« Sur la lecture des livres » par John Maynard Keynes

La conclusion de « On Reading Books », sur la lecture des livres, allocution prononcée à la BBC le 1er  juin 1936 :

« Un lecteur doit acquérir une familiarité à la fois vaste et universelle avec les livres en tant que tels, si l’on peut dire. Il doit les aborder avec la totalité de ses sens ; il doit les connaître par leur toucher et par leur parfum. Il faut qu’il apprenne comment les tenir en ses mains, comment faire bruisser leurs pages et obtenir en quelques secondes une première impression intuitive de ce qu’ils contiennent. Il doit, au bout d’un certain temps, en avoir touché plusieurs milliers, au moins dix fois davantage que ce qu’il lira véritablement. Il doit parcourir les livres des yeux comme un berger le fait avec des moutons, et les juger du regard inquisiteur et rapide qu’a le maquignon pour le bétail. Il doit être entouré de davantage de livres que ce qu’il lit, vivre dans la pénombre de pages non-lues, dont il connaît le caractère général et le contenu, virevoltant autour de lui. Telle est la finalité des bibliothèques, la sienne propre et celles des autres, privées et publiques. C’est aussi la finalité des bonnes librairies, de livres neufs ou d’occasion, dont il en reste quelques-unes, et dont on aimerait qu’il y en ait davantage. Une librairie n’est pas comme un guichet de chemin de fer que l’on approche en sachant ce qu’on veut. Il faut y entrer ouvert à tout, presque comme dans un rêve, et permettre à ce qui est là d’attirer et d’influencer librement l’œil. Se promener entre les rayons d’une librairie, en s’y plongeant selon ce que dicte la curiosité, devrait être le divertissement d’une après-midi. Abandonnez toute timidité, tout scrupule à vous y adonner. Les librairies existent pour vous l’offrir, et les libraires l’accueillent volontiers, sachant fort bien comment tout cela se terminera. Il s’agit d’une habitude à acquérir dès son jeune âge ».

Keynes, John Maynard, « On Reading Books », 1936, Donald Moggridge (sous la dir.) The Collected Writings of John Maynard Keynes, Volume XXVIII, Social, Political and Literary Writings. Cambridge : Cambridge University Press, 2013 : 329-335

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37 réponses à “« Sur la lecture des livres » par John Maynard Keynes

  1. Avatar de Johan Leestemaker
    Johan Leestemaker

    Et sur la nécessité de la protection de ces machines de l’abolition de la propriété privée et de la défense de la propriété communautaire: les bibliothèques publiques.

    https://bib.kuleuven.be/ub/nieuws/2013/verdere-besparingen-en-mogelijks-privatisering-voor-new-yorkse-bibliotheken

    http://www.reddebibliotecas.org.co/sistemabibliotecas/Paginas/default.aspx

  2. Avatar de Emmanuel
    Emmanuel

    Merci pour ce texte.

  3. Avatar de G L
    G L

    Plutôt que de livres électroniques c’est de bibliothèques électroniques qu’on devrait parler.

    Je souhaite juste faire une remarque qui ne concerne pas la lecture sur écran qui lui est liée: il est possible de transporter une bibliothèque entière (des milliers de livres et même beaucoup plus s’ils ne comportent pas d’illustrations mais seulement du texte) pour un coût qui est du même ordre que celui d’un seul volume papier.

    Par exemple il est possible de télécharger en toute légalité des milliers de livres du domaine public sur http://www.gutenberg.org et de les stocker sur une « carte micro-sd » tellement minuscule qu’il est extrêmement facile de la perdre. Le prix d’une telle carte est du même ordre que celui d’un livre, le site en question est alimenté par des bénévoles.

    1. Avatar de juannessy
      juannessy

      ça fait bizarre de lire le « Candide  » de Voltaire en anglais …

  4. Avatar de louise
    louise

    Oh oui oh oui !!!!!!

  5. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour
    Imaginons JM Keynes se réveillant dans une chambre semblable à celle de la fin de 2001 L’odyssée de l’espace. Il cherche un livre; n’en trouvant pas il sonne et demande des livres à la voix qui l’interroge.
    Un robot entre, roule vers lui et lui tend une liseuse….(pas de pub ici) en lui disant d’une voix de synthèse MM ( Marylin Monroe) Il sont tous là dedans Monsieur Keynes!

    Que fait Keynes? Il se pend ou il investit dans la boîte à livres?

    Cordialement.

    1. Avatar de Béotienne
      Béotienne

      @ Olivier 69
      Il vérifie les sources et fait des recoupements entre les différentes éditions.

      1. Avatar de juannessy
        juannessy

        Béotienne devrait faire de même !

  6. Avatar de Mike
    Mike

    Faisait longtemps que je n’avais posé regard sur ce blog.

    Ça chevrote, ça chevrote…

    L’extrait rapporté ici fait penser à un homme de lettre du 19e qui parlerait de Gutenberg…. L’homme de lettres en question étant par ailleurs anti locomotive à vapeur et autre…

    Bref : un visionnaire.

    Et je vous interdis de me censurer.

    Mouaaaarrrrf

    1. Avatar de Paul Jorion

      Les Trolls, à dose homéopathique, c’est pas grave.

