Retranscription de Le temps qu’il fait le 9 janvier 2015. Merci à Olivier Brouwer !
Bonjour, on est le 9 janvier 2015. Et je viens d’aller regarder quand j’ai fait pour la première fois une vidéo qui s’appelle « Le temps qu’il fait », c’était en décembre 2008. Voilà. Ça fait quoi ? Ça fait six ans, un peu plus de six ans.
Et pourquoi je vous dis ça ? C’est parce que j’ai toujours, le jeudi soir, le vendredi matin, j’ai toujours été content de faire cette vidéo. Je pensais à cette vidéo quelques heures avant, ou quelques minutes avant, en me disant : « De quoi je vais parler ? », et en général, bon, je ne faisais pas un plan très élaboré, je me disais que j’allais parler de ceci, de cela et d’une troisième chose, mais c’est la première fois, c’est la première fois que j’ai pensé que j’allais faire cette vidéo avec appréhension. Avec appréhension. Pourquoi ? Parce que, eh bien, si je ne savais pas exactement de quoi j’allais parler il y a des choses qui s’imposent dans l’actualité. Et moi, je ne suis pas du genre à ne pas désespérer Billancourt, c’est-à-dire que je ne me prends pas pour quelqu’un qui fait partie d’une élite ou qui fait partie des intellectuels qui auraient une responsabilité particulière impliquant en fait de mentir au « peuple », parce que le peuple n’aurait pas les nerfs assez solides pour prendre l’actualité. Le « peuple », eh bien, c’est moi, entre autres.
J’avais écrit dans un papier que j’étais un représentant de l’opinion publique. Mais la personne qui prenait la décision de publier ou non mon papier me disait : « Mais qu’est-ce qui vous autorise ?… » « Eh bien, j’ai dit, mais on est tous des représentants de l’opinion publique » ! je n’ai pas à me justifier : on n’est pas élus en tant que « représentants de l’opinion publique ! » : je représente l’ « opinion publique » au même titre, au même titre qu’absolument tout le monde. Ce n’est pas un titre que je me décerne ! Je fais partie du vulgum pecus ! Voilà. Et c’est à ce titre-là que je parle.
Alors, pourquoi est-ce que j’appréhende cette vidéo-ci ? Eh bien, c’est parce que depuis qu’en fait, j’ai toujours dit à peu près la même chose : on va à la catastrophe. On va à la catastrophe. Alors, les réactions ont toujours été : « Vous avez dû vous lever du pied gauche ! » Ou bien : « Il y a quelque chose dans votre vie personnelle qui justifie que vous soyez particulièrement pessimiste ! » Et ma réponse était toujours la même, c’était de dire : « Non, écoutez, j’ai eu la chance, par l’éducation, peut-être par mon tempérament, que si j’avais des œillères, eh bien, je les aurais enlevées… » Alors, je n’ai pas d’œillères ! Voilà, c’est ça ma valeur ajoutée, et c’est à ce titre-là que je vous dis ce qui va se passer.
Mais la différence, aujourd’hui, c’est que je peux pas dire qu’on va droit à la catastrophe. Parce que on est dans la catastrophe. On est au plein milieu de la catastrophe, ça a commencé. Il y a quelques jours, je m’en étais pris à trois personnes qui déclaraient la guerre officiellement : Monsieur Zemmour, Monsieur Houellebecq et Monsieur Onfray. On me dit : « Oui, il ne faut pas mettre Monsieur Onfray dans la même catégorie… » Eh bien, regardez le texte qu’il a publié sur son blog, à la fin décembre, c’est la même chose, c’est une déclaration de guerre à une partie de la population française, de la population européenne, de gens qui originellement viennent d’Afrique du Nord, mais c’est une déclaration de guerre.
