalisme à proprement parler ne peut pas marcher.

Alors, il y a des confusions, j’y fais toujours allusion. On confond un certain nombre de choses : le libéralisme, qui est une sorte de philosophie politique, l’économie de marché (l’économie de marché, c’est le fait que nous distribuons les choses par des marchés), et le capitalisme. Il se fait que nous avons un système qui est à la fois capitaliste, qui est une économie de marché et qui est dans une perspective libérale, mais ça ne veut pas dire que toutes ces choses soient la même chose.

Le capitalisme, c’est le capital : c’est le fait que c’est de l’argent qui manque quelque part, qu’on le prête et qu’on paye des intérêts. Alors, dès qu’on paye des intérêts qui dépassent la croissance qui a proprement eu lieu, dès que la croissance est à 1% et qu’on paye des intérêts de 2%, le système est cuit, parce qu’il a cette tendance à devenir exponentiel. C’est Monsieur Kenneth Rogoff et Madame Carmen Reinhart qui ont fait récemment, il y a quelques années, ce livre qui nous montre qu’il y a 750 pays qui ont fait défaut sur leur dette dans l’histoire des siècles récents. C’est un système qui ne peut pas fonctionner.

Alors, quand on essaye d’obliger un pays, maintenant, dans un cadre comme celui de la zone Euro, un pays à payer des intérêts sur des sommes colossales – et ça s’applique en fait, en réalité, à tous les pays – ça ne marche pas, c’est un système qui ne peut pas marcher. On ne peut pas obliger la Grèce à payer sa dette maintenant et à payer les intérêts là-dessus. Ce n’est pas possible, ça ne marche pas, c’est une question de physique. Alors, d’ici dimanche, on va essayer de sauver le capitalisme en essayant d’imposer une fois de plus un système qui est condamné, qui ne marche pas.

Alors, je termine avec un petit peu de pub. Cette histoire d’intérêts, de croissance, etc., mon sentiment, mon sentiment c’est que la première personne qui arrive à donner une explication cohérente de ça, eh bien, c’est bibi, c’est moi, dans le livre qui va paraître, le livre sur Keynes. Vous avez peut-être vu ça, déjà, quand je l’ai fait en feuilleton. Expliquer cette question des intérêts. Et alors, ce qui m’a permis de le faire, c’est un petit peu accidentel : c’est parce que j’ai découvert un peu tard, dans mon exposé, ces manuscrits de Keynes qui sont en fait des brouillons de son livre, sa « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » qu’il écrira quelques années plus tard. Il a, là, une théorie, une explication du taux d’intérêt, de ce que c’est que les intérêts et les taux d’intérêts, une explication qui marche. C’est dans un fantomatique chapitre 5 qui [ne sera pas présent] dans le livre. Il est parti, là, dans la bonne direction. Il est parti dans la bonne direction, il s’arrête en cours de route. Il invente cette histoire de « préférence pour la liquidité » qui est selon lui l’explication du taux d’intérêt. Ça ne marche pas du tout, ça ne marche pas. C’est simplement, cette préférence pour la liquidité, c’est un truc qui se passe uniquement dans la tête de celui qui va prêter de l’argent. Ça ne montre pas du tout le rapport de force avec celui qui va emprunter. Cette théorie ne marche pas. Il y a l’embryon d’une explication qui marche dans ce brouillon qui ne donnera absolument rien, et je mets tout ça ensemble, et j’ai l’impression, j’ai le sentiment que pour la première fois, il y a une explication qui tient debout de ce que sont les intérêts, les payements des dividendes, etc., etc., par rapport au cadre global de l’économie. Voilà. Ça paraît le 2 septembre. Ça arrivera peut-être un peu tard, mais enfin, c’est comme mon bouquin qui aura annoncé la crise des subprimes : ça arrivera à temps pour que les gens le lisent et comprennent au moins ce qui est en train de se passer ou ce qui s’est passé.

Voilà. Eh bien, à très bientôt ! Je ferai peut-être encore, comme j’ai fait hier, des petites vidéos un peu improvisées. Si vous êtes dans la région de Dunkerque, si vous êtes dans le nord de la France, si vous êtes en Belgique, venez ce soir ! On discutera de la fin du capitalisme qui se déroule, en réalité, donc, sous nos yeux.

Voilà ! A bientôt !

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