      1. Avatar de rototo
        rototo

        dit autrement les trolls c’est comme les hemorroides tout le monde en a un jour ou l’autre 🙂

  7. Avatar de Duprez Patrick
    Duprez Patrick

    Ce que Keynes décrit si bien correspond à une grande part de la culture générale…
    Je ne sais pas bien ce qu’il aurait aujourd’hui dit, des e-book et de tous les supports électroniques…
    Je sais bien que l’essentiel est de se cultiver et de s’informer, mais attention aussi à la dispersion, à l’instantanéité, aux « faux-amis » et la surinformation à laquelle beaucoup de nous sont soumis aujourd’hui, jusqu’à l’addiction.
    Aura t-on pour autant un monde meilleur et plus juste parce qu’on aura immédiatement réagi en signant une pétition pour une cause a priori juste…
    Je n’en suis pas sûr, même si je le fait souvent, faute de pouvoir faire mieux.
    En tout cas, bravo pour nous faire découvrir cette facette inconnue de la vie de Keynes.

  8. Avatar de juannessy
    juannessy

    Je vais vous faire une confidence , je n’ai jamais lu un bouquin de JM Keynes .

    Mais , comme je lis Paul Jorion , j’ai la sensation bizarre de le connaître par le toucher et par le parfum .

    Et comme je lis Olivier 69 , je pourrai bientôt déclamer tout l’ancien testament ( en français ) ., sans jamais avoir eu une bible en main .

    Mon libraire devient fou .

    1. Avatar de Steve
      Steve

      @Juannessy
      Rien dans les mains, rien sur les rayons, tout le big data récolté sur les blogs dans votre SSD serial ATA crânien! Votre libraire devient fou parce que vous êtes le prototype du libraire du futur!
      Cordialement.
      Steve

    2. Avatar de MEMNON
      MEMNON

      « L’âme d’un être est son odeur. » -Patrick Süskind

      1. Avatar de juannessy
        juannessy

        @Memnon:

        on redoute la proposition inverse , même en serial ATA .

        Cependant Vigneron avait émis une idée de la sorte , il y a peu à propos de Hervé Juvin .

        PS : Je me demande si on perçoit un texte en lecture « Braille » , comme on le perçoit en lecture  » Å’il » .

  9. Avatar de Marie-José Bofill
    Marie-José Bofill

    Merci beaucoup Paul pour cette citation.
    Je ne sais pas ce que ferait John Maynard Keynes s’il se réveillait aujourd’hui, mais il me plait de penser qu’il aurait toujours le même plaisir à entrer dans une « vraie » bibliothèque ou une « vraie » librairie….
     » Il doit être entouré de davantage de livres que ce qu’il lit, vivre dans la pénombre de pages non-lues, dont il connaît le caractère général et le contenu, virevoltant autour de lui. Telle est la finalité des bibliothèques, la sienne propre et celles des autres, privées et publiques. Une librairie n’est pas comme un guichet de chemin de fer que l’on approche en sachant ce qu’on veut. Il faut y entrer ouvert à tout, presque comme dans un rêve, et permettre à ce qui est là d’attirer et d’influencer librement l’œil. Se promener entre les rayons d’une librairie, en s’y plongeant selon ce que dicte la curiosité, devrait être le divertissement d’une après-midi. Abandonnez toute timidité, tout scrupule à vous y adonner. Les librairies existent pour vous l’offrir, et les libraires l’accueillent volontiers, sachant fort bien comment tout cela se terminera. Il s’agit d’une habitude à acquérir dès son jeune âge »
    MJB

  10. Avatar de Hervey

    Trés joli texte de Keynes à propos duquel on peut deviner l’influence de ses amis du groupe Bloomsbury. Eh bien oui, la lecture est bien l’autre nourriture indispensable aux hommes… et pour rendre hommage aux bonnes librairies, j’ai pu remarquer tout le bénéfice que pouvait avoir pour une petite ville la présence d’une bonne librairie. Un espace de liberté, de vie et de fraicheur. La lecture nous rend meilleur, curieux du monde; je comprends pourquoi je suis tout sourire lorsque je passe la porte d’une bonne librairie.

  11. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    Je lis. Et parfois je prends des notes.

    Lecture critique de « Le mathématicien et sa magie: théorème de Gödel et anthropologie des savoirs » de Paul Jorion.

    Dans ce papier PJ instruit à charge contre la « vérité » en s’attaquant aux théorèmes d’incomplétude de Gödel et indique dès l’introduction qu’il pourrait de la même façon instruire à charge contre la « réalité » en s’attaquant au principe d’incertitude de Heisenberg en mécanique quantique.

    Première critique (très) mineure.

    « En 1930, Kurt Gödel démontra un premier théorème mettant en évidence que  » la logique des prédicats de premier ordre est complète  » ; je n’en dirai pas plus. Le second théorème de Gödel, publié une année plus tard, prouve lui que  » l’arithmétique est incomplète « . »

    Le premier théorème est ce que tout le monde appelle l théorème de complétude. Le « second théorème de Gödel » selon PJ est ce que tout le monde appelle le « premier théorème d’incomplétude de Gödel ». Le second théorème d’incomplétude de Gödel (dont Gödel a seulement donné une esquisse de preuve, jamais une preuve complète) établit, entre autres, que la cohérence de l’arithmétique de Peano n’est pas prouvable dans l’arithmétique de Peano. Les preuves tournent autour de l’auto-cohérence des énoncés « je mens » pour le premier et « je suis démontrable » pour le second. PJ passe de l’un à l’autre sans le mentionner.

    Deuxième critique (très) mineure.

