LE TEMPS QU’IL FAIT LE 5 (ou le 6) FÉVRIER 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 5 (ou le 6) février 2015. Merci à Olivier Brouwer.

Bonjour, on est en réalité le jeudi 5 février, vous verrez ça le vendredi 6. La raison pour laquelle je l’enregistre maintenant, c’est parce que, eh bien, vous l’avez vu, demain, je serai à Paris, dans la journée, et je passe à deux émissions de télévision, une à midi, « Ecorama », et ensuite, je passe sur France 24, c’est entre 15h et 16h. Et, vous le savez sans doute, je reprends mes cours lundi 9, à Bruxelles, « Stewardship of Finance », je vous rappelle que c’est ouvert au public, c’est-à-dire que vous pouvez venir écouter. Il n’y a d’ailleurs pas que des étudiants, [il y a] effectivement des représentants de la société civile, c’est-à-dire vous, qui assistent à ça de temps en temps, et il y a quelques habitués.

Et alors, pour les Bruxellois, pour les gens qui habitent pas trop loin de Bruxelles – encore qu’il y en a qui font le voyage de Lille, de Paris, d’Arlon, de Luxembourg, nous avons eu des invités venant de cette direction-là récemment – c’est la soirée au Vicomte, où, simplement, on se réunit à partir de 17h30, 18h, et, eh bien, on discute entre nous de l’actualité. Alors, le problème qu’on aura samedi, c’est qu’on ne sait pas du tout de quoi on peut parler, parce que, comme il y a rien dans l’actualité… Les sujets se bousculeront ! Les sujets se bousculeront en effet, parce que nous sommes à un tournant. On ne le penserait pas, si on regarde la une des journaux (je viens de regarder la une des journaux), eh bien, tout se passe comme d’habitude : on vous parle du football, on vous parle d’incidents divers ici et là, on ne se rend pas compte qu’il y a un véritable tournant pour la zone Euro, qu’elle est en train de se défaire, et qu’en arrière-plan, eh bien, il n’y a pas que la zone Euro qui est en train de se défaire, on est entrés dans un grand processus d’effondrement.

Alors, est-ce que c’est dommage ? Oui, c’est dommage, parce que nous avons quand même eu, je dirais, entre 2007-2008 et maintenant, nous avons eu quand même, ça fait quoi ? Ça nous fait six à sept ans quand même, six à sept années pendant lesquelles nos dirigeants auraient pu faire quelque chose ! Je veux dire, autre chose que simplement s’enfoncer, faire semblant qu’il ne s’était rien passé, faire semblant qu’il n’y a pas eu de crise des subprimes, faire semblant qu’il n’ y a pas une crise d’ordre tout à fait général sur le plan écologique, faire semblant qu’il n’y a pas du tout une crise sur le problème du travail et de l’emploi, et qu’il suffit de dire aux gens de retrouver du travail quand ils en perdent, et aux petites et moyennes entreprises, eh bien, de créer des emplois, puisque, finalement, on ne leur demande que ça, et c’est ça qu’elles devraient faire. Voilà.

Alors, c’est dommage ! C’est dommage. C’est dommage pour nous tous. Il est dommage, il est dommage que, je dirais, ces six ou sept ans, sept à huit ans, que des gens comme moi – il n’y a pas que moi, je pourrais faire une liste, mais vous savez qui c’est, ce sont les gens que vous regardez par ailleurs et que vous écoutez par ailleurs – proposent ce qu’il faudrait faire pour sauver la mise, et ça n’intéresse pas grand monde. Il y a un succès, je dirais, un succès d’estime. Il y a un succès d’estime pour les Sapir, Lordon, Todd, etc. Les gens s’intéressent à ce qu’ils font. Si vous regardez, eh bien voilà, ce sont des noms connus, il y a beaucoup de monde. Ce matin, il y avait un monde énorme sur le blog, nous discutions des mesures qui ont été prises par Monsieur Draghi à la tête de la Banque Centrale Européenne hier soir. Ça intéresse, ça intéresse tout le monde, mais comme l’a bien dit Monsieur Juncker, le fait que les gens votent pour ceci ou pour cela – d’abord, en général, ils votent pour les gens qui font la même chose que les gens de la Troïka, mais – quand ils votent contre ça, quand ils veulent proposer autre chose, eh bien, on l’ignore purement et simplement, on considère que ça n’a pas d’importance. Comme le dit très bien Monsieur Juncker, le résultat des élections n’a pas d’impact sur les traités européens. Voilà. Alors, on le savait déjà à l’époque du traité de Lisbonne, les gens votent contre, mais ça ne fait rien, on le fait passer quand même. Les Grecs ont demandé un gouvernement d’un certain type, qui rue dans les brancards, qui demande qu’on fasse un peu autre chose, eh bien, on va attendre simplement que ça se passe. On va leur mettre des bâtons dans les roues, on va les ignorer, on va essayer de les ridiculiser, et on va continuer dans la même direction, parce que, eh bien finalement il y a pas le choix, c’est TINA (There Is No Alternative) que d’aller droit dans le mur de la manière dont ils le font.

