Billet invité.
Le taux de la dette grecque à dix ans a dépassé le seuil des 10%, mais est-ce en soi si important ? Le taux de plus de 9% à dix ans qui prévalait déjà rendant de toute façon inabordable toute tentative d’aller sur le marché, ce n’est pas sur le marché que cela va se jouer, l’affaire est purement politique.
Que se passera-t-il si Syriza l’emporte le 25 janvier, se demande-t-on un peu partout ? Le journal allemand Bild met en avant la panique bancaire qui pourrait survenir, les déposants retirant en catastrophe leurs euros pour protéger leurs avoirs. Mais comment éviter alors une intervention financière afin que les banques grecques ne s’écroulent, et surtout que leurs consœurs européennes qui y sont exposées n’en fassent les frais ? Même en faisant la part du calcul politique et de la volonté de ne pas braquer les électeurs grecs, la réflexion semble toutefois prévaloir à Berlin, contrairement à ce que Der Spiegel a dans un premier temps laissé supposer.
Dans Die Welt, le président social-démocrate du parlement européen, Martin Schulz, a dénoncé les « spéculations irresponsables » à propos d’une sortie de la Grèce de la zone euro, tandis que l’agence Bloomberg fait état de propos dissonants au sein du Bundestag, selon lesquels un compromis avec Syriza pourrait être recherché sous la forme d’un aménagement des taux et échéanciers de la dette grecque. D’autres spéculations, qui vont dans le même sens, se font jour à propos de la nécessité de constituer un gouvernement de coalition à Athènes, ce qui pourrait faciliter d’éventuelles négociations. Côté Syriza, les colonnes du Financial Times ont été choisies pour distiller un signal en Europe, tout en se plaçant sur un terrain favorable en Grèce : les « oligarques » nationaux qui vivent des marchés de l’État et les trustent par le biais de la corruption, ainsi que ceux qui contrôlent les médias, seront les premiers visés. Coup double, ils sont tous des soutiens de Nouvelle Démocratie, et c’est une manière de signifier que les entreprises étrangères pourront en profiter, obtenant l’accès à des marchés qui leur étaient fermés…
En tout état de cause, Syriza devra négocier sous la contrainte. Le dernier règlement du second plan de sauvetage bloqué par la Troïka faute d’accord sur les nouvelles mesures d’austérité à prendre, le gouvernement grec sera tôt ou tard acculé à faire défaut, ne disposant que d’un ou deux milliards d’euros de trésorerie. Mais dans quel délai ? Selon le quotidien I Kathimerini, le gouvernement commencera à rencontrer des problèmes de liquidité à la mi-mars, date à laquelle 2,5 milliards d’euros doivent être remboursés au titre des intérêts. Cet obstacle pourra probablement être surmonté avec un peu de bricolage financier, expédient qui ne sera plus possible pour les échéances de juin, juillet et août prochains, qui s’élèvent respectivement à 2,6 milliards d’euros, 3,5 et 3,2 milliards d’euros. Ces deux dernières correspondent, selon le journal, à des titres détenus par la BCE arrivant à maturité. Une fois de plus, la banque centrale sera donc le bras armé des autorités européennes, renouant avec son lourd passé interventionniste en Italie, en Espagne, en Irlande et à Chypre, pour s’en tenir à ce qui a été révélé.
Mais les dirigeants européens ont une autre préoccupation d’envergure, qu’ils affectent pour l’instant de minimiser mais qui pourrait prendre le pas sur toute autre : la désinflation s’accentue en zone euro, avec comme mince consolation provisoire que l’inflation sous-jacente (hors énergie et produits d’alimentation) ne connait pas le même plongeon, les prix des services continuant globalement d’augmenter. Certes, la zone euro a déjà connu une période de déflation de juin à octobre 2009, mais celle qui se présente pourrait être durable et s’apparenter à la japonaise, mais selon des modalités différentes. Dans le contexte européen, l’une de ses conséquences les plus notables sera d’accroître le coût du désendettement, de réclamer en conséquence d’autres mesures d’austérité afin d’y parvenir, et d’aggraver les pressions récessives par un enchaînement non voulu de plus. Ne parvenant pas déjà à se concrétiser, la crédibilité du retour à la croissance n’en sortira pas renforcée. C’est toute une politique qui continue de s’effriter et … à faire défaut !
Que les Paul soient des visionnaires, nous le savons depuis Saül de Tarse. En « voyez » vous d’autres ? 🧐