Alors, vous me direz : « Oui mais la première frappe, elle a eu lieu tout de suite après, cz n’étaient pas ces gens-là qui l’ont [faite] » Non, mais souvenez vous, souvenez vous, je crois que c’était en 1938 ou en 1939, mais c’est la France et l’Angleterre qui ont déclaré la guerre à l’Allemagne. La première frappe, ça n’a pas été la frappe [française ou anglaise], mais il y avait un climat. Il y avait un climat où la France et l’Angleterre – je crois que c’était à l’occasion de l’invasion de la Tchécoslovaquie [en fait de la Pologne] – ont déclaré la guerre à l’Allemagne. Ce qui ne veut pas dire que c’est eux qui ont lancé les premières bombes. Voilà.
Alors, on est, voilà, on n’est plus dans la voie qui mène vers la catastrophe. On est dans la catastrophe. Et, comme responsabilités, il n’y a pas que ces trois personnes-là, bien entendu, parce qu’il y a tout le cadre général. Depuis 2007, on sait qu’il faut réparer notre système financier et économique, et depuis 2007, il y a des gens au sommet, qui [s’ingénient à faire] des choses pour empêcher que ça se fasse. Alors, il y a deux interprétations possibles. La première, c’est qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils font, et là, c’est insulter leur intelligence, et la deuxième, la deuxième, je dirais, moins charitable mais probablement la plus réaliste, c’est que ces gens se sont convaincus en 2007 ou en 2008, qu’on ne pouvait pas sauver tout le monde, et alors ils ont pris la décision – ils ont pris la décision – de sauver la première classe. Voilà. Est-ce que c’est la décision qu’il fallait prendre ? Non. Non ! En plus, parce qu’il y avait une solution pour sauver tout le monde. Alors, attendre huit ans pour la mettre en application, c’est avoir perdu beaucoup de temps.
Il y a pire ! Il y a pire : c’est que quand il y a des gens qui viennent, qui disent : « On connaît la solution », et c’est la solution qui est connue depuis 2007 et 2008, et on va la mettre en application, si, à ce moment-là, on sabote délibérément ce que font ces gens-là, d’intention délibérée… je pense à Madame Merkel et ses déclarations sur le fait que si la Grèce veut résoudre les problèmes de l’Europe, eh bien, on va la faire sortir, à Monsieur Schäuble, son ministre des finances, à Monsieur Moscovici, qui vient de faire un tout petit peu machine-arrière, mais s’il a fait un tout petit peu machine-arrière, c’est quand même parce qu’il y a des gens qui ont gueulé en disant : « Ce n’est pas à vous, Monsieur Moscovici, de remettre en question le suffrage universel, ou alors, soyez honnête comme messieurs Friedman et Hayek, allez soutenir l’équivalent des Pinochet d’aujourd’hui, et dites que la démocratie, finalement, ça vous intéresse beaucoup moins que l’économie de marché et que le système libéral. » Il faut, à ce moment-là, parler honnêtement.
On me dit, il y a des gens qui m’écrivent en disant : « Mais oui mais vous n’avez pas eu le temps de lire le livre de Houellebecq. » Oui, mais j’ai entendu des interviews qu’il a données. Et quand on lui demande de faire la liste de ses qualités ou des qualités de son livre, et qu’il met l’irresponsabilité – je ne dis pas : « la responsabilité », l’irresponsabilité – parmi les qualités qui sont les siennes et celles de son livre, euh… Autrefois, on disait « Pauvre France ! », quand on entendait ça, on disait « Pauvre France ! », non sans justification !
L’irresponsabilité, c’est une qualité ? ou bien est-ce qu’on appelle simplement, effectivement ce que je viens de dire : « irresponsabilité » ? C’est de dire qu’on va sauver uniquement les gens de la première classe ? Qu’il n’y aura des chaloupes de sauvetage que pour les gens de la première classe ? Ou bien, on est dans la perspective de Monsieur Mandeville dans sa Fable des abeilles : vices privés, bénéfices publics. Alors, l’irresponsabilité, c’est de faire les choses qu’il ne faudrait pas, c’est de dire : « Je me lave les mains des déclarations que je fais »…
Je pense encore à autre chose. En fait, vous savez, maintenant je vais vous le dire : je connais la solution. Je connais la solution à nos problèmes. Et la solution à nos problèmes, c’est que, voilà, chacun d’entre nous va maintenant concentrer ses efforts, à partir de maintenant, à essayer de devenir milliardaire. Voilà.
