LA PÉRILLEUSE RENCONTRE DE L’EUROGROUPE DE MERCREDI, par François Leclerc

Billet invité.

Dans son discours de politique générale devant le Parlement grec, le premier ministre Alexis Tsipras a affirmé dimanche soir que « la décision inébranlable du gouvernement est d’honorer toutes ses promesses [de campagne] ». Faisant valoir que « aussi longtemps que nos partenaires insisteront sur l’austérité, le problème de la dette se perpétuera », et que la Grèce peut être le « catalyseur » d’une solution européenne, il a ensuite énuméré les dispositions que le gouvernement entendait prendre, conformément au programme de Syriza.

De premiers faibles signes d’évolution ont été depuis enregistrés. Le premier ministre portugais Pedro Passos Coelho a infléchi son discours, pour réclamer que les solutions qui pourraient être trouvées pour la Grèce soient « valables pour tous », après avoir précédemment tenu des propos intransigeants. Le ministre français Michel Sapin a de son côté appelé à « assurer un financement » à la Grèce, sans en préciser le montant et à condition que cela soit fait « dans le respect des règles européennes », mais sans les préciser…. Martin Schulz, le président du Parlement européen, a estimé pour sa part que le gouvernement grec pourrait être dispensé d’une négociation avec la Troïka.

Le premier round des négociations se tiendra mercredi prochain, lors de la réunion extraordinaire de l’Eurogroupe, où Christine Lagarde et Mario Draghi ont annoncé leur présence, où Yanis Varoufakis sera bien isolé. Entretemps, Alexis Tsipras se sera rendu aujourd’hui à Vienne rencontrer son homologue, le chancelier social-démocrate Wiener Faymann, à son invitation et les principaux ministres européens des finances se seront retrouvés à Istamboul, à l’occasion d’un G20 finances, où ils pourront essayer de dégager une position commune.

C’est en pure perte que le gouvernement grec a jusqu’à maintenant proposé aux dirigeants européens de prendre le temps de la négociation en lui accordant un prêt-relais. Ceux-ci ont préféré brusquer les évènements avec l’intention de laisser à la Grèce juste le nez hors de l’eau. Une fois rejeté le plan alternatif grec – qui avait le mérite de la cohérence et du réalisme et représentait déjà un compromis en évitant tout effacement de dette – un coup d’arrêt devait être donné par les autorités européennes afin de reprendre l’initiative, pour négocier sur leurs propres bases et ne surtout pas avoir à se renier.

Un risque soumis à la vigilance de la BCE n’en est pas moins pris, au cas où la Grèce ferait malencontreusement défaut. Les conséquences d’une sortie grecque de la zone euro, impossible à évaluer par avance, peuvent faire débat mais pas les 240 milliards d’euros qui lui ont été prêtés et qui deviendraient alors à fonds perdus… A se demander qui joue vraiment avec l’argent des contribuables, puisque c’est l’argument massue qui est employé pour justifier la raideur employée et rejeter la solution grecque de réaménagement de celle-ci, alors que celle-ci au contraire le préserve.

Le montage suggéré par Yanis Varoufakis a été évacué d’emblée, pour n’envisager que des aménagements cosmétiques du calendrier de remboursement et des taux de la dette grecque, qui ne la rendront pas davantage soutenable. La hauteur des falaises de remboursement qui devront être un jour ou l’autre franchies sera réduite, mais elles n’en resteront pas moins infranchissables : pour ne s’en tenir qu’à l’avis du FMI, 120% du PIB est le seuil que la dette ne doit pas dépasser, calculé au doigt mouillé, ce qui restera le cas avec un tel dispositif. Rendre perpétuelle une partie de la dette ne serait pas faire injure à l’histoire et aux mathématiques, alors que par ailleurs ce type d’émission est courant pour les grandes entreprises… Une restructuration a minima de la dette impliquera par contre de dégager un excédent primaire budgétaire hors de portée et ne laissera aucune marge de manœuvre au gouvernement pour atténuer la crise sociale et pratiquer une politique de relance.

Le discours d’Alexis Tsipras était attendu, afin de prendre connaissance des mesures gouvernementales qu’il allait finalement annoncer, en vue d’une délicate négociation portant sur la composition d’un cocktail de mesures associant aux recettes sans surprise des dirigeants européens des dispositions du programme gouvernemental grec, mais lesquelles ? Un ensemble de dispositions prioritaires destinées à faire face à la crise humanitaire ont été comme prévu annoncées sans attendre, afin de fournir de la nourriture, un abri, de l’électricité et des soins médicaux aux familles les plus éprouvées. Puis un catalogue de mesures reprenant celles du programme de Syriza a été repris et posé sur la table.

Mais qu’en sera-t-il préservé au fil de négociations qui s’annoncent pleines d’embûches, si elles sont engagées ce mercredi ? Quels moyens financiers seront-ils laissés au gouvernement grec pour les financer ? Dans l’immédiat, entamer la discussion va être le principal enjeu de la réunion de l’Eurogroupe, qui va se tenir dans un contexte très tendu. Va y contribuer la déclaration d’Alexis Tsipras, selon laquelle le gouvernement a « une obligation historique et morale » à réclamer à l’Allemagne des réparations de guerre, qu’il chiffre à la moitié du montant de la dette grecque…

La Bourse d’Athènes décroche, la popularité du gouvernement est au zénith.

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