ILS BOUGENT QUAND ILS NE PEUVENT PLUS FAIRE AUTREMENT, par François Leclerc

Billet invité.

Quelle surprise ! le nez sur l’obstacle, les dirigeants européens paraissent abandonner leurs positions guerrières et chercher au dernier moment, comme toujours, à sortir du guêpier dans lequel ils se sont une fois de plus fourrés. En éclaireur, le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem admet publiquement que, victoire de Syriza ou pas, il est nécessaire de continuer à financièrement soutenir la Grèce, qui n’est pas en mesure de revenir sur le marché.

« Quel que soit le nouveau gouvernement, nous allons travailler avec lui » a-t-il annoncé, en précisant : « pour peu que ces derniers [les Grecs] s’en tiennent aux engagements pris (…) nous sommes prêts si nécessaire à faire plus ». Si elle se confirme, cette prise de position prélude à de futures négociations sur les nouvelles mesures d’austérité que la Troïka exigeait sans succès et pourrait permettre à Syriza, en cas de victoire, d’accomplir partiellement sa promesse de desserrer son étau. Car c’est cela le véritable enjeu, commencent à comprendre ceux qui craignent que cela se termine en révolte.

Dans ce contexte, l’économiste grec Yanis Varoufakis – connu pour ses analyses iconoclastes, et qui pourrait participer à de futures négociations côté Syriza – a expliqué quels en seraient de son point de vue les trois objectifs : obtenir des changements significatifs et durables pour les Grecs, permettre à la chancelière allemande de « vendre » l’accord à ses parlementaires, et créer un précédent en Europe afin que celle-ci sorte d’une crise sans fin.

À lire le quotidien allemand Die Zeit, la réflexion aurait également avancé au sein de la Commission, où l’idée d’un troisième plan de sauvetage progresserait, quel que soit le résultat des élections. Une nouvelle réduction de la dette grecque serait envisagée, la remise de peine variant entre 30 et 50 % de la dette détenue par des débiteurs publics (représentant une addition de 80 à 130 milliards d’euros pour ces derniers). La discussion porterait également sur son calendrier de réalisation, l’idée étant de le repousser d’un an ou deux afin d’éviter que la mesure ne fasse école en Europe… Il ne faut pas trop demander !

Imposer une résorption unilatérale de la dette au détriment des seuls débiteurs afin de protéger les créanciers n’est pas tenable, si l’on se réfère aux grands précédents historiques. Comment pourrait-il en être aujourd’hui autrement ? Une différence explique cette cécité : le système financier est devenu beaucoup plus fragile et dépendant des actifs présumés hier sans risques – qui aujourd’hui ne le sont plus – que sont les titres de la dette souveraine. Mais se décider enfin à le reconnaître ne sera pas sans prise de risque financier…

Les élections grecques catalysent l’évolution qui s’esquisse, mais celle-ci a avec la dégradation de la situation italienne une autre raison, plus souterraine. Afin de suivre les déséquilibres qui se manifestent entre les passifs et les actifs des banques centrales de la zone euro, l’Institut allemand Ifo surveille attentivement le système Target 2 (*). Il vient de relever une sortie massive de capitaux en Italie, dont le déficit au sein de Target 2 a grimpé entre juillet et décembre de 79 milliards à 209 milliard d’euros, à comparer avec les 289 milliards de déficit de l’été 2012, au plus fort de la crise de la zone euro. L’Italie reste le grand point faible, à mettre en relation avec la montée en son sein des courants politiques favorables à une sortie de l’euro, si l’on additionne Forza Italia, la Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles, qui représentent ensemble 45 % des électeurs selon les sondages.

Dans l’immédiat, les progrès qui sont enregistrés au sein de la BCE illustrent la nécessité impérieuse de faire face et de dépasser les points de blocage. À défaut de l’unanimité, une large majorité est recherchée en faveur du programme d’achat de titres qui devrait être annoncé le 22 janvier en prélude aux élections grecques, contribuant à les dédramatiser s’il comprend comme probable un achat de titres de la dette du pays. Pour réunir cette majorité, un prix est cependant à payer : la taille et les ambitions du programme seront réduits, impliquant d’y revenir quand un nouvel obstacle surgira. Ce n’est qu’une question de temps.

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(*) Le système Target 2 est géré par l’Eurosystème afin d’enregistrer et de traiter tous les payements dans la monnaie unique des établissements financiers de la zone euro.

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