Billet invité.
L’auteur de « Réparer la zone euro sans la casser » ne comprend pas qu’il n’existe pas de dette réelle qui ne soit réciproque en nature et en substance. La réciprocité des dettes entre un prêteur financier et un emprunteur financier se fait sur le terrain du droit qui est la contre-réalité du prix. Le droit est la substance de la dette qui fait créance ; le prix est la nature de la créance qui soit substance de dette. Une dette financière est réelle si son prix en monnaie égale son prix en droit pour le débiteur tout autant que pour le créancier.
La crise de la dette en euro est manifestation de la dissymétrie du droit entre certains créanciers et certains débiteurs. Cette dissymétrie vient de la faculté donnée aux banques et aux marchés financiers de comptabiliser des dettes sans constater ni vérifier l’équivalence des droits entre prêteurs et emprunteurs. Le prix dissout la substance* intelligible. La BCE indépendante par dogme libéral du pouvoir d’application de la loi d’égalité des droits entre les personnes, émet des dettes et des créances vis-à-vis du système bancaire sans avoir à contrôler que les banques reprêtent et réempruntent la monnaie centrale dans l’équivalence réelle des droits entre les personnes.
Or la monnaie centrale est l’étalonnage public des prix en droit des prêteurs et emprunteurs. La monnaie émise dans les crédits de la banque centrale, et déposée à la banque centrale pour effectuer les paiements interbancaires de dette, est publication légale de l’équivalence entre les droits des personnes et le prix de leurs contrats. Dans la zone euro, l’étalonnage du prix de la monnaie en droit est confié à une institution supra-nationale, supra-légale, donc hors sol. Les prix en euro n’ont pas de substance vérifiable en droit. Les prêteurs et emprunteurs solidaires par leur nationalité font face au pouvoir surnaturel des opérateurs financiers extra-territorialisés.
Nominalement, les débits égalent les crédits. Mais les banques et les grands opérateurs financiers de marché ont le pouvoir de faire prévaloir leur interprétation virtuelle du droit sur leurs contreparties de l’économie réelle. Dans chaque opération, l’opérateur financier déréglementé est libre de se ménager à l’intérieur du prix nominal du service de dépôt, de crédit ou d’assurance effectivement vendu et livré, une marge fondée sur l’asymétrie réelle de droit. Pour produire une asymétrie de droit il suffit d’utiliser le statut financier libéral surnaturel qui crée un privilège d’information garanti par l’interdiction d’un arbitrage public réel impartial.
L’euro libéral est un système d’asymétrie de droit dissimulé dans une égalité formelle nominale. Mécaniquement les banques et les gros opérateurs financiers en tirent partie en comptabilisant des dettes et des créances sur des asymétries réelles de droit. L’asymétrie est réalisée et financièrement liquidée quand le faible est contraint par le droit nominal à renoncer à une partie de sa créance réelle en droit ou à rembourser une dette nominalement constatée au mépris de son droit réel.
L’application du droit est financièrement asymétrique dans la zone euro par la simple juxtaposition d’un marché réel et financier unique avec des États divisés sans institution de coordination spécifiquement politique. Le pouvoir le plus efficient est strictement financier du fait que les États et les responsables politiques sont placés en infériorité informationnelle quant aux facteurs substantiels du prix du droit dans les biens réels. Les dettes publiques croissent toutes seules pendant que les arbitrages juridiques sont structurellement à l’avantage des clients de la finance. Les citoyens contribuables et des entrepreneurs individuels réels inscrits dans leur nationalité plutôt que dans l’oligarchie extra-nationale sont asservis au remboursement illimité de dettes sans substance.
L’asymétrie de droit entre les utilisateurs nationaux et supra-nationaux de l’euro est devenu tellement substantielle que les dettes nominales publiques sont visiblement disproportionnées aux impôts que les États nationaux peuvent réellement lever sur leurs serfs nationaux. Les libéraux réalistes de la City de Londres réclament donc des abandons de créance dans les comptes des banques pour sauver le système de la réalité financière asymétrique des droits sans substance.
Les abandons comptables de dette que les libéraux réalistes réclament aux libéraux idéalistes de la zone euro consistent à sauver les privilèges financiers par le rétablissement d’une équivalence purement nominale entre dettes et créances inscrites dans les comptes des banques centrales et commerciales. Maintenant que les banquiers privés ont refilé toutes leurs créances mortes à la BCE, il faut obliger la banque centrale de l’euro à imputer la substance des pertes financières en euro sur les Etats de droit qui sont ses actionnaires.
Comme la perte de substance en droit des utilisateurs nationaux de l’euro est trop massive dans le bilan des banques, il faudrait maintenant que la BCE abolisse sa dépendance nominale à la loi. Il faudrait que le droit financier n’ait plus aucune traduction possible en droit réel des emprunteurs et créanciers nationaux. Il faudrait que le langage de l’oligarchie libérale supra-nationale de l’euro et de toute autre monnaie, fût détaché de toute réalité juridique substantielle.
