Billet invité.
Comment le projet économique pour les gens de Podemos est la seule chance de sauver la zone euro de sa déréliction libérale. Comment Syriza peut négocier un programme européen de démocratie financière dès dimanche prochain.
Le complot libéral européen
Thomas Piketty, l’auteur internationalement réputé du capital au XXIème siècle, a été interrogé par Pablo Iglesias Turrion récemment élu secrétaire général du mouvement de rénovation politique espagnole Podemos. A travers le problème du capital et de sa réalité historique sur la longue durée, Piketty rétablit la possibilité d’une causalité réciproque explicite entre l’économie réelle des sociétés humaines et la politique de la démocratie. L’économiste français tient sur la même ligne que Podemos un discours alternatif de l’unité européenne qui ne soit pas celui de la religion féroce. A la déréliction économique et politique assénée à l’Espagne dans une zone euro mise en faillite par les subprimes, Piketty et Podemos opposent la construction possible et nécessaire d’une démocratie de l’euro.
La zone euro sombre dans le surendettement public et privé à cause de l’effacement des pouvoirs politiques. Pour matérialiser l’unité européenne sans solliciter la volonté des Européens, les divergences de réalité politique entre les nationalités et les cultures ont été escamotées dans une monnaie déclarée unique. L’économie des échanges a été dissociée des institutions politiques. Le système bancaire et financier global élabore seul ses normes et sa production de crédit en euro. La liquidité des dettes et des investissements est mesurée par les seules banques au bénéfice exclusif d’actionnaires dissimulés dans les paradis fiscaux institués par les traités européens au cœur même de l’Union.
Pour libérer l’initiative privée et favoriser les échanges au-dessus des disparités de droit des sociétés nationales et régionales, les intérêts communs des citoyens de la zone euro ont été frustrés d’un vrai pouvoir politique démocratique communautaire. Et les gouvernements nationaux ont été neutralisés dans l’abandon de l’essentiel de leur pouvoir de législation et de régulation des échanges. Une norme collective abstraite a été imposée à des acteurs exclusivement privés d’un marché administrativement unique. Dans les faits, il n’y a plus de vrai État pour interpréter et arbitrer les règles économiques dans les sociétés. les États nationaux ne peuvent plus recouvrer sur tous les acteurs économiques le prix fiscal universel de la loi et de la solidarité sociale.
Négation mécanique du travail à l’origine de la richesse
Le marché européen unifié en euro du capital, du travail et des marchandises a dissout le pouvoir efficient des États de droit anciens. Il en est résulté l’anéantissement pratique de toute limitation du calcul financier par la production réelle de biens au service des gens. Les liquidités financières en euro sont venues financer les investissements publics d’un État grec qui n’a pas été structuré pour lever les impôts auprès de tous les bénéficiaires de ses dépenses publiques. Le système bancaire européen a financé mécaniquement la dette publique d’une économie grecque criblée de privilèges et de niches fiscaux.
L’euro circulant hors de tout contrôle public réel, les banques-mêmes ont évaporé la matière fiscale en Grèce au fur et à mesure que l’insolvabilité publique structurelle s’est révélée patente. En Espagne, les banques ont massivement financé la bulle immobilière en corrompant le pouvoir politique national et régional. Les investisseurs espagnols et internationaux ont pu acheter à la puissance publique une appréciation complaisante de la solvabilité des acheteurs et de la rentabilité des projets. La libre circulation du capital en euro divise la responsabilité politique face à la puissance homogène mathématiquement illimitée de l’argent.
La théorie économique libérale qui a fondé la zone euro est dans la dénégation totalitaire de la fonction du travail dans la production des richesses. Au lieu de réintégrer les gens exclus du travail par la spéculation juridique et financière libre sur les équilibres général et local des prix, le système non gouverné de l’euro à engendré des politiques d’écrasement des revenus du travail. Comme le travail des gens qui consomment fait partie des dettes du capital qui en diminuent sa rentabilité nominale, le calcul financier non régulé pousse mécaniquement à équilibrer les dettes non remboursables par la diminution des salaires, des assurances sociales et des investissements publics.
Adosser l’euro à des institutions européennes de la démocratie
Piketty suggère que les pouvoirs politiques en place nient la réalité économique pour conserver la crédibilité qui leur reste auprès des consommateurs qui ne sont plus citoyens. La réhabilitation du citoyen engagée par Podemos en Espagne et Syriza en Grèce est donc bien la seule alternative rationnelle à l’usure financière libérale de l’économie des gens. A la place de la fausse science économique qui ne voit pas le rôle de la délibération des citoyens dans l’équilibre monétaire et financier des prix, Piketty et Iglesias proposent le retour à l’économie politique construite sur la démocratie.
A la technocratie financière de l’euro géré exclusivement par les intérêts privés, il est possible de substituer le dialogue de la Banque Centrale Européenne avec un vrai Trésor Public de la zone euro. Un dialogue qui serait arbitré par un Parlement spécifique à la zone euro. La politique du crédit et de la monnaie doit être négociée entre une responsabilité technique objective et une responsabilité politique subjective représentative de l’intérêt général des citoyens. Le Parlement de l’euro serait issu des parlements nationaux membres de l’euro ; il aurait à discuter le cadre politique objectif qui financerait en crédit d’euro l’économie du bien-être des citoyens européens solidaires.
