VA-TOUT À HAUT-RISQUE DES CRÉANCIERS, par François Leclerc

Billet invité.

L’équipe de Syriza et les créanciers de la Grèce ont joué chacun leur va-tout. La première en appelant les Grecs à se prononcer sur un accord qu’elle a refusé de signer, les seconds en faisant succéder un chantage à la sortie de la Grèce de l’euro à leur ultimatum. Les dirigeants de Syriza ne faisant jamais les choses comme leurs pairs, Alexis Tsipras a confirmé que le gouvernement respecterait la décision des Grecs, et qu’il n’était pas rivé à son poste.

Le premier ministre a réaffirmé sa consigne de voter « non » au référendum de dimanche, et les dirigeants européens se sont embarqués dans une campagne collective pour le « oui », après avoir dû admettre à contre coeur qu’il était légitime de consulter les Grecs. Alexis Tsipras a fait valoir que la victoire du « non » renforcerait sa position dans les négociations, tandis que ses adversaires européens ont prétendu qu’il mènerait tout droit à la sortie de la Grèce de l’euro, modifiant de facto et en toute démocratie la question posée. On n’a jamais vu une telle ingérence !

Secondés par Benoit Coeuré de la BCE qui évoque un Grexit pour la première fois, les dirigeants européens pratiquent à l’habitude un double langage : vis à vis de leur opinion publique, ils dédramatisent la situation, aux Grecs, ils prédisent le pire.

Michel Sapin explique que « une sortie de l’euro est un drame pour la Grèce. Une sortie de l’euro de la Grèce n’est pas une difficulté lourde pour l’Europe », après avoir tant de fois affirmé faire tout pour éviter un cataclysme. Le discours change suivant les besoins du moment. Il affecte aussi de prendre à la légère le remboursement de la dette, rompant le silence imposé sur ce sujet, afin également de le dédramatiser : « ce que nous avons prêté aux Grecs (…) un jour ils devront nous rembourser » ! Il n’hésite pas au besoin à prendre quelques libertés avec les faits, présentant l’offre des créanciers qui est proposée au vote des Grecs comme « abordant le poids de la dette », avec comme commentaire que « ça s’étale dans le temps ». Comme le ministre l’a précisé, « il faut éclairer le débat ».

En appliquant la version grecque de la stratégie de la peur, les plus hautes autorités européennes jouent à un jeu à haut risque. Ils risquent de se retrouver soit devant un catastrophique « non » leur imposant de négocier, soit devant un « oui » et la nécessité de bricoler une solution gouvernementale de fortune, Syriza décidé à gâter la fête. Ils ont puisé leur inspiration à la fois dans l’épisode précédent impliquant George Papandréou – qui avait finalement plié – et dans celui de Chypre, mais le contexte n’est plus le même. Les dirigeants européens se sont placés d’eux-mêmes le dos au mur et tentent désormais de se rattraper aux branches.

Sigmar Gabriel, le ministre social-démocrate de l’économie allemand a très crûment donné la raison de cet acharnement : le gouvernement grec veut « politiquement, idéologiquement une autre zone euro » que celle qui existe, a-t-il cru déceler avec perspicacité. C’est en effet insupportable et mérite une leçon exemplaire.

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