Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Il faut bien l’admettre, la barbarie du Dieu-Marché est incontestablement plus subtile, insidieuse – et donc finalement efficace -, que la barbarie des djihadistes. Là où la barbarie des fous de Dieu révulse par sa cruauté soigneusement mise en scène, la barbarie des fous du Marché avance au contraire, de manière masquée. Elle se cache derrière de belles idées et de beaux mots, dont elle inverse la signification première. Ainsi ‘Liberté’ en lieu et place de ‘la loi du plus fort’ ou ‘Compétitivité’ pour ‘régression sociale’ (liste non exhaustive !).
Et le plus terrible, c’est que peu à peu, par touches impressionnistes, en changeant la réalité derrière la langue, la barbarie de cette nouvelle aristocratie financière s’impose benoitement. Comme allant de soi, presque comme une loi de la nature, au même titre que l’électromagnétisme ou la gravité.
Rien de neuf dans tout ceci, sauf que l’avancée des ravages atteint maintenant des sommets inédits. Pour s’en convaincre, s’il en était encore besoin.., je vous propose d’écouter l’émission de France-Culture du 13 février dernier, intitulée ‘Entre low cost et classe affaires, quel plan de vol pour Air-France ?’
À 25’05’’, on entend l’intervention de Mr Michel Bougier (?), présenté comme un chef d’entreprise spécialisé dans le luxe et les marchés asiatiques. Il s’exprime sur les services à bord en première et en business class. Et que dit-il sur le ton de l’évidence navrée ? Que les Français et les Occidentaux en général, ont encore beaucoup de progrès à faire, avant de pouvoir se hisser au niveau des prestations offertes par les compagnies asiatiques : parce que comprenez-vous, les hôtesses et stewards asiatiques se mettent à genoux devant le client pour lui servir un café ! Ils ont parfaitement compris que ce geste de soumission (humilité dans la novlangue de l’auteur), n’avait rien de dégradant.
Et quelle fut la réaction immédiate du journaliste de radio-France devant cette obscénité ?
… Aucune !
Voilà où nous en sommes. Sur une radio du service public, un chef d’entreprise s’autorise à dire qu’il est normal pour un employé, de s’agenouiller pour servir un client. Sans que personne ne le remette à sa place.
Alors puisque le travail disparait, qu’il est passé de la case ‘droit’ à la case ‘chance’, que nous vivons dorénavant dans un monde où l’argent est tout et l’humain n’est rien, imaginons le scénario suivant à échéance d’une petite dizaine d’années :
– Journaliste : que répondez-vous à ceux de vos concurrents, qui vous accusent de proxénétisme à bord de vos vols ?
– Directeur du service juridique : (ton navré du professeur essayant d’expliquer une évidence à l’élève obtus) comme vous le savez, notre compagnie est enregistrée aux îles doideneurs qui ne pénalisent pas les services sexuels entre adultes consentants. Je rajouterais pour que les choses soient bien claires, qu’à aucun moment, notre personnel commercial ne reçoit d’argent de la part de nos clients. Ces accusations sont ridicules et insultantes. Il n’y a chez nous que des clients haut de gamme qui profitent, légitimement, des nombreux avantages liés aux miles accumulés. Et ceci dans l’espace aérien international.
Caricature outrancière (pléonasme) ? Et bien je me dis que dans la France des années 70, ce reportage aurait provoqué des réactions outrées.
Alors qu’aujourd’hui, rien.
Alors demain…
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