Podemos a montré dans son projet économique pour les gens que les lois économiques par lesquelles se fabriquent la prospérité de tous les citoyens sont nécessairement issues des procédures négociables de la démocratie. La refondation de la démocratie en Espagne dans une économie européenne et mondiale intégrée passe par la fondation de véritables institutions de la démocratie au moins à l’échelle de la zone euro. A la doxa économique libertarienne qui anéantit l’esprit européen du vivre ensemble, commence à s’opposer une vraie doctrine, en l’occurrence keynésienne, de l’économie.
Comment le capital monétaire garantit le crédit par le travail
Reste à poser les règles concrètement applicables qui vont remettre la finance au service de la démocratie, du plein emploi et du bien-être de tous les citoyens de la zone euro et hors de la zone euro. Le Parlement de l’euro à créer ne peut pas se contenter de formuler des lois communes sans voter des ressources fiscales donnant au Trésor Public en euro la faculté de réguler les transactions financières entre les États, les collectivités publiques, les banques, les entreprises et les citoyens travailleurs consommateurs.
Les procédures européennes de la démocratie doivent permettre de résoudre la faillite actuelle de la BCE et des banques à proportionner la production de crédit à la satisfaction réelle la plus large et la plus durable possible des besoins de tous les citoyens. Il devrait être interdit d’émettre un crédit dont le remboursement soit impossible par l’emprunteur quiconque soit-il. Et si une erreur est commise dans l’anticipation de la richesse à produire, la perte doit nécessairement en retomber sur les propriétaires du capital qui emprunte, avant d’être prise en charge par les impôts des citoyens.
Le Droit et la théorie financière ont déjà établi depuis deux siècles que le capital ne garantit pas effectivement le crédit :
- si un emprunteur individuel physique n’est pas garanti par une société constituée pour porter le capital monétaire qui assure le remboursement de tout crédit ;
- si un capital social n’est pas déposée dans un et un seul État de droit qui arbitre les relations entre la personne morale et la personne physique et entre la personne morale qui emprunte et la personne morale qui prête ;
- si un État de droit n’est pas représenté par un et un seul gouvernement responsable devant les citoyens de la loi appliquée dans le règlement de toute dette en une monnaie, qui le représente exclusivement ;
- s’il n’existe pas de banque centrale de compensation des dettes en monnaie propre à chaque gouvernement et si la banque centrale n’est pas garantie par la solidarité fiscale de tous les États qui en sont les actionnaires.
La réforme de l’euro qui convertit l’économie au service des gens
Appliqué à la zone euro, les principes de la démocratie financière impliquent :
- qu’aucun capital monétaire n’ait le pouvoir de garantir un crédit en euro sans être déposé dans la loi européenne par un citoyen de l’euro représentant la société identifiant un capital réel vérifiable ;
- qu’aucun citoyen en euro ne puisse déposer un capital sans avoir un contrat de travail avec la société qu’il représente, laquelle assure le travail et la rémunération de des personnes physiques empruntant le prix de ce qu’elle s’engage à produire ;
- que le contrat de travail entre la personne morale et la personne physique qui emprunte pour pour elle-même dans sa société soit la condition obligataire du titre de crédit déposable dans une banque contre monnaie liquide ;
- que tout règlement monétaire entre deux personnes par l’intermédiaire d’une banque soit traité comme une option de change à quatre primes négociables séparément auprès de sociétés différentes et complémentaires.
L’option de change est l’assurance financière que les États, les banques et les entreprises s’échangent actuellement pour garantir leurs paiements. Tous les surprix que les travailleurs et consommateurs paient de multiples manières sur leurs salaires et leurs dépenses sont des options de change. Pour qu’une option de change s’inscrive dans le bien commun de la démocratie, il faut autant d’unités de compte monétaire nominal que de sociétés différentes vendeuses d’assurances. Toute prime d’option de change relative à un quelconque paiement se décompose alors en quatre parties :
- la prime d’assurance du travail de la personne physique qui achète,
- la prime d’assurance du prix liquide pour le vendeur du bien promis livrable,
- la prime d’assurance du capital de la société vendeuse du bien livré contre un prix en monnaie,
- la prime d’assurance de la monnaie de la société acheteuse du travail dans le bien livré contre règlement de la personne physique.
Le prix des options monétaires de règlement des biens et services est calculable dans la démocratie si la compensation en liquidité monétaire est organisée par les gouvernements des États de droit en lieu et place du capital financier anonyme actuel. Il suffit donc que le gouvernement fédéral démocrate de la zone euro soit propriétaire et assureur de l’actuel Système Européen des Banques Centrales pour engendrer un équilibre général de tous les prix réels en crédit, capital et assurance libellés en euro.
Voter en monnaie de la démocratie
L’équilibre général des prix n’est plus alors compatible avec le chômage de masse, la destruction du lien social, l’insolvabilité des États de droit et la virtualisation financière de la réalité économique des gens. Ainsi que l’affirme la théorie monétaire keynésienne de l’économie, la satisfaction des besoins des gens par le plein emploi de leurs capacités libres de travail devient effectivement la finalité de l’économie entre des citoyens solidaires par une rationalité réelle et commune.
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