Billet invité.
On pourrait comparer (cruellement) deux politiques : celles de SYRIZA et du PS français. Ces deux partis s’opposent donc indirectement — mais durement –, à Bruxelles.
D’abord la Grèce.
Panagiotis Grigoriou écrit dans son dernier reportage : Ponts et chaussées du 13.02.2015 :
« Sur les murs d’une enseigne, il y a ce slogan assez récent: “Jamais de travail le dimanche”. Le précédent gouvernement du lugubre Samaras et du… socialiste Venizélos, (…), avait en effet tout fait pour faire imposer et généraliser le travail dominical, une exigence alors très précisément formulée par le mémorandum et par la troïka. Le ministre du Travail (SYRIZA) était présent lui aussi place de la Constitution lors du rassemblement. Il venait d’annoncer cette semaine, le retour au respect intégral du caractère férié du jour de dimanche. Il a aussi annoncé le retour des Conventions collectives, sa volonté de faire barrage aux licenciements collectifs, ainsi que de modifier la législation relative au travail à temps partiel car “c’en est fini des logiques de l’ultralibéralisme”. »
Maintenant la France. Le vote de la loi Macron autorise (parmi tant de mesures) douze dimanches travaillés par an : soit juste sept de plus … Pas cinq de moins – c’est-à-dire le retour à une interdiction complète sauf quelques dérogations – car la roue tourne dans un seul sens, nous assène-t-on ! Tiens donc ! A chaque fois, on avance sur l’engrenage qui nous broie : cette fois-ci 7 dents, une prochaine fois, pourquoi pas 14 en plus pour en arriver à 26 au total, soit un dimanche sur deux et enfin tous les dimanches pour faire simple, moderne, flexible. Voilà un petit effet cliquet efficace… Et pourtant ne pas travailler le dimanche : se reposer sans consommer, quel programme archaïque… ou futuriste !
Or des voix socialistes ont tenté de s’y opposer. Le travail du dimanche, gauche contre gauche (Le Monde du 14.02.2015) :
« A mon sens, les dispositions de ce texte concernant l’extension du travail dominical risquent d’accroître encore la défiance de tous ceux qui comptent sur la gauche pour porter à chaque époque de nouvelles conquêtes sociales et non des régressions, fussent-elles encadrées ou aménagées », embraye Fanélie Carrey-Conte (PS, Paris). On ne saurait mieux dire. Madame la députée : sauvez votre parti et la gauche française, votez contre ce gouvernement !
Il y ainsi une accumulation de cliquets subrepticement pensés comme indiscutables et qu’il est formellement interdit de remettre en cause : par exemple, passer de 35 heures à 32 ; diminuer la durée de cotisation retraite pour revenir à 37,5 trimestres (comme avant la réforme Balladur)… Tout dans le même sens et bien sûr on a déjà évoqué de plus gros cliquets comme celui sur la privation des autoroutes…
Un autre cas qui semblerait secondaire dans le flot des actualités mais qui est si bien représentatif de cette démarche qui se veut irréversible dans la doxa féroce, celui de l’archéologie préventive ; ça vaut la peine d’en comprendre les enjeux :
« C’est une loi de 2001, votée par la gauche, qui crée l’Inrap et impose qu’un site soit fouillé avant construction. Et une loi de 2003, votée par la droite, qui ouvre le marché aux entreprises privées. Il en existe une vingtaine en France, qui, avec 700 archéologues environ, ont croqué autour de 50 % du marché à l’Inrap et ses 2 000 agents. Les archéologues du privé ont la même formation que ceux du public, leurs entreprises doivent être agréées. Pourtant, cette concurrence aurait des effets épouvantables, selon le premier président de l’Inrap, Jean-Paul Demoule, et l’actuel, Dominique Garcia : « Une boîte n’est plus choisie pour sa qualité mais parce qu’elle travaille vite et à bas prix. Notre mission de service public est sacrifiée au profit d’une logique du BTP. » Ils ajoutent que l’État a préféré brider l’Inrap pour favoriser le secteur privé. » Le Monde du 13.02.2015 La foire des fouilles.
Rêvons un peu d’une uchronie : la gauche était arrivée au pouvoir en 2012 et elle remettait à l’honneur la notion de service public contre les politiques de management purement productiviste, sans vision à long terme. Dans le cadre de cette politique, il y avait par exemple la renationalisation de l’archéologie préventive ! Mais aujourd’hui, nationaliser (ou renationaliser) est considéré comme une action à jamais impossible : encore l’effet de cliquet ! Les socialistes français au pouvoir ont volontairement intégré dans leur doctrine officielle de gouvernement tous les cliquets mis en place par les gouvernements néolibéraux précédents (et avec celui de Lionel Jospin pour des privatisations) pour dire qu’ils ne pouvaient presque plus rien faire ; aux marges, ils veulent parfois nous vendre des petits arrangements (tel que certaines dérogations pour la retraite à 60 ans, cela dans un cadre très étroit et trop complexe) mais ils ne lâchent rien sur l’essentiel des « acquis antisociaux ». Faudra-t-il être surpris de leur débâcle annoncée ?
Et surtout, on comprend l’immense danger que représente SYRIZA pour ces pseudo-gauches en Europe : SYRIZA contribue à dévoiler les effets de cliquets dissimulés et ce faisant nous démontre que les cliquets, eh bien, ça se démonte !
@Mango vous dites : « mais certains le sont pour des positions politiques plus ou moins arbitraires … » je réponds :…