EN ESPAGNE, CE N’EST QUE JUSTICE POUR COMMENCER ! par François Leclerc

Billet invité.

Les Espagnols vont-ils prendre le relais des Grecs comme trublions de l’Europe bien pensante, et même leur donner un coup de main ? La question est dans toutes les têtes, accompagnée de la crainte de voir ses espoirs déçus : la crise politique se poursuit, mais la voie qui s’ouvre n’est pas un chemin bordé de roses. En dépit des efforts du Partido Popular (PP) et du PSOE de ne pas faire des élections régionales et municipales qui viennent de se tenir en Espagne une répétition générale des législatives qui vont leur succéder, elles se sont traduites par la poursuite de la profonde recomposition politique qui est en cours. Les deux nouveaux partis qui s’opposent à la corruption, Podemos et Cuidadanos, ont obtenu quasiment la moitié des voix, le PP en perdant 30% et le PSOE 10%, illustrant la profondeur du rejet du mélange des affaires et de la politique. Les cartes sont redistribuées et des alliances vont être désormais nécessaires pour constituer des majorités et garder les présidences.

Podemos et Cuidadanos apparaissent comme étant à la fois les concurrents et les alliés naturels respectifs du PSOE et du PP et abordent différemment les négociations qui se sont immédiatement engagées. Pablo Iglesias, qui avait fait campagne avec ses alliés sur le thème « sortons le PP », a immédiatement déclaré « nous allons proposer un programme qui va enthousiasmer les socialistes ». Il est moins sûr que les dirigeants socialistes, sur la défensive, le soient autant. Le leader de Cuidadanos, Albert Rivera, est en situation de faire monter les enchères vis à vis du PP et réclame des primaires en vue des prochaines élections, ce qui est inacceptable pour ses dirigeants.

Les deux partis divergent notoirement sur les solutions à apporter pour combattre la corruption et la crise sociale. Mais ils vont tous les deux être confrontés, par le jeu des alliances majoritaires qui devraient se nouer, à l’exercice du pouvoir, conduits à ce titre à concrétiser leurs intentions. Le PSOE que le PP souhaitent éviter de signer des pactes nationaux avec leurs nouveaux partenaires imposés, en privilégiant des accords locaux, mais comment éviter que cela ne prenne une tournure nationale ? Les résultats de ces élections ne se limitent pas à la prise symbolique de grandes mairies par les continuateurs du mouvement des indignés, ou à la perte du contrôle de nombreuses régions par le PP : tout le monde en Espagne attend désormais la suite et l’ambiance y est aérienne pour qui s’y promène.

Dans l’immédiat, il est retenu que les humbles et les petits, ceux qui n’appartiennent pas au monde de la politique et de l’argent, et qui souffrent de la crise, ont désormais le sentiment de pouvoir être entendus, après avoir tant manifesté sans l’avoir été. Tel était le calcul de Podemos, qui s’est allié localement et selon les circonstances avec des mouvements à la base. A Madrid et à Barcelone, ce sont deux femmes qui symbolisent le renouveau. Au travers d’elles, justice a été rendue à toutes celles qui se sont impliquées avec force dans les luttes sociales.

(Depuis Trujillo, Estrémadure.)

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