    Tout d’abord PJ cible les mathématiciens dans son titre alors qu’il s’attaque dans l’article aux théorèmes d’incomplétude de Gödel et au principe d’incertitude de Heisenberg en mécanique quantique. Or l’immense majorité des mathématiciens ne considère pas Gödel comme l’un des leurs mais comme un logicien¹. D’autre part le principe d’incertitude des physiciens est fortement corrélé à (s’appuie sur?) un théorème mathématique dû à Hermann Weyl concernant la transformation de Fourier², théorème que personne, chez les mathématiciens ou les physiciens, ne songe à remettre en cause. Ce qui, à mon avis, fait porter ces critiques jorionniennes principalement sur les logiciens et les physiciens et non sur les mathématiciens¹.

    Préliminaire à la critique principale.

    PJ: « On admet donc qu’une proposition mathématique est vraie si elle est démontrable. Or le théorème de Gödel avance qu’il existe des propositions arithmétiques vraies qui ne peuvent être démontrées. Il y a donc là au moins un paradoxe. »

    La relation entre démontrabilité et vérité, entre syntaxe et sémantique, fait l’objet du théorème de complétude de Gödel dont PJ a choisi de ne pas parler (cf. supra). Sous sa forme sémantique le premier théorème d’incomplétude est un théorème de théorie des ensembles qui dit qu’il existe une proposition arithmétique qui est vraie dans au moins un modèle de l’arithmétique de Peano mais pas dans tous.

    Critique principale.

    Cette critique principale se concentre (sans surprise) sur la différence entre la notion de vérité et celle de démontrabilité.

    On connaît depuis 1977 d’autres preuves du premier théorème d’incomplétude de Gödel, c’est à dire des énoncés d’arithmétique, autres que celui produit par Gödel, vrais mais indémontrables dans l’arithmétique de Peano: il y a en particulier un théorème de Goodstein (1942) qui produit un énoncé d’arithmétique vrai car démontrable dans le cadre de la théorie des ensembles (en utilisant une récurrence sur les ordinaux transfinis) mais indémontrable dans l’arithmétique de Peano et son axiome de récurrence sur les entiers (Kirby-Paris 1977). Ceci permet de contrer l’une des objections centrales de PJ:

    « comme la vérité de ces propositions n’a pas été établie déductivement, elle doit résulter de l’une des deux autres sources des propositions vraies : soit il s’agit de propositions qui sont vraies par définition, soit il s’agit de propositions qui sont vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. Or il ne peut s’agir ici de propositions qui sont vraies par définition : une proposition qui ne serait pas déductible parce qu’elle est vraie par définition devrait faire partie des axiomes de la théorie, c’est-à-dire faire partie des propositions de base par rapport auxquelles d’autres propositions vraies [théorèmes] peuvent être déduites. Il ne reste donc qu’une seule possibilité : les propositions vraies non-déductibles qu’évoque Gödel doivent être vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. »

    Il y a en effet une troisième voie: celle des propositions qui sont vraies parce que démontrables dans la théorie des ensembles, théorie plus puissante que l’arithmétique de Peano (dont les axiomes, à défaut de tomber sous le sens, expriment des propriétés naturelles que l’on attend des ensembles). On notera que les théorèmes de Goodstein et de Kirby&Paris ne font pas intervenir d’énoncés auto-référents et, par suite, qu’ils ne tombent pas sous la coupe de la deuxième objection centrale de PJ à Gödel (cf. la partie « Critique de la critique).

    En ruinant le programme de Hilbert le théorème d’incomplétude de Gödel ouvre de nouveaux horizons³ entrouverts par Cantor. Pour une idée des horizons ainsi ouverts aux optimistes prométhéens lire le limpide (et très court) article « A quoi sert l’infini en mathématiques? » de Patrick Dehornoy http://www.math.unicaen.fr/~dehornoy/Talks/DymS.pdf (où l’on trouvera la preuve du théorème de Goodstein).

    Conséquence de la critique principale.

    PJ: « La simple supposition qu’il existe en arithmétique des propositions qui sont vraies, alors qu’elles ne sont ni des définitions, ni des propositions démontrables – déductibles – suppose, comme on l’a vu plus haut, que les propositions vraies non-déductibles qu’évoque Gödel doivent être vraies pour la seule autre raison possible pour qu’une proposition quelconque soit vraie : parce que leur vérité tombe sous le sens. C’est très exactement la position platonicienne ».

    Gödel: « La position platonicienne est la seule qui soit tenable. Par là j’entends la position selon laquelle les mathématiques décrivent une réalité non sensible qui existe indépendamment aussi bien des actes que des dispositions de l’esprit humain et qui est seulement perçue et probablement perçue de façon très incomplète, par l’esprit humain. »

    Les théorèmes d’incomplétude sont, comme tout théorème, des idées immuables. Sont-ce des idées platoniciennes, c’est-à-dire participent-ils d’une réalité non sensible? Ces théorèmes sont conséquences des axiomes de la théorie des ensembles, en particulier de l’axiome de l’infini « en acte » dont la vérité ne tombe, à mon avis, typiquement pas sous le sens. Pour cette raison les théorèmes d’incomplétude sont pour moi irréalistes et, par suite, ma position diffère de celle de PJ (et de celle de Gödel?): si ce sont des idées platoniciennes, ce ne sont pas de bonnes idées platoniciennes. Par contre je rejoins complètement PJ à ce stade (et à ce stade seulement, cf. infra) lorsqu’il compare Gödel et Quesalid: le logicien et/ou le mathématicien qui impose l’infini en acte n’est pas différent du magicien primitif qui commandait aux Dieux. Les théorèmes d’incomplétude de Gödel ont changé la vision que certains mathématiciens avaient de leur discipline et il est bien connu que tout paradigme vit au-dessus de ses moyens…

    Troisième critique mineure.