Alors, le problème, c’est le problème de l’opinion publique. Qu’est-ce que vous allez dire ? Qu’est-ce que vous allez dire ? Vous venez sur le blog. Vous venez en masse, comme ce matin, parce que nous sommes là aussi, nous avons écrit des choses dans la nuit, nous écrivons le matin tôt, nous allons continuer ce soir encore à écrire des choses, et ça vous intéresse, et vous trouvez que c’est scandaleux qu’on ait mis, simplement, la démocratie, les principes démocratiques, entre parenthèses. Le fait qu’on vote ou qu’on ne vote pas, qu’on reste à la maison, tout ça ne fait aucune différence, parce que ces braves gens au sommet – qui s’élisent entre eux, qui se donnent des prix Nobel, qui se nomment au Collège de France – parce que ces gens-là décident pour nous, décident pour nous. Et quand nous émettons une autre opinion, eh bien, ils s’en fichent. Ils s’en fichent. Oui, on nous laisse parler ici et là, faire du bruit, je dirais, dans les marges, mais, finalement, ça n’intéresse personne. On nous invite parfois aussi au Parlement Européen, il y a quelques personnes qui, voilà, qui prêtent attention à ça. Ou à d’autres endroits, à des commissions, des commissions du Sénat, on fait des dépositions, etc., et on va continuer de le faire, mais on va continuer de le faire alors que le bruit de l’effondrement, en arrière-plan, va devenir de plus en plus fort et rendre tout le reste inaudible.

Alors, ces gens ont une responsabilité, mais une responsabilité, finalement, devant qui ? Quand il n’y aura plus personne à la surface de la terre, quelle différence ça fera que c’était eux qui étaient responsables de ça ? Il y aura plus de bouquins, il y aura juste des robots qui s’amuseront à lire les livres expliquant ce qui s’est passé, et comme, finalement, il n’auront qu’un intérêt, je dirais, mitigé, pour ces gens qui les ont précédés… On nous rendra, oui, on nous rendra hommage, il y aura peut-être des statues aux coins des rues, parce que, bon, les robots savent que nous sommes les ancêtres, que c’est nous qui les avons créés, et on nous rendra un petit hommage comme ça, poli, en mélangeant les noms, et ça n’aura aucune importance.

Alors voilà. Euh, sept ans, sept années perdues, sept années perdues simplement à s’enfoncer, à s’enfoncer dans le même marasme alors qu’on savait ce qu’il fallait faire mais ça allait à l’encontre des intérêts de X ou Y, ces mêmes personnes qui sont en train d’acheter des pistes d’atterrissage en, c’est où ? En Nouvelle-Zélande, voilà, en Nouvelle-Zélande. Ils achètent des tas de bouts de terrain en Nouvelle-Zélande, ils vont essayer – puisqu’on n’a pas encore mis en place la station spatiale Elyseum, ils vont essayer de se retrouver tous ensemble là, en Nouvelle-Zélande, et dès que la station spatiale sera prête, eh bien, ils partiront en altitude.

Et pendant ce temps-là, eh bien, le reste, le reste aura disparu, ou alors ce sera, oui, comment dire, ce sera un énorme vacarme où les gens continueront de se disputer sur des prétextes quelconques, mais sans que ça ait la moindre importance, le moindre impact. C’est dommage ! C’est dommage. Nous avions sept ans, nous avions sept ans pour réparer les choses, on a mis ça purement entre parenthèses. Maintenant il y a encore, oui, comme vous voyez bien, Monsieur Tsipras, Monsieur Varoufakis, des velléités, des velléités de rébellion, mais tout ça, tout ça, tout ça n’a pas d’importance. Tout ça a été, comment dire, tout ça a été neutralisé, neutralisé avant la lettre, et tout ça n’aura aucune importance, ce sont des barouds d’honneur, voilà, ce sont des barouds d’honneur.

Que dire d’autre ? Eh bien, je ne sais pas. Je vais arrêter là pour aujourd’hui. Ce sont des barouds d’honneur, et il vaut peut-être mieux, comme disait Candide, aller cultiver son jardin. Voilà.

Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas ça qu’on va faire au blog de Paul Jorion ! Comme je vous l’ai dit, ici, on est de toute manière le dernier carré, et tant qu’il y a de l’électricité, on continuera à gueuler.

Voilà ! Allez, à bientôt !a

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  1. @ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?

  2. @Hervey « Le principe est un concept philosophique polysémique qui désigne ou bien une source, un fondement, une vérité première d’idées…

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