Billet invité.
Quoi qu’il arrive, les créanciers européens ont déjà perdu sur un tableau, celui de la communication. Comment prétendre au beau rôle lorsque Wolfgang Schäuble déclare faute de mieux que les Grecs ont mis fin « unilatéralement aux négociations » et que Jeroen Dijsselbloem tient le même discours ? C’est trop tordre le cou aux faits : le gouvernement grec était face à un ultimatum et a choisi de consulter les Grecs afin qu’ils l’acceptent ou le rejettent. Peut-il être blâmé pour cela, comme le vice-chancelier Sigmar Gabriel l’a reconnu ? Alexis Tsipras a confirmé la tenue du référendum dimanche en huit depuis la décision de l’Eurogroupe de ne pas prolonger le plan de sauvetage de quelques jours.
« Aucun des collègues à qui j’ai parlé n’a une idée de ce que l’on peut faire maintenant », a reconnu cet après-midi Wolfgang Schäuble avant d’entrer en réunion, exprimant ouvertement son désarroi. Car les créanciers européens ne se retrouvent pas dans la meilleure des positions à force d’avoir maintenu jusqu’au bout et sans succès leurs exigences. Leur refus obstiné d’entamer la négociation sur la dette et sur un paquet cohérent de mesures va les conduire à reprendre des négociations le dos au mur eux aussi. A moins qu’ils ne jouent le pourrissement de la situation, au risque de perdre davantage et de créer une situation chaotique qui leur échappera des mains.
Prenant les devants, Christine Lagarde a annoncé que le FMI allait continuer à travailler, en précisant : « cela suppose une approche équilibrée avec des réformes structurelles et une consolidation budgétaire propice à la croissance et d’autre part, cela nécessite des Européens un soutien financier et une opération sur la dette grecque ». Combien de semaines et de mois auront-ils été nécessaires pour en arriver là (ce qui ne règle rien) ? Toute négociation sérieuse repose sur les moyens d’assurer la soutenabilité de la dette grecque, à condition encore que cette vision soit partagée…
Il ne suffit pas aux créanciers de refuser toute extension du plan de sauvetage qui se termine dans trois jours, afin de rendre caduc le projet de référendum avant toute chose. Tuer le référendum avait déjà été l’objectif poursuivi – et atteint – lorsque George Papandréou avait prétendu en organiser un, avant de démissionner. Le camp des créanciers a désormais besoin de trouver une approche commune. Poursuivant sans Yanis Varoufakis sa réunion, l’Eurogroupe va devoir se mettre d’accord sur un plan B, avec pour objectif d’assurer la stabilité de la zone euro et contenir les conséquences de l’échec que les plus hautes autorités n’ont cessé de proclamer qu’elles feraient tout pour l’éviter. Le ministre des finances grec n’a pas manqué de faire savoir qu’en cas d’accord sur un texte avant mardi, le gouvernement recommanderait aux Grecs de voter en faveur de son adoption.
Les créanciers n’auront pas réussi à faire capituler l’équipe de Syriza, et tous les coups vont désormais être permis. Le Conseil des gouverneurs de la BCE va devoir prendre ses responsabilités dès demain en continuant de soutenir les banques grecques ou en précipitant leur effondrement, car nul ne peut imposer au gouvernement grec d’instaurer une fermeture des banques ou un contrôle des changes qu’il s’est jusqu’à maintenant refuser à instaurer. Un deuxième bras de fer va sans attendre enchaîner sur ce terrain, mais est-il dans l’intérêt des dirigeants européens de précipiter les évènements ? Leur marge de manœuvre ne s’est pas spécialement élargie et ils se rassurent, comme l’a fait Michel Sapin, en déclarant que le destin de la Grèce n’est pas de sortir de l’euro…
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