IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMÉE, par François Leclerc

Billet invité.

Quelles sont les chances de réussite de Syriza ? Le tournant engagé peut-il se confirmer en s’élargissant ? S’il est prématuré de tenter d’apporter une réponse à ces deux questions, il n’est pas interdit de mesurer le rapport de force dans lequel ses artisans vont évoluer.

Les dirigeants européens sont désormais comptables vis à vis d’eux-mêmes de l’échec de leur politique. Sauf à assumer un défaut sur la dette grecque, détenue à 80% par des intérêts publics, ils sont condamnés à la refinancer, la faire rouler comme disent les banquiers qu’ils sont devenus. Ils sont pris à leur propre piège, coupables de soutien abusif estimerait un tribunal. En conséquence, leur menace de fermer le robinet n’est pas crédible, car ils en seraient les premières victimes, ce qui éclaire leur intention de négocier.

Comme de bien entendu, ils vont mettre en place une stratégie de pression en spéculant sur l’assèchement des ressources financières du nouveau gouvernement, mais ils vont également devoir accorder une nouvelle prolongation afin de conclure les négociations avec la Troïka, déjà suspendues pour aider Antonis Samaras. Car leur tactique de négociation est de privilégier un accord a minima sur la dette avant de débloquer des fonds. Leur intention est de ne pas transiger sur le principe du remboursement de la dette grecque, quitte à en moduler le calendrier de remboursement et le taux, pour repousser au plus tard possible sa réduction.

Mais vont-ils pouvoir longtemps présenter un front uni face à un gouvernement grec déterminé ? On pressent déjà, à lire leurs déclarations, que certains vont tenter de profiter de la situation afin d’obtenir l’assouplissement des contraintes du traité fiscal qu’ils n’ont pas obtenu. Ce pourrait être le cas du gouvernement italien. Et qu’un raidissement inverse pourrait tout autant facilement intervenir. Syriza a ouvert la fameuse boîte de Pandore, que les dirigeants européens vont avoir de grandes difficultés à refermer car elle a commencé à déborder. Avec le risque qu’ils suivent la ligne de plus grande pente et s’engagent par défaut dans une stratégie de pourrissement consistant à refuser au gouvernement grec les moyens de financer les mesures humanitaires de son plan d’action.

Donnant la mesure du changement, la prestation de serment d’Alexis Tsipras a été une cérémonie civile, contrairement à la tradition. Ne dédaignant pas de manier les symboles, celui-ci a été ensuite se recueillir au mur des fusillés de Kesariani, où 200 communistes avaient été exécutés par les Nazis en 1944… De fait, Syriza représente la meilleure opportunité de changement de la société grecque, celui que les dirigeants européens ont voulu imposer sur leur mode libéral suranné. D’autres réformes doivent leur être opposés, afin de ne pas leur laisser le bénéfice du principe. Michel Sapin, le ministre français, a laissé une porte ouverte en déclarant qu’un dialogue était nécessaire afin de trouver « le meilleur chemin pour permettre à la Grèce de retrouver la stabilité et de la croissance »… De ce point de vue, le gouvernement Tsipras cherche à être exemplaire, et c’est bien cela qui peut aussi inquiéter.

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