Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Mettre la honte à nos décideurs, nous dit Paul (Le temps qu’il faut du 16 avril) , et Cédric Chevalier de rebondir en se demandant à quelles conditions de tels effets, honte ou même humiliation pourraient infléchir les décisions des puissants de ce monde.
Nous sentons tous le tiraillement, la tension, la « dialectine » sous la « moraline ». Moraline qui n’est que l’aspect superficiel de la question de la honte, les Grecs anciens et Stiegler nous rappelant le couple plus profond « honte/justice » (aidôs et dikê, Respect et Justice, — littéralement la pudeur et la règle ou la norme –, parag 10 dans ce Protagoras), auquel à mon avis l’appel de Paul Jorion peut être rattaché.
C’est qu’on a deux complexités enchâssées : la langue et la structure sociale.
Imaginons une assemblée houleuse d’une institution ou entreprise XXX, avec 64 lecteurs de Jorion et Stiegler ou Lordon et Généreux face à 8 dirigeants (64 est à 8 ce que 8 est à 1, clin d’œil aux pionniers de la proportion).
A un moment donné, il y aura ceci :
Les 64 : « on peut gérer notre affaire XXX autrement, diront les 64. On ne va pas répartir du tout comme ça, etc. »
Les 8 : « Mais quand il faudra négocier avec les concurrents/l’admin centrale, etc., vous allez vous prendre dans le tapis au premier virage, ils ne seront pas convaincus que votre Cash-flow/concept X/concept Y sera suffisant ». Donc « Gardez nous, chers 64, nous et notre rapport de domination à peine édulcoré pour que vous cessiez cette action bancale »
On voit bien que le langage permettra aux uns de dire que leur vision du paradigme n’est pas celle qui permet de « vivre » (de vivre néo-libéralement en réalité), et que la réticulation de « l’extérieur » (les concurrents/l’admin centrale) est ce qui va faire assez peur pour faire perdurer la domination de classe pré-existante, (un TINA, des cliquets).
Contre ce pessimisme de celui qui craint d’être vaincu au pied des deux complexités enchevêtrées ou enchâssées, Sophie Wahnich nous rappelle qu’un peuple peut « se constituer », et en décrit assez bien les tenants et aboutissants. (Dans le blog, ici dans le billet de Vincent Fagnoul, ou ici directement, encore là).
Au fond, au lieu de chercher une définition X ou Y d’un peuple, on pourrait dire tautologiquement que c’est l’ensemble des gens qui peut se constituer, tant au sens étroit de se doter d’une constitution, que dans le sens plus large de se doter d’un retour sur lui-même susceptible de dépasser les complexités enchevêtrées, avec les efforts que souligne Sophie Wahnich.
Pour croire en cette échappatoire par le haut, et espérer qu’elle résolve en le dépassant le blocage langage/domination, il nous faut examiner autour de nous.
Par exemple se demander si Podemos a trouvé des armes dont nous pourrions nous emparer.
Pouvons-nous penser comme Podemos à d’abord faire sentir cette constitution par une petite analyse de tous les jours face au discours dominant, qui se déroule et se concrétise dans des lieux (les « circulos » en Espagne).
Puis sentir sa capacité à changer des secteurs, pour enfin passer un cap plus politique et massif, avec une bifurcation ?
Laisser un commentaire