Billet invité.
En parlant de « trouver tranquillement des solutions », la chancelière Angela Merkel a confirmé le cadre politique qui se dessinait : il n’est pas question de jouer l’apocalypse, à la manière d’Antonis Samaras à qui cela n’a pas réussi, mais de voir venir. Mais pour décider quoi ?
L’attention est naturellement focalisée sur le résultat des élections, ainsi que sur les accords de coalition qui pourraient en résulter – à moins qu’elles ne débouchent sur une nouvelle consultation en mars prochain – mais la situation de la Grèce réclamait de toute façon de nouvelles mesures de soutien financier, le pays est non seulement miné par ses dettes extérieures, mais aussi les impayés envers l’État, les banques et les organismes sociaux. La reprise est en trompe l’œil, et le gouvernement Samaras vivait déjà d’expédients en émettant des bons du Trésor achetés par les banques grecques, elles-mêmes soutenues par des liquidités d’urgence (ELA) fournies par la Banque de Grèce avec la bénédiction de la BCE.
La victoire électorale de Syriza va paradoxalement l’escamoter, sans rien n’y changer. La BCE a fixé une date butoir, fin février, à laquelle elle menace de stopper l’aide d’urgence aux banques grecques, si un accord n’est pas intervenu à propos du dernier versement du plan de sauvetage et des mesures réclamées en contrepartie par la Troïka. C’est également la condition qu’a mis To Potami (La Rivière) – présenté comme arrivant en troisième place de la consultation – pour une participation à une coalition gouvernementale avec Syriza. Alexis Tsipras s’y refuse, qui veut évacuer la Troïka du paysage en effectuant un geste hautement symbolique.
Mais ce dont il est question va au-delà de cet épisode immédiat : si un compromis doit être recherché, quel peut en être la teneur ? Des marges de manœuvre sont mises en avant, notamment par le think tank bruxellois Bruegel, qui reposent sur de savants étalements de remboursement de la dette et baisses de taux, calculés de façon à ce que les créanciers n’y laissent pas de plumes. Mais les économies qui en résulteraient pour la Grèce ne rendraient pas pour autant sa dette soutenable et permettraient seulement de gagner du temps, on connait la chanson !
D’autres hypothèses ont été agitées dans les milieux de la Commission, selon lesquelles les banques grecques pourraient être recapitalisées avec les fonds non utilisés et disponibles, leur permettant ainsi de poursuivre leurs achats de bons du Trésor. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourrait intervenir et octroyer une ligne de crédit, et le FMI convertir en crédits de précaution ses derniers versements suspendus. La volonté politique aidant, les solutions d’attente ne manquent pas…
Syriza n’a cessé de mettre l’accent sur la réalisation d’un programme humanitaire immédiat, dont le financement de 12 milliards d’euros reste à dégager, impliquant que tout ne pourra pas être fait immédiatement. Il est prévu de les réunir grâce à la lutte contre la fraude fiscale et la contrebande, la réaffectation de fonds européens et la réduction du remboursement de la dette, un ensemble de moyens illustrant la précarité des solutions envisagées.
Les priorités de Syriza reflètent la détresse sociale dans laquelle les Grecs ont été plongés à la suite de six ans de récession et de restrictions de toute nature. Sont prévus l’augmentation du salaire minimum à 751 euros, le rétablissement du 13ème mois de retraite pour celles qui sont inférieures à 700 euros, la distribution de coupons alimentaires et l’électricité gratuite pour 300.000 familles, assurer la gratuité des soins, supprimer la taxe sur le fuel domestique, remonter le seuil d’imposition à 12.000 euros annuels, de protéger les résidences principales de la saisie et d’augmenter le nombre de bénéficiaires de l’assurance chômage.
La venue symbolique de Pablo Iglesias au nom de Podemos au dernier meeting d’Athènes de Syriza illustre combien il est attendu de ces deux formations trouble-détresse qui cherchent à s’épauler, mais elle met aussi en évidence leur isolement. Ayant conscience de celui-ci, Alexis Tsipras a déclaré en anglais à la foule des journalistes qui l’attendaient à son bureau de vote : « notre avenir commun en Europe n’est pas celui de l’austérité, c’est celui de la démocratie, de la solidarité et de la coopération ».
Quelles circonstances?! De toute façon, le Japon était prêt à capituler quand il s’est pris les bombes sur la tronche!…