Massacres de SétifHier, par Zébu

Billet invité.

Hier s’est tenue une cérémonie en hommage aux victimes algériennes des massacres commis par les forces armées et les milices françaises en mai 1945 en Algérie, presque jour pour jour 70 ans après, et pour la première fois après de premières déclarations officielles en 2005 sur ces faits.

Plusieurs milliers d’Algérien(nes), selon les dernières estimations d’historiens, ont été assassiné(e)s en quinze jours, quand dans le même temps des dizaines d’Européens, dont parfois des partisans de la ‘troisième voie’ (communistes, résistants), furent massacrés.

Hier également, un secrétaire général de l’UMP, un des principaux partis politiques français (qui se déclare du moins premier parti politique aux dernières élections départementales), déclare regretter que la France passe son temps à s’excuser de son histoire, qu’une repentance soit ainsi exprimée, que le travail de mémoire soit unilatéral et qu’il n’y ait plus de fierté exprimée quant à l’histoire de France.

 

On peut surtout regretter qu’un dirigeant politique national ne voie que l’aspect mémoriel dans le travail à accomplir quand il faudrait que des travaux bilatéraux d’historiens puissent avoir lieu, ou regretter qu’il mélange ainsi sentiment (‘fierté’) et Histoire quant à une cérémonie qui, bien que s’inscrivant dans un ‘voyage mémoriel’, ne parle ni de repentance ni d’excuses.

 

On a surtout ici l’expression d’un passé qui passe toujours mal comme le fut celui de Vichy au sein d’une certaine frange du monde politique, exigeant une ‘réciprocité’ pour chaque acte posé, permettant certes aux différentes mémoires de s’exprimer et d’être reconnues mais niant ainsi dans une posture de quasi révisionnisme historique la différence qualitative et quantitative des souffrances de tous bords pour leur appliquer la grande niveleuse égalitaire où tout s’équivaut et où surtout la colonisation disparaît pour ne laisser apparaître que les seules victimes, que les seules ‘conséquences’ humaines au détriment de leurs causes, tout autant humaines.

 

On devrait surtout retenir le temps long au niveau humain (70 ans !), long même au niveau historique (70 ans sur les 185 ans de passé commun), nécessaire pour que l’acte de reconnaissance (et non de repentance) puisse être enfin posé : une reconnaissance officielle que ces massacres ont été la résultante d’une longue histoire coloniale qui ne pouvait donner que ces fruits amers, lesquels pourriront pendant 9 ans supplémentaires sans que rien ne change, jusqu’à ce que tout doive changer.

 

A ce titre et si on doit parler de mémoires, le très beau documentaire « La Chine est encore loin » permet  de démêler les écheveaux intriqués de ce passé, à l’encontre des histoires officielles ressassées par exemple par le pouvoir algérien, de ces mémoires d’enfants confrontés à ces souvenirs de ce couple d’instituteurs qui sera assassiné quelques années plus tard, un documentaire qui permet de comprendre l’intrication du passé dans le présent et la difficulté du futur pour ces enfants d’aujourd’hui.

 

Il y a là des racines de compréhension à intégrer pour notre situation politique actuelle, où une extrême-droite, qui n’a jamais lâché sa nostalgie coloniale, la justification de sa légitimité et la représentation de dominants/dominés qui en découle quant à l’immigration et à ‘l’identité nationale’, est en voie d’expansion en France, aidée en cela par la ‘vision’ de l’histoire d’hier qu’en ont certains responsables à droite qui étaient, hier, au pouvoir.

 

Les responsabilités sont évidemment partagées, entre l’État français et l’État algérien, quant à ce temps perdu, un temps qui fait défaut aujourd’hui aux deux peuples de cette même Méditerranée.

 

Est-ce qu’hier sera ainsi définitivement perdu dans des sables mémoriels mouvants, comme englouti par le passé ?

S’il doit en être ainsi, comment peut-on alors espérer que le pari de demain pourrait être gagné ?

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