INTROUVABLE COUP D’APRÈS, par François Leclerc

Billet invité.

« Les vraies négociations vont commencer maintenant », aurait déclaré hier Alexis Tsipras, faisant preuve de réalisme mais prêtant le flanc à l’accusation d’avoir calculé ce moment depuis longtemps en jouant la montre. Car l’exaspération est à son comble du côté des créanciers européens qui ne savent pas quoi faire devant le refus des Grecs de plier. Ce qui expose les premiers à la critique du FMI qui les enjoint d’alléger la dette du pays ou les somment d’adopter par défaut une ligne dure. Qu’ils ne s’imaginent pas, à Athènes, qu’ils peuvent attendre le sommet qui pourrait avoir lieu dimanche en sautant l’étape de la réunion de l’Eurogroupe de jeudi, entend-on aussi dire, craignant que cela se passe ainsi !

Jack Lew, le secrétaire d’État au Trésor américain, s’est hier joint au concert après avoir téléphoné à Alexis Tsipras, soulignant prudemment que  « l’incapacité à trouver un accord créerait des difficultés immédiates pour la Grèce et une incertitude générale pour l’Europe et l’économie mondiale ». Le sort d’un pays et des centaines de milliards d’euros de prêts qui lui ont été concédés sont en jeu et l’on se chamaille à propos d’un petit milliard et demi de mesures qui manqueraient à l’appel ! A entendre le chœur des récriminations, les retraités grecs dont les pensions devraient être à nouveau réduites tiendraient le sort du monde entre leurs mains, c’est dérisoire ! A moins qu’il ne s’agisse d’autre chose…

Dans un éditorial des grandes occasions s’efforçant sans y parvenir a tenir un propos balancé, le Financial Times écrit ce matin qu’il est temps de « concéder dans l’honneur » ce qui permettra de conclure cette crise, avec comme argument massue que de miraculeuses réformes structurelles sortiront la Grèce de sa mauvaise passe. Le responsable grec des négociations, Euclide Tsakalotos, est sorti hier de son silence pour critiquer les créanciers qui préfèrent les mesures récessives à « un programme solide pour contrer l’évasion fiscale, le pouvoir des élites et l’échec de l’administration grecque ». Ce qu’Alexis Tsipras avait formulé précédemment en expliquant aux députés grecs que « il nous est demandé d’accepter une solution qui non seulement ne résout pas le problème mais conduit à nouveau l’économie grecque dans la récession. »

Des rumeurs circulent, faisant état d’un plan qui étranglerait sans appel le gouvernement grec en tirant aux banques du pays de dessous leurs pieds le tapis des aides de liquidité d’urgence (ELA). Mais cela suppose que la BCE en prenne l’initiative, alors que Mario Draghi a déclaré lundi devant le Parlement européen, pour ne pas se mouiller, que « les décisions politiques doivent être prises par les politiciens élus et non par les banquiers centraux ». On saura aujourd’hui, toutefois, si le Conseil des gouverneurs va ou non décider d’accroître et de combien la décote sur la collatéral fourni par les banques grecques en contrepartie des liquidités d’urgence, ce qui accentuerait à l’extrême la pression exercée sur le gouvernement grec sans nécessairement tout précipiter.

Tous les impétrants ont désormais l’esprit ailleurs, essayant d’imaginer le coup d’après, ce qui interviendra si, comme le ministre français des finances Michel Sapin a mis en garde, il est mis « un pied en territoire inconnu ». Cela ne donne pas pour autant le mode d’emploi, car l’échappatoire qui consisterait à prolonger une nouvelle fois le plan de sauvetage qui se termine à la fin du mois suppose un passage devant certains parlements nationaux dont l’accord n’est pas gagné d’avance.

La décision de la Cour Européenne de Justice de considérer légal le programme d’achat de titres souverains sur le marché secondaire (OMT) décidé par la BCE en 2012 représente une défaite pour les opposants allemands. Ils dénoncent cet arrêt comme ouvrant la porte au financement des États européens par la BCE, en violation potentielle des Traités, avec comme conséquence d’assouplir de facto les « règles » budgétaires fondant leur politique. Voilà qui ne va pas améliorer le climat des discussions.

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