Retranscription de Le temps qu’il fait le 19 décembre 2014. Merci à Olivier Brouwer !
Bonjour, on est vendredi, le 19 décembre 2014. Et vous avez peut-être vu, l’autre jour, il n’y a pas tellement longtemps, j’ai fait un billet qui s’appelait, euh je sais plus comment ça s’appelait, mais c’était à propos du film « Total Recall », un film de Paul Verhoeven qui avait été fait d’après une petite nouvelle de Philip K. Dick. C’est donc l’histoire de ce gars qui [s’adresse] à une firme qui fait du logiciel et qui offre aux gens de leur faire vivre des aventures extraordinaires par un implant d’un logiciel dans leur tête. Et alors, les choses tournent mal très rapidement, mais le gars ne sait plus si le fait que ça tourne mal, ça fait partie du scénario qu’on lui a mis dans sa tête, et alors l’histoire démarre sur des chapeaux de roues, parce qu’il finit par se retrouver à la tête d’une rébellion sur la planète Mars, donc c’est vraiment pas mal ! Si c’est ça qu’il a acheté, eh bien il en a pour son argent !
Et j’ai repensé à ça parce que je voyais le journal et je regardais ce qui se passait ! Et je me disais : « Est-ce qu’il y a… » Vous savez, il y a un débat, j’avais dit un truc, je ne sais plus ce que c’était non plus, à propos de Dieu qui n’existe probablement pas, « Ce n’est pas Dieu qui nous sauvera ! », et il y a un long débat qui a eu lieu parce qu’une autre personne a voulu parler de ça, mais on se pose quand même la question : est-ce qu’il y a quelqu’un, vraiment, quelque part, qui essaye de nous épater, qui essaye de faire que les bras nous en tombent le maximum possible, qu’on se dise : « Non, ça c’est pas possible, je n’ai pas encore vu ça, c’est pas possible que ça aille dans cette direction-là, c’est trop fort ! »
Et c’est un peu le sentiment que j’avais à ce moment-là, ce jour-là, et ce sentiment n’a pas tellement disparu aujourd’hui, que, voilà, hein, c’est euh… Moi j’étais gosse dans les années 50, et tout était sur des rails – on imaginait que c’était sur des rails, et ça avait l’air, d’une année à l’autre, quand même, plus ou moins – bon il y avait la guerre froide et des petits machins comme ça, des détails, mais dans l’ensemble, eh bien, la vie, la vie se reproduisait d’un jour à l’autre comme étant un truc prévisible.
Et maintenant, voilà, depuis 2008, même 2007, ça dégringole, on ne peut pas se retourner sans que tout le décor derrière soi soit tombé, ce qui me fait souvent penser aussi à une autre histoire de Philip K. Dick, qui s’appelle « Ubik », dont je sais qu’un cinéaste, je ne sais plus qui c’est, a acheté les droits il y a très très longtemps, et puis personne ne le fait parce que c’est un monde où non seulement tout se déglingue, mais même les quatre dimensions se déglinguent ! L’horizontal cesse d’être horizontal, le vertical, vertical, et ainsi de suite, il y a des distorsions, même dans l’espace-temps, qui deviennent catastrophiques, et là, on est pratiquement là aussi.
Et alors, pourquoi est-ce qu’on n’est pas à ce point, je dirais, déboussolés par ça ? Eh bien, parce que la vie continue. Comme dans ce papier de Boucher, qu’il a fait tout à l’heure, où on nous dit que – je crois que c’est Serge Boucher – qui nous explique que eh bien on s’attend toujours à ce que demain soit pareil à aujourd’hui, et que, quelle que soit la manière dont les choses ont évolué ces jours-ci, ou ces années récentes, on se dit que eh bien, tout va peut-être un jour revenir à la normale, et la normale, c’est le fait que les choses ne bougeraient plus. Et là, voilà, on est en fait dans des processus qui sont des processus qui s’accélèrent dans la même direction, et on ne peut plus, on ne peut plus espérer ça.
Pourquoi est-ce qu’on n’est pas particulièrement catastrophés par ça ? Eh bien, parce qu’il y a les choses de la vie quotidienne, et puis il y a les choses qui nous intéressent. Il y a ce reproche que les amis de Keynes lui font, les amis de Bloomsbury, tous ces artistes qui sont très proches de lui et qui lui reprochent d’être donc fonctionnaire au ministère de la guerre et de se passionner pour ce qu’il fait, voilà. Eh bien parce qu’il y a des problèmes qui se posent, il y a des énigmes, il y a des problèmes à résoudre, du « puzzle solving », des énigmes dont il faut trouver la réponse, et d’une certaine manière, il y a des choses intéressantes pour lui là-dedans aussi, et voilà, c’est ce qu’on lui reproche : « Tu te laisses distraire par le fait qu’il y a des choses intéressantes de ton point de vue, qui te font oublier le cadre dans lequel ça se trouve ».
Et si je vous parle de ça, c’est parce que je termine à l’instant une conversation, qui a duré une heure, avec un de ces chercheurs de l’équipe d’intelligence artificielle de Google, et par Skype, on a discuté, je vais dire avec passion, de ce qu’on pourrait faire ensemble et de l’état de l’intelligence artificielle. Et tout ça, c’est lié à cette robotique, cette robotisation, cette logiciellisation dont on parle sur le blog, avec tous les problèmes d’ordre social et autres, et pas seulement intellectuels, que nous essayons d’analyser ou même de proposer des mesures pour essayer de résoudre les difficultés et l’impact sociétal, comme on dit, que ça a sur la société dans laquelle nous sommes, et sur notre vie de tous les jours.