Au premier euro de créance abandonné par la BCE sur la Grèce, la jurisprudence sera établie que la substantiation de la loi par la monnaie n’est plus un problème de droit fondamental. Par nature, le prix dicté par un banquier fera droit hors de tout arbitrage d’un quelconque État de droit incarné par des personnes physiques responsables devant leurs concitoyens. La responsabilité politique n’aura même plus besoin d’élections et de délibérations publiques. La démocratie sera vidée de toute substance. La politique ne sera plus qu’un discours nominaliste de comptabilité financière.
Si la substance de la politique est l’existence de droits humains dans le vivre ensemble, alors la substance du travail financier est l’équivalence du prix de la dette en droit de la cité au prix de la créance en droit des citoyens. Autrement dit, la contrepartie réelle d’une dette publique ne doit pas être le profit d’un banquier sur les créances et les dépôts inscrits dans son bilan comptable. Une dette publique est le prix des services de police et de justice qu’une cité doit à ses citoyens pour que le prix de toutes les dettes comptabilisées en monnaie égale le prix des créances en droit.
Si la substance des dettes et des créances est le droit des gens, alors la rémunération du banquier n’est pas la différence comptable entre le prix des dettes et le prix des créances mais la réalité vérifiée du droit de tous les créanciers égale aux droits de tous les débiteurs. Or qu’est-ce que la réalité d’un droit si ce n’est le travail d’un débiteur pour produire un bien effectif au prix où il l’a vendu à son créancier ? Un débiteur placé dans l’impossibilité de travailler par son créancier engendre une fausse dette et une fausse créance : la monnaie du prix dû n’a alors pas de substance qui puisse être travaillée en production de bien réel.
Si la substance des dettes et des créances monétisées par les banques est le droit réalisable et réalisé des gens, alors la substance des prix ne peut pas être un monopole ni de fait, ni de droit des opérateurs financiers. Il faut nécessairement l’intervention financière d’un État de droit pour que les prix soit formés dans la loi des citoyens. L’ordre de la loi doit être distinctement séparé de l’ordre de la comptabilité nominale pour que le droit forme les biens par le prix ; pour que l’économie de la réalité soit conforme au droit des gens égaux devant une même loi.
La même loi pour tous les citoyens d’une même cité ne peut pas être une simple production de monnaie mais un travail politique. La délibération de la loi par ceux qui l’appliquent n’est pas réductible à la négociation du prix des biens produits dans un marché unique. La loi est réelle uniquement par le travail vivant des biens vendus et effectivement livrés aux citoyens. Si les banques sont autorisées à matérialiser les prix en monnaie sans rendre compte bien par bien, du travail effectué par la loi, elles ont vite fait de se créditer pour elles-mêmes la rémunération d’un travail sur des biens que personne ne produit.
Pour prouver la substance d’une créance ou d’une dette dans l’existence réelle des biens effectivement en production, il n’est pas d’autre moyen que de faire acheter le prix du droit dans chaque bien par des citoyens assurés de leurs droits non par les banques mais par un État de droit autonome et distinct des banques. En aucun cas les dettes émises par un gouvernement sur ses obligations juridiques ne doivent pouvoir être achetées par les banques contre crédit de monnaie légale.
Pour qu’un crédit de monnaie à un État ait une substance réelle en droit, il ne peut être consenti que par une personne physique ; que par un citoyen soumis à la loi de l’État qu’il finance. En préconisant le rachat des dettes publiques par les banques, le monétarisme libéral détruit la loi qui rend les citoyens égaux en droits. En revanche, si les titres de dette publique sont achetés exclusivement par les citoyens, l’intérêt de prêter au gouvernement d’un État de droit devient strictement proportionnel aux droits que les officiers publics garantissent effectivement aux citoyens qui sont leurs créanciers.
Le refinancement d’un État de droit par les seuls citoyens dont la puissance publique garantit effectivement les droits, signifie le compartimentage étanche du marché financier entre d’une part les personnes physiques et les personnes morales et d’autre part entre les titres de créance publique et les titres de créance privée. Une dette publique ne doit pouvoir être vendue qu’à une personne physique bénéficiaire de droit. Une dette privée individuelle ne doit pouvoir être vendue qu’à une personne morale privée productrice de biens réels.
Initié par la créance de la personne physique sur la personne morale publique, le circuit financier de la liquidité ne peut être bouclé que par la dette de la personne morale privée à l’égard de la personne morale publique. Après avoir gagné en monnaie le prix des droits vendus sous forme de biens réels aux citoyens, les personnes morales privées se retournent collectivement vers la personne morale publique pour vérifier que le prix total des créances morales privées sur les citoyens égale le prix total des dettes morales publiques sur les mêmes citoyens.
