Billet invité.
Il est tout à fait judicieux de nous alerter sur l’euphorie boursière depuis le début de l’année 2015. Le mécanisme par lequel la montée des indices boursiers précède et anticipe l’effondrement de la liquidité financière nominale est maintenant parfaitement connu. En fait les actions sont le dernier actif financier sur quoi sont placés les excédents de liquidité quand tous les autres ont amorcé leur retournement, c’est à dire leur dépréciation réelle.
Les perspectives mondiales de croissance réelle sont en déclin marqué depuis deux ans. Le surendettement général a mécaniquement obligé les banques à ne plus prêter qu’aux gros qui sont seuls capables de masquer leur situation économique réelle par de l’habillage comptable ou de l’ingénierie financière. Le maquillage financier de la réalité économique est à base d’effet de levier du crédit par des investissements microscopiques en capital réel humain et juridique.
Par « gros », il faut entendre les grands États qui ont le pouvoir de dicter l’équilibre comptable de leur liquidité par des emprunts forcés à leur banque centrale ; il faut entendre les grandes banques « too big to fail » que les banques centrales ne peuvent pas laisser tomber pour protéger les dépôts liquides ; et il faut entendre les entreprises multinationales qui restent rentables en ne payant plus les impôts qui financent les infrastructures communes par lesquelles elles fonctionnent : police, justice, équipements publics, enseignement, assurances publiques.
La contraction de la base économique réelle par rapport à la masse financière de crédit et de monnaie est à l’origine de la dépréciation relative des actifs réels par rapport à leur prix nominal financier. Les banques centrales n’ont pas d’autre moyen pour masquer la bulle des subprimes immobiliers qui n’a jamais été vraiment résorbée, que de créer une hyper-bulle mondiale sur la réalité de la croissance économique. Grâce aux politiques de facilitation monétaire, la croissance serait demeurée forte et solide malgré la montée du chômage, la stagnation des salaires de ceux qui ont conservé un emploi, les déficits publics et les dettes latentes, que les réformes comptables postérieures au krach de 2008 n’obligent plus à enregistrer dans les bilans financiers.
Évidemment les analystes financiers ne sont pas tout à fait dupes des apparences comptables. Sur les marchés financiers, ils délaissent les actifs dont le prix nominal leur paraît trop éloigné du prix réel, c’est à dire tous les titres de créance même quand l’emprunteur est public. Autrement dit, les titres de dette publique réputés les plus sûrs comme la dette allemande, française, danoise, canadienne ou suisse sont beaucoup trop rares par rapport aux vagues de liquidité à placer et qui sont nécessaires à maintenir à flot les emprunteurs en faillite qui sont « too big to fail » : États-Unis d’Amérique, Royaume-Uni, Goldman Sachs, JP Morgan, BNP Paribas, HSBC, UBS, Deutsch Bank…
La pénurie croissante de collatéral de qualité en contrepartie de la masse de liquidité en circulation induit une ruée sur les titres de capital. Comme le prix réel d’un titre de capital est par nature flottant et fluctuant par rapport au prix nominal et par rapport aux perspectives réelles vérifiables de l’entreprise sous-jacente, la spéculation sur les actions est ce qui reste de moins dangereux à court terme quand l’effondrement général s’approche manifestement. Les gros gestionnaires financiers ont même intérêt à faire le maximum de publicité sur l’euphorie boursière de manière à attirer les épargnants institutionnels moyens et petits.
Dès que le retour des petits à la bourse aura atteint son maximum supposé, les gros retourneront tous leurs positions acheteuses pour laisser les pertes aux petits et limiter les leurs. Comme il est absolument certain que le prochain krach se résoudra par la mise en faillite de un ou plusieurs gros, il faut grossir le plus vite possible avec le minimum d’actifs pourris par rapport aux autres de manière à maximiser ses chances de survie. Le hic est que la faillite de Lehman a été difficile et longue à digérer. Le lissage comptable des pertes a été laborieux entre tous les grands acteurs publics et privés du marché. Il est très peu probable que le système monétaire et financier résiste à la faillite de Citybank, BNP Paribas, Allianz, l’État grec ou la Banque Centrale de Suisse…
Il n’y aura donc pas de mise en faillite formelle ; seulement une fermeture du marché interbancaire international et de l’interconnexion des marchés de capitaux. Comme les Etats et les cabinets d’audit et d’avocats internationaux ne seront pas d’accord sur le prix des pertes à résorber ni surtout sur la répartition de ces pertes entre les principaux créanciers, les grands États mettront en attente tous leurs remboursements de dette publique et contrôleront sévèrement toutes les sorties de capitaux de leur zone monétaire afin de faire rentrer des recettes fiscales qui garantissent leur crédit vis-à-vis de leurs créanciers internes.
Concrètement le régime libéral de la libre circulation du capital, de l’émission privée de la monnaie et de la défiscalisation des gros institutionnels arrive au bout de sa logique spéculative. Il va prendre fin avec le morcellement du marché mondial par zone monétaire et par alliances régionales inter-étatiques. A partir de là, deux scénarios sont envisageables pessimiste et optimiste.
Le pessimiste est celui de la guerre civile mondiale pour détourner l’attention des peuples et dissimuler la responsabilité de leurs élites politiques. Les États-Unis débarqueront en Iran ou en Arabie Saoudite ; le Royaume-Uni montera une expédition aux Malouines-Falklands pour défendre sa souveraineté contre les revendications argentines ; la France-Allemagne ira faire la guerre contre Poutine en Ukraine.
Le scenario optimiste est une conférence internationale pour un partage des pertes de crédit du système financier libéral objectivement failli. La refondation d’un système monétaire international équitable et rationnel sera le moyen de calculer et de répartir les pertes selon la solvabilité réelle des emprunteurs et des prêteurs. On reprendra le plan de Keynes de 1944.
Il faudra négocier un système de règles internationales de compensation des dettes publiques et privées sur la base de monnaies renationalisées sous la responsabilité des États ou des associations régionales d’États. Le réseau numérique interbancaire mondial actuel sera organisé en chambre de compensation des crédits et parités de changes internationales. Le DTS sera converti en véritable monnaie de règlement international.
Le FMI sera transformé en syndic monétaire international des États en charge de la surveillance de la liquidité internationale ; liquidité gagée sur l’intérêt général, donc garantie par les États de droit. Le FMI sera doté d’un capital en DTS coté et librement souscriptible dans la chambre de compensation des monnaies et du crédit. Cette chambre sera donc un marché international de capitalisation en DTS de tout titre de créance ou de capital dont la liquidité est garantie par la société mondiale tout entière.
Les appels de marge garantissant la liquidité financière de la compensation internationale seront versés par les zones monétaires sous forme de dévaluation de leur monnaie en DTS en cas de déficit de paiements internationaux, ou de réévaluation si excédent. Les primes et commissions de change qui sont actuellement captées par les intermédiaires financiers et par l’État et la Réserve fédéraux des États-Unis seront récupérés par le FMI et répartis équitablement entre États et banques comme couvertures en capital des positions internationales de liquidité de tous les acteurs de l’économie réelle.
Le financement du bien commun des nations et de l’humanité sera de nouveau intégralement assuré par les ressources fiscales des États de droit dont la perception et la liquidité seront garanties par le FMI en application d’une charte internationale de la fiscalité. Le libre échange restera un principe cardinal mais adossé à la déclaration universelle des droits de l’homme par son financement assurantiel mondial mutualisé par la chambre de compensation internationale en DTS.
« En période de récession économique ou de crise politique, l’extrême gauche devient souvent l’extrême droite…! » Il faut changer de lunettes…