Billet invité.
Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, est sur le départ et, ce qui lui donne l’opportunité de livrer sur son blog « quelques réflexions » pas tout à fait anodines. Il apporte ses réponses à quatre questions dérangeantes sur la Grèce, qu’il n’esquive pas : le premier programme de 2010 n’aurait fait qu’alourdir la dette, le financement accordé aurait servi à rembourser les banques étrangères, les réformes exigées auraient produit une dépression économique, et les créanciers persévèreraient dans l’erreur. Nous voilà loin des histoires pour enfants abondamment reproduites dans les médias.
Au premier abord, ses réponses pourraient être prises pour un plaidoyer, la faute étant reportée sur les responsables grecs – qui se sont refusés à redresser les travers de leur pays – ou bien sur les créanciers européens, qui n’ont jamais voulu reconnaitre la nécessité d’une restructuration de la dette que le FMI a tout autant préconisée. Seul un mea culpa renouvelé est perceptible à propos des effets des mesures imposées au gouvernement grec : « la baisse de la production a en effet été bien plus forte que prévu. Les multiplicateurs ont été supérieurs aux hypothèses initiales. »
Mais Olivier Blanchard va plus loin. Faisant référence à la restucturation de la dette de 2012, il reconnait qu’elle a été « retardée de deux ans » et en donne les raisons : « la crainte d’un risque de contagion (la chute de Lehman était encore présente dans les esprits), et l’absence de coupe-feu pour contenir cette contagion. Ces raisons étaient-elles suffisamment valides ? C’est tout un débat. Dans le feu de l’action, les risques étaient jugés trop élevés pour engager une restructuration. » En d’autres termes, il a été à l’époque décidé de protéger un système bancaire soupçonné fragile non sans raison, et « c’est tout un débat » !
Puis il reconnait que « une part importante des fonds alloués au premier programme a servi à rembourser les créanciers à court terme, et à remplacer la dette privée par de la dette publique ». Tout en précisant que « l’opération de sauvetage n’a pas profité qu’aux banques étrangères ; les déposants et les ménages grecs en ont aussi bénéficié, car un tiers de la dette était détenu par des banques grecques et d’autres établissements financiers nationaux. » C’est donc le système financier et non les seules banques étrangères qui ont été sauvés, dont acte !
Quittant le passé pour affronter les temps présents, l’économiste en chef opère un distinguo entre avant et après le référendum grec : « jusqu’au référendum et ses retombées potentielles pour la croissance, nous étions persuadés qu’à partir de ces hypothèses d’excédent primaire il était possible d’assurer la viabilité de la dette par le rééchelonnement de la dette existante et par le rallongement des échéances des nouveaux emprunts. » Mais « nos partenaires (…) ont jugé cette analyse trop pessimiste », poursuit-il pour signifier qu’ils n’ont pas voulu toucher à la dette. Aujourd’hui, « nous estimons que la situation actuelle pourrait fort bien exiger un financement encore plus important, ne serait-ce que pour accompagner les banques, et un allégement de la dette encore plus poussé… ». Ce qui revient à préconiser d’opérer une nouvelle décote sur la dette.
Conscient du caractère explosif de la remarque (et profitant de son départ fin septembre), il renvoie la décision aux dirigeants politiques : « dans ce contexte, le rôle du FMI n’est pas de recommander une décision particulière, mais de mettre en lumière les conséquences des choix entre moins d’ajustement budgétaire et moins de réformes structurelles, d’une part, et la nécessité d’un financement et d’un allégement plus importants, d’autre part. »
Pour s’exprimer sur le même sujet et à sa manière, Yanis Varoufakis n’a pas utilisé son blog mais les colonnes du quotidien britannique The Guardian. Il est également remonté à 2010, date à laquelle a été décidé « l’octroi de nouveaux prêts à une entité en faillite, tout en prétendant qu’elle restait solvable », remarquant que « la Grèce a fait la une pendant cinq années pour une seule raison : le refus obstiné de nos créanciers d’accorder un allégement de la dette pourtant essentiel ».
En choisissant « d’accorder de nouveaux prêts à une entité faisant banqueroute », « les officiels européens ont privilégié le sauvetage des banques allemandes et françaises exposées à la dette publique grecque… », ils ont « présenté l’insolvabilité de la Grèce comme un problème de manque de liquidité et son sauvetage comme un geste de solidarité. »
Adepte comme il l’a montré du franc-parler, le député dévoile en conclusion le pot aux roses : « Fort de mon expérience résultant de mois de négociations, ma conviction est que le ministre allemand des finances a voulu faire sortir la Grèce de la monnaie unique afin d’effrayer les Français et les faire accepter son modèle d’une eurozone disciplinaire »…
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