Comment le marché financier construit-il l’équivalence en substance du prix des créances morales privées au prix total de la dette publique ? Par le travail de la réalité en droit des gens. Le travail des personnes physiques dans les personnes morales privées n’est pas le travail des citoyens dans la personne morale publique, même si les mêmes doivent assumer les deux fonctions à la fois dans l’unité de leur personne. Dans la démocratie réelle, il est impossible de se faire payer le prix d’un travail sans livrer réellement le bien qui le matérialise. Et il est impossible qu’un bien soit reconnu tel malgré un prix non publiquement vérifiable par la loi.
Le marché financier efficient dans la réalité est nécessairement et totalement un marché du travail, un marché de la loi, un marché de la dette et un marché des biens réels vérifiables. Les officiers publics y produisent les droits formels du travail, donc de toute personne physique dotée de la dignité de vivre à égalité de droit avec tous ses concitoyens. Les droits formels du travail y sont titrisés dans tous les prix des facteurs de production qui soient la réalisation possible, effective et rentable de ces droits en biens livrables. Les titres de travail sont des créances en monnaie des personnes physiques qui vendent leur travail. Le prix des dettes correspondantes est en biens réels des personnes morales privées qui en achètent les facteurs de production.
L’équivalence en prix du travail acheté et du travail vendu est négociée entre la collectivité des personnes morales privées qui entreprennent et la personne morale publique qui arbitre la délibération du bien commun. L’équivalence du prix des dettes publiques en droit avec le prix total des dettes privées en monnaie est par nature le prix en droit de la monnaie. Mais si la monnaie est définie séparément des différentes personnes morales publiques chargées d’appliquer la loi dans leur périmètre propre de souveraineté, la compensation est mathématiquement impossible entre les dettes en droit et les dettes en monnaie.
Dans la zone euro, plusieurs textes et plusieurs interprétations des mêmes textes cohabitent dans la même unité de compte des prix. Le même bien sous le même intitulé ne contient pas les mêmes droits entre des collectivités distinctes par leur souveraineté politique. La monnaie unique induit une rémunération identique du travail d’un même bien pour des droits personnels inégaux. Mécaniquement, les personnes morales privées vont acheter le travail dans la juridiction où le prix de leurs obligations de réciprocité en bien réel est le plus faible vis-à-vis des personnes particulières employées.
Une personne morale publique est rendue incapable de revendiquer le prix réel du droit qu’elle garantit au travail si elle ne peut pas modifier le prix spécifique de la loi dans une unité monétaire qui lui soit propre. Les droits du travail de la personne physique ne sont pas matérialisables dans une souveraineté dont la devise a un prix non ajustable par rapport aux devises des autres souverainetés. Les différentiels de droit réel pour des biens objectivement identiques sont systématiquement rachetés par les spéculateurs financiers afin d’être comptablement transformés en exonérations fiscales dans les États qui appliquent le droit et en exportations de capitaux soustraits aux États qui ne pourront pas rembourser en nature ou en monnaie les droits qu’ils ont vendu.
Par construction, l’euro libéral oblige les différentes souverainetés à financer par la dette nominale sans substance, le déficit de droit réel dans les biens achetés contre monnaie non vérifiée en droit. L’euro libéral stérilise la fonction financière des officiers publics. La substantialisation des dettes, de la monnaie et des prix est impossible hors d’un cadre de souveraineté unifié par une responsabilité politique monétairement identifiée. L’État de droit assure les banques. Les banques assurent le droit en monnaie. Le droit assure le travail monétisable en crédit. Le travail assure la production des biens qui font la réalité du droit à recouvrer une créance.
Si la monnaie est indexée en droit du travail comptabilisé en bien réel, alors une banque ne peut pas régler la créance d’une personne morale privée par le prix de la créance en droit d’une personne physique. La créance en droit de la personne physique ne peut être réglée que par la personne morale publique. La créance en monnaie de la personne morale privée ne peut être réglée que par la dette en droit de la personne morale publique. La comptabilité du crédit n’est équilibrée que par les personnes morales. La réalité du crédit n’est équilibrée que par le travail des personnes privées particulières et collectives.
Si un intérêt privé ne peut pas être juge de la réalité d’un droit et si un intérêt public ne peut pas être juge de la réalité privée effective du bien livré par un travail, la seule mise en équivalence possible du prix des biens privés par le prix public des droits des personnes passe par un marché du prix de la monnaie. Un marché monétaire en droit réel entre les personnes morales privées et chaque personne morale publique ; donc un marché monétaire où les personnes morales privées sont fonctionnellement différentiées des personnes morales publiques ; enfin un marché où les personnes publiques sont différentiées et responsables par des parités de change.
