Il y a ce matin une phrase tout à fait significative dans un article du New York Times signé de Landon Thomas et intitulé Panic Sets in Among Hardy Hedge Fund Investors Remaining in Greece : la panique s’installe parmi les fonds d’investissement spéculatif endurcis restant en Grèce.
C’est le patron de l’un de ceux-ci qui parle et il dit ceci :
Je n’arrive pas à croire que ces types soient prêts à mettre à feu et à sang leur propre pays. Ils croyaient que tout ça n’était qu’un jeu.
Il s’agit donc, mes très chers amis, d’un patron de fonds spéculatif disant à propos du gouvernement grec : « Ils croyaient que tout ça n’était qu’un jeu ».
Ce qui veut dire ceci – je résume ! – qu’il y a au monde aujourd’hui deux sortes de gens. Il y a d’un côté ceux qui, comme vous et moi, considèrent que les patrons de fonds spéculatifs se livrent à de petits jeux très dangereux, et potentiellement mortels, mais qu’il y a par ailleurs, la vraie vie, avec des picnics à la campagne, etc. Et il y a en face de nous – et ils cherchent à nous imposer leur point de vue par des moyens troïkaesques ou autres – des gens qui considèrent que les paris spéculatifs, c’est la vraie vie, et défendre les retraites des retraités, l’emploi des nettoyeurs de bureau, rétablir une télé nationale, etc. c’est un petit jeu dangereux, susceptible de mettre en péril ce qui compte vraiment dans la vie, c’est-à-dire, je suppose, le Veau d’Or.
Le « monde tel qu’il est vraiment », pour les uns, c’est la vie, et pour les autres, un tas d’or, et il n’y a malheureusement pas de position moyenne. D’où les ennuis qu’on peut constater ce matin.
Ceci dit, la lecture d’un livre que je lis en ce moment me convainc que vous et moi, mes très chers amis, avons d’ores et déjà perdu, et la vie en général avec nous, et que notre défaite ne date pas d’hier ou d’avant-hier, mais de la fin du XIXe siècle. Ce livre est signé de Pablo Servigne et Raphaël Stevens et s’appelle Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (Le Seuil).
C’est à la fin du XIXe siècle que nous nous sommes engagés sur des rails mortifères et même si nous abandonnions dès ce matin nos terribles habitudes, cela ne servirait encore à rien : notre train bolide va trop vite, ou le précipice est trop proche, ou plus vraisemblablement, les deux à la fois. La triste vérité, mes très chers amis, c’est que le Veau d’Or a empoisonné la vie mortellement il y a 150 années et que nous ne bénéficions vous et moi depuis que d’un sursis.
Nous ne vivons plus, mes très chers amis, que sur les « extra balls ». Il faut le savoir. Tous ! Chacun d’entre nous : que nous soyons un raté qui a besoin de l’argent de sa retraite pour ne pas crever la dalle, ou le patron d’un hedge fund qui sait que son tas d’or, c’est la vraie vie, et vous, une vermine qui fait foirer ses plans.
« Spaceship Earth », mes très chers amis : « Vaisseau spatial Terre » ! Des extra-terrestres secourables sont-ils déjà en route ? Ou les naufragés de l’espace devront-ils retrousser leurs propres manches ? Nous ne tarderons pas en tout cas à apprendre la réponse !
Un jour peut-être découvrirez-vous que le « nous » universel est une illusion. Il ne trouve la paix que dans le « entre…