    PJ écrit: « Gödel sera obligé en particulier de faire intervenir la notion de  » classe récursive  » qu’il traitera comme une composante légitime de l’arithmétique. »
    et: « Le second théorème de Gödel recourt à certains modes de preuve parmi les plus faibles : comme ici, la preuve  » par l’absurde  » et comme on l’a vu plus haut, la récurrence ou  » induction complète « , sans que Gödel ni ses commentateurs ultérieurs ne s’en inquiètent. »

    Affirmations étonnantes s’il s’agit de l’axiome de récurrence sur les entiers⁴ qui fait partie des axiomes de l’arithmétique (c’est l’axiome non trivial de l’arithmétique de Peano) puisque Gödel s’en servira évidemment dans sa démonstration (sinon à quoi bon le considérer). Et il semble bien que ce soit le cas eu égard aux références de PJ à Daval & Guilbaud et Poincaré (pour éclairer leurs propos on notera que l’axiome de récurrence sur les entiers en arithmétique de Peano se réduit à un théorème en théorie des ensembles).

    Critique de la critique par PJ de la preuve de Gödel de son premier théorème d’incomplétude.

    Je suis d’accord avec PJ: il est nécessaire d’avoir deux niveaux de langage pour faire un commentaire pertinent des énoncés « je mens » et « je suis démontrable ».

    PJ: « Il [Gõdel] ignore qu’une proposition qui parle d’elle-même ne dispose pas de l’autorité pour le faire – parce qu’elle n’est rien de plus qu’une phrase : seul le mathématicien qui la manipule est à même de faire quoi que ce soit de semblable. »
    et: « C’est dans la croyance en une possible consubstantialité réelle entre la formule codeuse et le message métamathématique codé que Gödel trahit sa conviction platonicienne. »

    Il est pour moi inimaginable que Gödel (qui, en publiant une année auparavant son théorème de complétude -cf. plus haut-, a montré qu’il faisait parfaitement la distinction entre syntaxe et sémantique) ait pu ignorer ce fait. PJ le rappelle d’ailleurs nettement via Dawson: « Dans le brouillon d’une réponse à une question posée par un étudiant thésard, Gödel indiquait que c’était précisément sa reconnaissance de la différence des situations (circumstances) entre la possibilité de définir formellement la démontrabilité et l’impossibilité de définir formellement la vérité qui le conduisit à la découverte de l’incomplétude. »

    Je pense que c’est au contraire PJ qui montre là une profonde incompréhension des preuves des théorèmes d’incomplétude. Comme Wittgenstein.

    Gödel à Wang: « Has Wittgenstein lost his mind? Does he mean it seriously? » Et à Karl Menger: « It is clear from the passages you cite that Wittgenstein did « not » understand [the first incompleteness theorem] (or pretended not to understand it). He interpreted it as a kind of logical paradox, while in fact is just the opposite, namely a mathematical theorem within an absolutely uncontroversial part of mathematics (finitary number theory or combinatorics). »

    Pour moi cette profonde incompréhension tient à ce que, pour Wittgenstein et PJ, il y a seulement deux niveaux de langage et de logique, celui de l’arithmétique avec la logique mathématique classique et le langage naturel avec la logique commune alors que, pour Gödel, il y a un niveau supplémentaire intermédiaire qui est celui du langage de la théorie des ensembles et de la logique mathématique classique, ses théorèmes s’énonçant et se prouvant dans le cadre précis de la théorie des ensembles (ce que reconnaît quasi-explicitement PJ: « pour autant que je puisse en juger je ne pense pas qu’il [Gõdel] se soit trompé sur un plan technique dans sa démonstration »). Il découle de ce qui précède que ce n’est pour moi sûrement pas à ce niveau que Gödel « trahit sa conviction platonicienne ».

    Reste à savoir si la preuve de Gödel est correcte. C’est à ce stade et seulement à ce stade, à mon avis, qu’intervient l’anthropologie des savoirs car c’est là qu’intervient l’opinion exprimée en langage naturel:

    PJ: « L’une des avancées de l’anthropologie structurale que fonda Claude Lévi-Strauss, c’est qu’il devint possible d’appliquer à tout fait de culture des méthodes d’analyse jusque-là réservées à l’anthropologie. Le second théorème de Gödel fait partie des faits de culture, la relation d’incertitude en mécanique quantique également. Une anthropologie des savoirs doit pouvoir prendre ceux-ci comme objet d’étude et les situer dans l’espace de modélisation où se constitue tout savoir, déterminer leurs particularités et mettre en évidence le système de croyance auquel souscrit nécessairement celui qui les formule. »

