Diafoirus, par Michel Leis

Billet invité.

Le discours du FN est bien rodé, il parle à nos instincts, la peur, la survie, l’esprit de la forteresse, il reste pour l’essentiel dans le domaine du ‘contre’. Le programme du FN, ce sont les remèdes du docteur Diafoirus : comme on ne comprend pas la nature du mal, on saigne, on ampute. On chasse les immigrés qui prennent nos emplois, on sort de l’Euro qui ne permet pas de garantir notre indépendance économique, on refuse l’Europe qui nous empêche de maintenir notre indépendance politique… Tant pis si ces soi-disant remèdes affaiblissent un peu plus le malade. La France doit se réduire au « Pré carré » (formule de Vauban à l’adresse de Louis XIV qui imaginait ainsi un territoire facile à défendre), où les fortifications seront reines. Ce qui n’est pas élimination dans le programme du FN est défensif.

En mettant en avant des solutions simplistes au problème du chômage, le FN fait l’économie d’un discours sur l’ordre social et économique. Le modèle de société est absent du programme du FN tout simplement parce qu’il n’y en a pas. La vision de la France reste celle de Pierre Poujade, une France de PME, d’artisans et de commerçants prospères. Il est significatif que le programme du FN comporte de très nombreux paragraphes consacrés à ces catégories, que ce soit en tête de chapitre pour le retour à l’emploi ou quand on parle de fiscalité ou de pouvoir d’achat. Le retour de l’emploi et la hausse des salaires annoncés reposent sur la croissance, refrain connu et guère différent des partis de pouvoir. Les véritables mesures sociales se résument à plus de justice fiscale, sans beaucoup de précision, sinon une hausse de 1 % (!) du barème de l’impôt pour la tranche la plus élevée et le retour de l’indexation des salaires. Le retour de l’indexation des salaires est une prise de risque peu importante en période de déflation et serait de toute façon une mesure indispensable si le Franc perdait toute valeur face aux autres monnaies, entraînant dans son sillage une inflation importée. Car la France ne peut s’abstraire du monde. Les Français vont vouloir continuer à rouler en voiture, regarder la télévision. Pour importer le pétrole, les produits électroniques qui ne sont plus fabriqués sur le territoire national, il faudra bien continuer à exporter des Airbus et d’autres biens industriels. Le prix à payer pour l’isolement n’est bien sûr jamais évoqué. Quant à la prospérité de la France des artisans, commerçants et notaires, si tant est qu’elle se réalise, elle n’est pas la garantie d’un programme social, tant s’en faut. Mais comme on rêve de gagner au Loto, on rêve d’être dans cette prospérité bourgeoise. Le FN, c’est la Française des jeux, 100 % des électeurs qui votent pour les candidats FN ont tenté leur chance, mais bien peu risquent de gagner.

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Commentaires récents

  1. Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…

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