Mais voilà, pendant une heure, rapidement, on se passionne, on se passionne pour des problèmes, simplement d’énigmes, de « puzzle solving », de choses à résoudre, et en se disant : « C’est formidable ! » Parce que, il faut bien dire, hein, c’est quand même, c’est un des aspects de la nature humaine, c’est notre capacité à nous passionner pour du puzzle solving, pour de la résolution de problèmes. C’est l’aspect « opportuniste » que nous gérons, plus ou moins, plus ou moins bien. Nous inventons des choses qui peuvent nous détruire entièrement, la plupart des gens qui sont des chercheurs ne pensent pas, la plupart du temps, aux implications de ce qu’ils font. Parce que, justement, ils se laissent passionner par la quête, par la résolution de problèmes. Il faudrait le faire plus souvent. Il y a des gens qui y pensent, ils y pensent un peu tard, comme Monsieur Oppenheimer, en se disant : « Tiens, mais quoi, c’est vraiment une bombe atomique que je suis en train de développer, ça peut vraiment tuer des centaines de milliers de personnes ? »
Voilà. Il vaut mieux y penser avant, il vaut mieux, quand on s’occupe de choses qui ont des implications, penser au fait que nous sommes des animaux aussi, pas seulement « opportunistes », mais « colonisateurs », et que nous ne sommes pas prêts, si nous fichons en l’air entièrement la planète sur laquelle nous sommes en ce moment, nous ne sommes pas prêts à aller coloniser d’autres espaces, c’est encore trop compliqué. On peut, oui, comme le calcul a été fait, si on envoie une équipe sur la planète Mars, elle pourra y vivre 67 jours avant de mourir, mais 67 jours, eh bien c’est finalement assez court par rapport au temps que nous pouvons passer sur cette planète[-ci].
Voilà. Des réflexions liées à l’actualité, mon actualité à moi, qui sont liées à ces problèmes qui vont dans toutes les directions, et à cet écroulement généralisé qui se produit autour de nous, mais essentiellement par l’entêtement des gens qui savent probablement en leur for intérieur qu’on leur propose des solutions, mais qui n’en veulent pas, parce que ça dérange leur petite vie, leurs privilèges, dans les trois ou quatre jours, dans la semaine, dans le mois qui vient. Il faudrait quand même qu’ils sortent de cet état. Ça arrivera peut-être, je veux dire, si l’environnement autour d’eux se dégrade davantage, on y arrivera peut-être. Vous savez, vous vous souvenez de ces machines, ces billards électriques où tout à coup il y avait la boule qui était tombée dans un trou, elle ressortait. Espérons que ces gens qui nous dirigent, que la boule saute à un moment donné, pour la remettre en circulation, et pour nous aider à résoudre les problèmes qui se posent autour de nous.
Il y a une autre initiative autour de laquelle on a décidé de faire un grand projet, ça se passait hier, c’est un peu prématuré pour vous en parler, mais voilà, je continue aussi, quand je ne passe pas une heure avec un gars de Google, de l’équipe « intelligence artificielle », je continue à travailler sur des solutions à long terme, sur les problèmes importants qui se posent à nous. Ça a rapport avec ma demande, mon exigence qu’on revienne à l’interdiction de la spéculation. La spéculation, c’est quelque chose de très précis, ce n’est pas simplement de penser à l’avenir de ses enfants ou de vouloir acheter une maison, la spéculation, c’est un truc qui détruit le système économique dans lequel nous sommes, et, bon, ce n’est pas mal, effectivement, de lancer une initiative portant sur le retour à l’interdiction de cette chose qui nous tue à petit feu ou parfois même rapidement, dans la journée.
Voilà, à bientôt.
8 réponses à “LE TEMPS QU’IL FAIT LE 19 DÉCEMBRE 2014 – (retranscription)”
Mr Jorion et Google en collaboration !
Si un robot imitant les affects humains sort dans pas longtemps, on saura d’où cela vient ! 🙂
(Repartez-vous au ‘front’ ?)
En février.
Si notre volonté est absente vous faites un pantin de choix ! 🙂
Quel courage…
Ça vient, ça vient …
Oulalaaa, ça déboule même. Et c’est encore DARPA qui est derrière. Google a déjà racheté trois boîtes qui ont participé avec succès aux concours DARPA.
Se déplacer dans les airs, c’est plus facile que sur le sol. Pas étonnant qu’ils commencent par là.
Les pièces ont l’air de se mettre en place à toute vitesse. Ils en manquent encore combien?
Ça me rappelle une phrase de Terry Pratchett:
« Si on installait un commutateur dans une caverne n’importe où, puis qu’on le flanquait d’un écriteau disant « Commutateur de fin du monde. PRIÈRE DE NE PAS TOUCHER », la peinture n’aurait même pas le temps de sécher. »
Est-ce que « Principe des système intelligents » a été traduit en anglais? Ou est-ce qu’un membre de l’équipe Google est francophone?
Greg Wayne, à qui je parlais, s’est mis à lire tout haut le début du chapitre qu’il voulait lire en premier (construction du réseau) et m’a dit : « Ça devrait aller ! »
On verra !