    Les théorèmes de complétude et d’incomplétude de Gödel s’énoncent et se démontrent dans le cadre de la théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel (la règle du jeu implicite dont parle PJ): ce sont des théorèmes de théorie des ensembles. Il s’agit de théorèmes célèbres qui, je l’ai rappelé plus haut, ont ruiné le programme de Hilbert, Hilbert qui dominait alors la mathématique mondiale. A ce titre il ont été examinés à la loupe, alors et depuis, par les meilleurs esprits, qu’ils soient logiciens ou mathématiciens (certains sans doute motivés par le fait que trouver une faille dans la preuve leur assurait la célébrité). Il y a les partisans de Gödel qui croient en la non-contradiction de la théorie des ensembles (théorie à laquelle s’appliquent les théorèmes d’incomplétude, en particulier le second!) et en la validité de sa preuve des théorèmes d’incomplétude. Il n’est évidemment pas impossible que la théorie des ensembles soit un jour prouvée contradictoire, ou qu’une erreur soit trouvée dans les preuves des théorèmes eux-mêmes (il y a eu des précédents célèbres -Lebesgue, Poincaré, Wiles-) car, en dernière analyse, puisqu’il n’y a pas de définition rigoureuse de la rigueur, l’acceptation de tout théorème (ici des théorèmes d’incomplétude) ne peut être que le résultat d’un consensus, d’une croyance en sa validité.

    Quoiqu’il en soit la comparaison à ce stade (cf. supra pour un autre stade) entre Gödel et Quesalid me semble tout à fait déplacée. Selon moi il n’y a en effet chez Gödel aucun acte de foi dans ses théorèmes d’incomplétude, seulement des preuves dans le cadre de la logique classique avec tiers exclu et celui de la théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel (il a cependant, bien entendu, foi en la validité de ses théorèmes…).

    Remarque terminale.

    On se retrouve donc avec l’utilisation de la récurrence sur les ordinaux pour une preuve « à la Goodstein & Kirby-Paris » de l’incomplétude de l’arithmétique de Peano dans la même situation qu’Euclide plus de deux millénaires auparavant avec l’utilisation de l’axiome de récurrence sur les entiers (ou l’axiome de descente⁵ qui lui est équivalent -cf. la citation de Poincaré par PJ) pour prouver l’irrationalité de la racine carrée de 2, résultat qui a alors ouvert de nouveaux horizons aux mathématiciens prométhéens de l’époque. En écrivant dans « Le prix comme proportion chez Aristote » http://leuven.pagesperso-orange.fr/jorion_prix.htm que ce résultat est « la première défaite cinglante des mathématiques », PJ a, déjà dans ce cas, choisi l’autre camp. Thom va dans le même sens en refusant la résolution « moderne » des paradoxes de Zénon utilisant l’infini actuel (via les nombres « réels » de Dedekind).

    Conclusion.

    Quelle orientation PJ aurait-il dû donner à son papier? Pour moi, sans hésiter, il aurait dû cibler la naturalité des règles de la logique et des axiomes de la théorie des ensembles dans le but de savoir s’ils tombent ou non sous le sens. Dans l’affirmative les théorèmes de théorie des ensembles, en particulier les théorèmes d’incomplétude, tombent alors également sous le sens. J’ai personnellement répondu plus haut par la négative en arguant du fait que l’existence d’infinis actuels ne tombe pas sous le sens.

    Si Platon a raison, si les mathématiques sont aptes à fournir des modèles de la réalité, alors il est clair que la production de modèles mathématiques est un art périlleux qui doit être mené avec la plus grande prudence car, qu’on le veuille ou non, la Science est une entreprise dogmatique (puisqu’elle vise à susciter chez tout observateur la même réaction mentale en face d’un même donné scientifique); c’est d’ailleurs ainsi que je comprends l’acharnement (le mot n’est à mon avis pas trop fort) de PJ contre les idées platoniciennes (et les dérives post-galiléennes lui donnent en partie raison). En visant Gödel PJ a, à mon avis, raté sa cible, en partie faute d’une argumentation adéquate. Je suis convaincu qu’il aurait dû viser le mathématicien-philosophe René Thom, platonicien assumé⁶.

    Thom: « Le rapport entre magie et science apparaît essentiellement comme le rapport entre deux modes de contrôle de l’imaginaire. Dans le premier cas (la magie), l’imaginaire des prégnances se trouve contrôlé par la volonté des hommes (ou de certains hommes, les magiciens, experts en pratiques efficaces); dans le deuxième cas (la science), le contrôle est défini par la générativité interne du langage formel qui décrit les situations extérieures, générativité sur laquelle l’homme n’a plus de prise, une fois fixées les conditions initiales. »

    Dans le cas de Gödel le langage formel est celui de la théorie des ensembles et sa générativité interne est celle de la logique mathématique classique. Dans le cas de Thom le langage formel est celui de la théorie des catastrophes (les catastrophes élémentaires en étant les phonèmes) et sa générativité interne est celle d’une logique nouvelle que je qualifierai volontiers d’embryologique car, pour Thom, « La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l’animal. Il ne fait guère de doute (à mes yeux) que c’est là l’unique manière de théoriser ce qu’est la Logique naturelle ».

    il y a un fossé entre la logique mathématique formelle de Gödel et la logique commune, la logique naturelle, la logique « qui tombe sous le sens ». Il y a également un fossé entre le « continu mystique » (celui que nous procure la perception du temps) et le « continu fantasmé » des mathématiciens. Jeter des ponts au-dessus de ces fossés c’est jeter des ponts entre les idées platoniciennes et la réalité.

    Pour moi l’oeuvre de Thom va dans cette direction. Aussi l’article que PJ aurait dû écrire a pour titre « Mathématiques et magie; théorie des catastrophes et anthropologie des savoirs ». Peut-être l’écrira-t-il un jour? Mon opinion est qu’il y a dans l’approche thomienne une naturalité qui tombe sous le sens et qui donne un réalisme platonicien à ses modèles biologiques et linguistiques.

