À Monsieur le Premier ministre grec, par Olivier Hofman

Billet invité.

Monsieur le Premier ministre,

À vous, au Peuple grec, je tiens à affirmer non seulement ma solidarité et ma profonde sympathie, mais aussi ma plus sincère affection.

Hors quelques sites et journaux spécialisés, nous assistons au quotidien à une profonde désinformation à propos du traitement scandaleux et inhumain qui vous est fait.

Est-il question de finance et d’économie ? Non. Il est question de barbarie. Elle est la même que celle que nous, Nations dites civilisées, avons fait subir aux Nations et Peuples colonisés de par le monde, barbarie que nous maintenons aujourd’hui encore.

Il n’est pas que les armes que nous exportons au nom de la croissance pour imposer cette tyrannie. Est aussi la désinformation savamment entretenue, désinformation qui dit aussi l’intensité de la guerre qui est faite à nos propres Nations et Peuples. Omniprésente et sciemment acceptée par la plupart des partis politiques européens, elle dit aussi combien l’inhumanité n’a pas besoin de frontières pour se projeter.

Voici quelques jours, le Premier ministre belge à l’incommensurable arrogance, osait affirmer à votre endroit que « la récréation est terminée ». Certainement ce triste sire a-t-il fréquenté l’école. Aussi sûrement qu’il n’eut jamais à subir la pauvreté et la misère qui peut en découler. Dans quelle cour de récréation les enfants, vos enfants, nos enfants, jouent-ils à contracter le VIH ? Dans quelle cour de récréation les enseignants se contentent-ils de la multiplication des conduites à risque et de suicide trop souvent réussis ? Ce 24 juin est en Belgique un jour de sinistre mémoire en laquelle, dit-on, les enfants comptent particulièrement.

Nous, parents, adultes, personnes âgées, sommes ces enfants que d’autoproclamées élites n’ont jamais cherché à protéger. Enfants nous sommes, non par l’insouciance et la joie de vivre que les enfants sont en droit de manifester, mais bien par le biais d’une infantilisation permanente. Enfants nous sommes car notre parole n’est ni entendue, ni acceptée. Nos rêves, nos désirs, nos besoins, tout cela ne compte pas.

Privés de devenir, nous devrions nous gonfler d’orgueil d’avoir pour grandes sœurs et grands frères les hommes et femmes qui en Grèce luttent et luttent aussi avec la sensibilité et la poésie nécessaires à une démocratie réelle. Il semble malheureusement que nous ayons largement abandonné cette idée.

Comme au sein de cette économie dite réelle largement soutenue de manière artificielle en laquelle nombre d’ouvriers et ouvrières ne produisent plus mais surveillent des robots, nous acceptons de surveiller nos prochains et de répondre aux appels à la délation. Au nom d’une solidarité qui maintient une majorité d’entre nous sous le seuil de pauvreté, nous acceptons sans nous rebeller autrement que dans l’ordre et une dignité bafouée d’être placés sous une surveillance accrue qui, dit-on, n’a lieu que dans les états policiers. Il suffit à de sinistres marionnettistes d’agiter le spectre de la bête immonde pour nous voir accepter le fascisme souriant de la finance et de l’économie.

Accepter est peut-être un grand mot. Il n’en dit pas moins à quel point de déshumanisation nous en sommes aujourd’hui. N’être pas attentifs aux maux qui touchent les nôtres n’est certainement pas une nouveauté. Mais nous avons franchi un cap supplémentaire en n’étant plus capables d’entendre notre propre souffrance. Domptés par la culpabilité que font naître tant de messages schizophréniques – la Belgique est plus riche que jamais, faisons la chasse aux personnes au chômage et aux migrants ! -, nous ne sommes plus attentifs à nos propres personnes.

Je ne vous dirai pas ici, Monsieur le Premier ministre, que ce que le Peuple grec subit n’est pas exercé en mon nom. Cela serait insultant tant pour votre Nation que pour le fabuleux héritage qu’elle donna au monde, un héritage d’autant plus extraordinaire qu’il fut adressé à un monde libre de l’accepter.

Aussi, je ne puis, Monsieur, que vous prier de recevoir non seulement l’expression de ma plus grande sympathie et d’une solidarité sans faille, mais surtout celle de mon affection la plus sincère.

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