Billet invité.
L’endettement et le trop plein de liquidités sont des problèmes mondiaux, ainsi qu’en témoigne le krach boursier chinois qui est en cours, et comme ses mécanismes le démontrent. A Shanghai et Shenzen, les deux principales places boursières, les principaux indices ont plongé d’un tiers en moins d’un mois, et les conséquences ne sont pas calculables.
A l’origine, la Banque centrale chinoise a voulu répondre à la baisse des exportations chinoises résultant de la baisse mondiale de la croissance, et a baissé ses taux pour favoriser le crédit et développer son marché intérieur, via l’investissement. La demande était devenue insuffisante pour assurer la poursuite d’un taux de croissance de 10% de l’économie chinoise, et il fallait un relais intérieur pour éviter l’envol du chômage et une crise sociale. Le volume du crédit s’est alors envolé, passant de 125% du PIB en 2008 à 210% en 2014. Une gabegie d’investissement a financé des infrastructures, qui a pris la forme d’un boom sur le béton. La construction emploie aujourd’hui 60 millions de Chinois et ils n’étaient que 20 millions en 2007. Mais la prévision de croissance pour cette année n’est que de 6,8%.
Une bulle immobilière s’en est suivie, qui a prospéré et a favorisé la croissance incontrôlée du shadow banking, qui représenterait selon les estimations entre 2.500 et 4.400 milliards de dollars, soit environ 40% du PIB chinois pour ce dernier montant. Lorsque des mesures ont été prises afin de contenir cette gigantesque bulle, comme la hausse des taux et le contrôle des emprunts des collectivités locales et des entreprises d’État, les très abondantes liquidités ont été transférées sur le marché boursier, où une bulle s’est à son tour constituée. Elle est en train d’éclater. Le changement de modèle de développement chinois connait un échec retentissant, avec à la clé la ruine des millions de petits investisseurs de la classe moyenne qui se sont laissés prendre par la fièvre boursière et les gains faciles qui lui ont été fait miroiter au vu de l’envolée des cours de ces derniers mois (plus de 150% en un an à la Bourse de Shanghai).
Mais cela ne s’arrêtera pas là, car les banques – et plus particulièrement le shadow banking – vont subir le contre coup du krach, de nombreux achats de titres ayant été financés par elles, via des mécanismes retors à fort effet de levier, par des emprunts qui ne vont plus pouvoir être remboursés. Plus important, le pacte passé par le régime – la prospérité et l’ordre social en échange de la mainmise du Parti-État et du renoncement à la démocratie – en sort sérieusement écorné. Pour une direction chinoise hantée par la chute du régime soviétique, la montée du chômage et la poussé revendicative enregistrée en Chine représentent des menaces mortelles qu’elle peine à combattre. Ce qui explique l’affolement perceptible, tout étant tenté pour stopper la chute boursière et ses effets : arrêt de la cotation de plus de 40% de la cotation, baisse des taux d’intérêt de la Banque centrale et du ratio de réserves obligatoires des banques, fourniture de liquidités abondantes afin de financer les « opérations sur marge » (achats d’actions par endettement), directives enjoignant aux banques, organismes publics et fonds de pension d’État d’acheter des titres afin de soutenir les cours, interdiction aux actionnaires de plus de 5% des actions d’une entreprise de vendre les leurs pendant six mois…
Mais cela va-t-il suffire ? Le rapport cours sur bénéfices (PER) étant encore très élevé, la chute des cours a des raisons de se poursuivre, d’autant que seulement un quart des positions de trading sur marge auraient été débouclées. Les ventes des petits investisseurs se poursuivent dans la précipitation, afin de limiter les pertes et de rembourser ce qui peut l’être des emprunts contractés. Ceux-ci avaient été fortement encouragés par les autorités à aller sur les marchés boursiers afin de recapitaliser des sociétés endettées ou d’acquérir des actions de sociétés privatisées. Celles-ci n’ont pas maitrisé le dragon qu’elles ont éveillé, l’opacité du système financier du shadow banking s’est chargé du reste. Les pertes déjà encourues seraient de l’ordre de trois mille milliards de dollars.
A Hong Kong, Taïwan et Tokyo, le krach a été hier fortement ressenti sur les marchés asiatiques en raison de la chute des valeurs jugées sensibles à la croissance chinoise. Un effet déflationniste va intervenir dans le monde entier en raison de la baisse du prix des matières premières. Il va résulter de la vente de stocks inutilisés par les entreprises chinoises afin de couvrir les appels de marge supplémentaires auxquels elles doivent répondre pour couvrir leurs acquisitions en Bourse.
La combinaison d’une gigantesque bulle et d’un endettement massif n’est jamais de bon présage, la Chine ne fera pas exception, car elle a laissé croître dans d’énormes proportions un système bancaire parallèle sur lequel elle n’a pas de contrôle. La transition qu’elle essaye de mener est aussi périlleuse pour elle que l’a été la déstalinisation de Krouchtchev et la pérestroïka de Gorbatchev.
Je propose que l’on offre aux Ukrainiens un missile balistique intercontinental vide et qu’on le balance en plein centre de…