    1: Thom: « La fécondité des mathématiques et l’impossibilité de prouver la non-contradiction de l’arithmétique sont peut-être ainsi étroitement liées⁷. »

    2: Voir par exemple le théorème 1 de http://josephsalmon.eu/enseignement/M1/tempsfreq.pdf

    3: à ce jour, à ma connaissance, la preuve par Wiles du théorème qui résout la « grande » conjecture de Fermat utilise une récurrence sur les ordinaux.

    4: renvoi au paragraphe « troisième voie » s’il s’agit de récurrence sur les ordinaux.

    5: « toute descente stricte d’entiers positifs s’arrête au bout d’un nombre fini d’étapes ». Cet axiome (qui semble être quasi-tautologique!) est indispensable à la preuve classique (par Euclide?) de l’irrationalité de la racine carrée de 2.

    6: Thom: « En dépit de mon admiration pour Aristote je reste platonicien en ce sens que je crois à l’existence séparée (« autonome ») des entités mathématiques, étant entendu qu’il s’agit là d’une région ontologique différente de la « réalité usuelle » (matérielle) du monde perçu. (C’est le rôle du continu -de l’étendue- que d’assurer la transition entre les deux régions) »

    7: voici la citation dont 1 est la conclusion:
    « La mémoire immédiate, liée à la conscience, se manifeste ainsi: on ne peut, au cours de la même journée, revenir exactement au même état psychique en deux instants différents (…) Nous allons ainsi vers une définition encore plus exigeante de la signification; le caractère signifiant au second degré d’un message ne viendra plus de sa véracité, ni de son accord formel avec le système préexistant, mais au contraire de son aptitude à modifier les systèmes existants, à susciter de nouvelles structures mentales d’accueil. Ceci montre les limites de la pensée formalisée; est formelle toute pensée qui n’est pas modifiée en tant que forme par le passage à travers la communication verbale et pour laquelle le caractère signifiant résulte de la structure formelle de l’expression. Comme un système formel non contradictoire ne contient aucune proposition susceptible de remettre en cause une conséquence des axiomes de signification du système, on ne pourra jamais obtenir ainsi une expression formelle signifiante au second degré; la fécondité des mathématiques et l’impossibilité de prouver la non-contradiction de l’arithmétique [deuxième théorème d’incomplétude de Gödel -l’ajout est de moi] sont peut-être ainsi étroitement liées. »

    1. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      Suite.

      Lecture critique de « Le prix comme proportion chez Aristote »

      http://leuven.pagesperso-orange.fr/jorion_prix.htm

      L’article tourne autour de la règle de trois: a/b=c/d (notation multiplicative) ou a-b=c-d (notation additive). Dans la cité la répartition des trains de vie¹ des citoyens doit, selon Aristote, être proportionnelle au rang de chacun dans la société.

      Préliminaire à la critique.

      J’ai lu qu’Aristote avait étendu la théorie pythagoricienne(?) des proportions quantitatives à une théorie des analogies qualitatives; par exemple analogies structurelles (le carré est au cube ce que le pentagone régulier est au dodécaèdre régulier) ou fonctionnelles (les écailles sont au poisson ce que les plumes sont à l’oiseau). La théorie des catastrophes est une théorie de l’analogie (la première, selon Thom, depuis Aristote). C’est une théorie hors substrat, donc platonicienne, des changements de formes. « Il n’y a de science que du général » a dit Aristote. Pour moi l’exigence de généralité impose à la théorie des proportions, des analogies, d’Aristote d’être elle aussi hors substrat, donc platonicienne.

      Critique.

      Je la focalise sur l’incohérence (à mon avis) de la position de PJ vis-à-vis de « racine carrée de 2 ». PJ considère en effet que l’irrationalité de « racine carrée de 2 » est « la première défaite cinglante des mathématiques ». Mais il accepte par ailleurs la théorie aristotélicienne des proportions, en particulier des proportions continues. Il admet donc entre deux nombres a et b l’existence du moyen terme entre a et b, que l’on soit en notation additive (la moyenne arithmétique) ou, par exigence de généralité, multiplicative (la moyenne géométrique dont l’existence était connue des anciens qui savaient résoudre le problème de la quadrature du rectangle).

      Pour moi la situation est limpide. D’un côté l’existence « arithmétique » de « racine carrée de 2 » exige de faire une hypothèse que l’on peut considérer comme exorbitante, celle de postuler l’existence d’un infini « en acte »; par suite je ne vois aucune objection à ce que PJ y trouve une défaite des nombres car c’est exactement ce que je pense. Mais d’un autre côté l’existence « géométrique » de « racine carrée de 2 » est pour moi incontestable et parfaitement rationnelle: c’est la diagonale d’un carré de côté 1 (qui est bien la moyenne géométrique de 1 et 2 puisqu’un carré ayant cette diagonale pour arête a une surface double de celle du carré unité); par suite je considère que la géométrie sauve les mathématiques de la défaite annoncée par PJ (ouf! 🙂 ).

      Pour moi en mathématiques seule la géométrie et la topologie peuvent éviter le décollage sémantique de l’arithmétique et de l’algèbre livrées à elle-mêmes (ici « racine carrée de 2 géométrique » est du côté du sémantique et « racine carrée de 2 arithmétique » est du côté du syntaxique). Qu’est-ce qui évite le décollage sémantique des mathématiques utilisées en économie?

      Remarque.