Quand je dis ça, il y a deux possibilités. Ou bien je plaisante, et si vous avez vu mes vidéos précédentes, si vous lisez mon blog, vous direz que je plaisante. Ou bien, je peux essayer de faire un effort, maintenant, pour vous dire : « Non non, c’est ce que je pense vraiment, c’est véritablement ce que je pense, c’est ce que je crois que vous devriez faire. » Et si j’arrive à vous convaincre que c’est ça, véritablement, que je pense, vous allez appeler les gens – on disait « de l’asile », autrefois – vous allez appeler les gens de l’hôpital psychiatrique en disant : « Mais il s’est passé quelque chose avec Jorion ! », et vous auriez raison.
Alors, la question que je vous pose, c’est [la suivante] : quand un ministre de l’économie dit la même chose, quand il dit : « La solution à nos problèmes, maintenant, au milieu de la catastrophe, c’est que nous devenions chacun milliardaire », la question que je vous pose, et c’est là-dessus que je vais terminer : comment se fait-il qu’on n’appelle pas les gens de l’asile, quand lui le dit ? Est-ce qu’il dispose – parce qu’on parle beaucoup de ça maintenant – est-ce qu’il dispose simplement d’une protection particulière ? Est-ce qu’il y a simplement un cordon autour de lui, qui fait qu’on ne viendra pas le chercher, qu’on ne viendra pas le chercher pour l’enfermer ?
J’aimerais, j’aimerais terminer sur une « note optimiste » comme on dit. Mon appréhension venait du fait que je savais que je ne le ferais pas. Qu’est-ce que je vais dire, alors, pour terminer ? Parce que je ne baisse pas les bras personnellement ! Je vais dire simplement ce que je disais avant : « Il faut absolument que nous prenions notre sort en mains, on n’a pas le choix ! » Si, le choix, c’est : baisser les bras ou prendre notre sort en mains. On aurait pu compter sur nos dirigeants à partir de 2007, 2008, ils n’ont pas fait leur boulot, par incompétence ou par mauvaise volonté, mais la question ne se pose plus exactement dans ces termes. La question de savoir pourquoi ils ne l’ont pas fait ne se pose plus. La seule chose qui compte pour nous, c’est de savoir qu’on ne peut plus compter sur eux.
Voilà. Alors, eh bien on continue. On continue dans des circonstances qui deviennent de plus en plus difficiles, mais je parlais de ce credo. Je crois qu’il faut que cette espèce continue. Je ne suis pas comme mon maître, Lévi-Strauss, qui dit : « Bon débarras » à l’idée [qu’elle] va disparaître, non, il faudrait qu’on survive. Mais le combat devient extrêmement difficile, et surtout, et surtout, malheureusement, les gens que nous élisons ne participent pas à ce combat pour sauver la mise. Ils participent à la construction de radeaux personnels, mais pas à la solution globale. Pire que ça, je l’ai mentionné, quand il y a des gens qui disent encore : « On va sauver la mise », comme Iglesias en Espagne ou Tsipras en Grèce, on essaye de saboter ce qu’il[s] [font]. Et là, là, il y a une responsabilité, il y a une responsabilité énorme à faire ça, et je me suis élevé contre ça, j’ai fait mon dernier papier dans Le Monde à ce sujet-là. Je me demandais si je n’aurais pas des difficultés à faire passer ce texte, je n’en ai pas eues. Je n’en ai pas eues, voilà un petit élément rassurant !
On continue, on continue dans des circonstances devenues de plus en plus difficiles, mais, voilà. On est peut-être le dernier carré, mais, mes amis, on est le dernier carré ! et on va faire ce qu’on peut ! Voilà, allez, à bientôt !
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…