Le prix de la monnaie en droit réel appliqué équitablement entre toutes les personnes de toute nature s’appelle le loyer de l’argent. Le taux d’intérêt de la liquidité est nécessairement proportionnel au temps et au prix de la dette. Mais il est aussi proportionnel à l’efficacité d’une politique publique à protéger et défendre le travail qui rende toute dette remboursable. Le prix de la liquidité est donc par nature une prime de change par rapport à une souveraineté distincte où la loi est interprétée différemment par une société politique distincte.
En aucun cas le prix de la liquidité des biens empruntés en droit ne peut être versé aux banques. Le prix de la liquidité monétaire revient à la personne morale publique. Ce prix est proportionnel aux dépenses publiques futures engagées par toutes les obligations publiques actuelles résultant de la politique gouvernementale dans son périmètre de souveraineté. L’obligation publique fondamentale adossée au prix de l’argent perçu par le budget public est l’assurance en droit de l’équivalence du prix de toute dette au prix de toute créance.
Si les personnes morales privées ne produisent pas assez de biens pour couvrir les créances en droits du travail des personnes physiques ou si les citoyens s’accordent des créances en droits disproportionnées par rapport à l’efficacité réelle de leur travail, la personne publique doit faire monter le loyer de l’argent afin d’intégrer la substance de la loi dans le calcul économique. Le renchérissement de la liquidité fait baisser le prix réel des dettes par rapport aux biens effectivement produits. Le marché de la monnaie entre entreprises privées et puissance publique réalise l’échange du prix de la monnaie contre la substance du droit égal et juste pour tous les citoyens dans la loi commune.
Si au contraire toutes les dettes se remboursent facilement parce que les banques proportionnent leurs crédits à une évaluation juste des biens en production entre les personnes privées, parce que les entreprises trouvent collectivement le moyen d’employer et de former tout le travail disponible par les crédits alloués aux personnes morales, alors le loyer de l’argent doit baisser. Le prix de la monnaie en biens réels se détend afin que la croissance des crédits reflète la croissance nette de la valeur livrée aux citoyens.
L’indexation de la monnaie en droits de la personne physique et morale n’est pas pensable si la même monnaie est utilisée par des puissances publiques différentes. Une parité de change fixe ou masquée entre deux souverainetés distinctes engendre mécaniquement la déconnexion entre les prix et la loi. Les banques échappent à la loi en empruntant gratuitement dans la souveraineté où leur obligation à contrôler la réalité substantielle des biens est la plus légère. Les officiers publics échappent à la loi en vendant gratuitement des droits créditeurs sans prix calculable dans une souveraineté où la politique soit réellement au service du bien commun.
Pour « réparer la zone euro sans la casser », il faut sortir de la cupidité libérale consistant à ne pas nommer la substance des biens pour en réserver la réalité commune à quelques privilégiés. L’euro est une zone de non-droit depuis que les États nationaux ne sont plus responsables de la monnaie qu’ils émettent ; et depuis que les banques sont exonérées du prix de la loi commune par l’inexistence d’un État confédéral au capital de la BCE. La loi des États nationaux ne s’applique qu’aux personnes physiques trop pauvres pour acheter la décision publique. Et la législation du marché unique dont aucun gouvernement commun n’est responsable devant les citoyens, livre l’interprétation économique du bien commun à la corruption financière libre des officiers publics supra-nationaux et des responsables politiques nationaux.
La fondation d’un gouvernement confédéral de l’euro a pour seul obstacle l’aliénation mentale du matérialisme libéral. Un euro fiscalisable selon l’efficacité des différentes souverainetés politiques locales, nationales et confédérale rendrait toute sa liberté au pouvoir politique à quelque degré qu’il soit exercé. Les intérêts financiers extérieurs à une souveraineté ne pourraient plus négocier des biens qu’ils ne produisent pas, contre de fausses dettes. Les créances des citoyens sur le bien commun seraient partageables entre plusieurs degrés de souveraineté mis en concurrence sur la garantie effective des biens réels justes, plutôt que sur le mensonge politique et financier. Le travail des citoyens remplacerait les boniments financiers comme contrevaleur des prix.
* Nous appelons substance la matière qui est objet par le sujet qui la nomme. Le sujet est maître de la finalité qu’il est libre de fixer dans les limites de la nature. Le problème politique de la substance est dans le sujet qui est à la fois singulier et pluriel. La substance ne peut pas exister si les personnes physiques sujets par une personne morale ne s’accordent pas sur une dénomination réelle commune du bien qu’elles y cherchent.
@Vincent Rey bonjour, ne vous êtes vous jamais posé la question comment en présence d’une IA et dorénavant une IAG…