      La position de PJ n’a pas varié d’un iota depuis cet article qui date de 1992. En effet:

      http://www.pauljorion.com/blog/2014/11/25/ce-nest-pas-dieu-qui-nous-sauvera-retranscription/#comments

      PJ (commentaire 21): « si le réel est d’essence mathématique pourquoi échoue-t-on à même exprimer le côté et la diagonale d’un carré dans la même unité ? Le diamètre et la circonférence d’un cercle dans la même unité ? La diagonale et le côté d’un pentagone dans la même unité ? Les mathématiques échouent dans les opérations les plus banales sur le monde empirique. »

      Les anciens avaient déjà l’intuition de la différence entre un monde supra lunaire soumis à des lois quantitatives précises et la complexité imprécise du monde sublunaire. Les physiciens actuels du très grand comme du très petit confirment la très grande précision des lois de la physique (le physicien E. Wigner parle même de déraisonnable exactitude). Il semble de moins en moins inconcevable que les « nombres arithmétiques » via le groupe cosmique (alias le groupe de Grothendieck-Teichmüller?) fassent en Physique leur entrée par la grande porte. Je ne vois pas comment qualifier la position que prend PJ autrement que d’obscurantiste.

      1: pour différencier du pouvoir d’achat que j’associe à l’économie chrématistique.

      1. Avatar de Paul Jorion

        La théorie des proportions est d’Eudoxe, contemporain d’Aristote.

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        Merci pour cette importante précision! 🙂
        Je vois que vous bottez en touche, fidèle à votre habitude. 🙂 🙂

      3. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        Fin de la séquence. @ PJ

        http://www.pauljorion.com/blog/2014/11/09/atmosphere-la-connaissance-permet-dagir-par-marie-paule-nougaret/

        PJ (commentaire 12): « BasicRabbit, moi aussi je vais me conduire envers vous avec une très grande courtoisie : je suis prêt à vous offrir une page permanente sur mon blog pour que vous continuiez à nous dire tout le bien que vous pensez de la pensée de René Thom.  »

        Non seulement vous ne tenez pas parole mais encore je considère que vous vous conduisez envers moi de manière discourtoise.

        http://www.pauljorion.com/blog/2014/11/25/ce-nest-pas-dieu-qui-nous-sauvera-retranscription/#comments

        PJ (commentaire 21): « L’action à distance : « Peux-tu ouvrir la fenêtre ? » Et bien que la fenêtre soit à 7 mètres de moi, une simple vibration de l’air sur mes cordes vocales fait qu’elle s’ouvre ! »

        J’explique pour ceux qui ne voient pas passer les balles. Selon l’adage bien connu « action à distance = action magique », alias « le mathématicien est un magicien », vous me provoquez sournoisement.

        Bien que je ne sois pas physicien je vais tenter de répondre à votre commentaire 21.

        Un mathématicien opérant selon les règles de son art ou un jardinier opérant empiriquement avec « l’ellipse du jardinier » sait que tout rayon issu d’un foyer d’une ellipse passe par l’autre foyer après réflexion sur ladite ellipse. Il en est de même pour un ellipsoïde de révolution autour de l’axe passant par les foyers. Si l’ellipsoïde est tapissé d’un miroir une source lumineuse suffisamment puissante placée en l’un des foyers va pouvoir enflammer un matériau inflammable placé à l’autre foyer, même si la distance des foyers est de 7 mètres. Il en ira, à mon avis, de même pour un ellipsoîde réfléchissant le son avec une source sonore suffisamment puissante placée au premier foyer dont la fréquence d’émission est la fréquence fondamentale (ou l’une des premières harmoniques) de la vitre placée au second foyer: la fenêtre ne s’ouvrira pas mais la vitre cassera par résonance, par effet « Castafiore ».

      4. Avatar de juannessy
        juannessy

        S’il faut enfermer la Castafiore dans un ballon de rugby , pour savoir si l’ellipse préexiste au bris de glace dont Gödel , Platon , Aristote , Jorion et Basic Rabbit se demandent si la glace existe , ça sort du domaine de l’arithmétique , des mathématiques , de la logique , de la perception , des conditions cognitives , des prérequis du langage , de l’apprentissage , de la métaphore , de la compréhension , de l’absolu , et de l’abstraction ( mais ça rend plus sympathiques les physiciens , même si un bon  » mathématicien » a tout intérêt à ne pas trop baigner , dans sa jeunesse , dans la doxa physicienne ) !!!

        A vous lire ( enfin , surtout Basic Rabbit qui n’est pas loin d’un ouvrage dans l’édition de la Pléiade ) , je repense aux  » obstacles épistémologiques  » chers à Gaston Bachelard : quand les hypothèses d’un énoncé se multiplient , et qu’elles deviennent plus difficiles à vérifier que les conclusions qu’elles impliquent, il est temps de regarder le problème sous un angle totalement nouveau .

        Si tous ces longs plaidoyers prétendent à une sorte de pédagogie des mathématiques , il serait temps et prudent , au risque de vider la salle de cours , d’en rester à l’énoncé le plus général , clair et concis ( « ce qui se conçoit bien …. ») qui soit e chacune des idées , pur leur laisser l’allure de « discontinuités » dans une histoire , dont je pose l’axiome qu’elle , elle est continue .

        En tous cas, je réclame une trêve pour laisser aux confiseurs et aux libraires , le temps de faire leur  » chiffre » !

      5. Avatar de juannessy
        juannessy

        « ..de chacune des idées , pour … »

      6. Avatar de juannessy
        juannessy

        Le ballon de rugby , c’était pour mieux botter en touche .

  12. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    Travailler sur un grand projet, c’est comme un long voyage dans l’inconnu – et pas toujours très confortable intellectuellement. Les meilleurs compagnons dans cette aventure, ce sont les livres dans les grandes bibliothèques ou chez des marchands spécialisés (malheureusement, il y en a de moins en moins). Celui qui cherche y trouve toujours des inspirations à rajoutera à sa collection d’idées. Dans ce sens, on fonctionne comme les abeilles……..

  13. Avatar de Marcel
    Marcel

    J’aime les livres, les bibliothèques, les librairies, les bouquineries, mais aussi la programmation. Bizarrement, par association d’idée, ce billet m’a fait repenser à un billet de Paul Graham dans lequel il parle de l’espèce d’intuition que les ‘hackers’ développeraient pour les bonnes et les mauvaise technologies, un peu comme la fréquentation physique des livres en bibliothèques permet de repérer ce qui a l’air intéressant ou non dans les milliers de volumes entassés.

    « Over time, hackers develop a nose for good (and bad) technology [..] »

    « I spend a lot of time in bookshops and I feel as if I have by now learned to understand everything publishers mean to tell me about a book, and perhaps a bit more. »

    http://www.paulgraham.com/javacover.html

  14. Avatar de Lucas
    Lucas

    Pour ma part je trouve que les livres comportent souvent trop de mots inutiles, c’est grave…

    1. Avatar de Hervey

      Comme ‘inutile », par exemple ?
      (;-)

      1. Avatar de Lucas
        Lucas

        🙂 Par exemple oui.

  15. Avatar de arciatus
    arciatus

    Keynes, pour déclarer la vérité d’un monde du livre nous parle en premier lieu des livres, dans une perspective d’ abord pleinement sensible, avec leur odeur, leurs valeurs tactiles, la visibilité suggérée de leurs volumes. Keynes m’apparaît ainsi convaincu de ce que c’est par la sensibilité que le réel nous apparaît justement désirable car infiniment riche en indétermination, par opposition au monde idéalisé des concepts. Le grain des choses qui se donnent à nos perceptions est beaucoup plus fin que celui des images telles que la raison les délimite pour construire nos croyances transmises et autres vérités transmissibles entre humains. Si l’animal ne fait pas l’expérience de cette richesse inépuisable, l’homme parlant et écrivant dispose de la liberté de transgresser un tel espace de perception encore tout animal, purement factuel, pour l’introduire dans celui de notre monde du pari rationnel. Mais cependant « dans lequel la perception actuellement discriminée se laisse supplanter par une perception en droit discriminable, et cela à l’infini » ( Etienne Bimbenet, « L’animal que je ne suis plus » p. 288)
    Ne pas perdre le rapport existentiel à la chair sensible, voilà le conseil que nous donne ce très beau texte, comme de se méfier des certitudes bien établies dans leurs limites ?
    Plus vaste encore que ces librairies que dépeint Keynes, la masse de connaissances auxquelles nous accédons par les moteurs de recherche produit-elle encore en nous cette heureuse curiosité de « vivre dans la pénombre de pages non lues » ?

    1. Avatar de Lucas
      Lucas

      « Ne pas perdre le rapport existentiel à la chair sensible »
      Bien vu… car j’ai trouvé curieux son insistance sur l’objet. Et les objets changent vites. Concevoir la chose comme il le fait est peut être un pas de plus dans la ‘réalité’.

      Avec les moteurs de recherche, la boulimie de données peut être comblée mais la connaissance qui en résulte est forcément différente… ou ‘appréhender’ différemment.

    2. Avatar de Lucas
      Lucas

      Désolé pour les fautes… je ne fais pas assez attention!

  16. Avatar de octobre
    octobre

    Une bibliothèque vous accueillera toujours les bras ouverts, et GRATUITEMENT !
    Vous y serez au chaud. Parfois vous affinerez votre esprit critique, d’autres fois ne manquerez pas d’enthousiasme.
    J’en connais qui vienne s’y reposer, y rêvasser, faire une pause… au sein de la civilisation, du tumulte du monde, de la rue et ses rumeurs.
    Au sein même d’une civilisation qui ravage par gavage. Des montagnes de gâchis à perte de vue. N’a-t-on pas honte ?

    Cela n’est pas la vitrine clinquante du marchand d’à côté avec ces souvenirs à deux balles qui va nous changer les idées, ça non !
    Vitrines plus froides que la mort et infiniment hypocrites comme la télévision d’ailleurs.

    1. Avatar de juannessy
      juannessy

      Je confirme . « Mon  » libraire , c’est la bibliothèque municipale , à laquelle je fais quelques infidélités quand elle n’a pas ce que je cherche .

  17. Avatar de octobre
    octobre

    Bibliothèques et librairies : entreprises de la Renaissance.
    Ou, si vous voulez, de belles rencontres qui peuvent vous changer votre vie.

    D’autre part, il est absolument certain qu’Edward Snowden dit la même chose en ce qui concerne l’Internet. Ce dernier peut être vu comme un outil idéal ou une bibliothèque prolongée qu’il faut absolument protéger de l’avidité des marchands.

    La balle est dans le camps du poète, du philosophe et du citoyen dans un même corps armé.
    Oublier l’inventeur qui jamais ne va soulever les draps.

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