À JOUER PETIT, ON NE GAGNE PAS GROS, par François Leclerc

Billet invité

Sans y faire la moindre référence, le programme de création monétaire de la BCE qui est dans les limbes équivaudra dans les faits au lancement d’euro-obligations. Mais chut ! il ne faut pas le clamer sur tous les toits ! C’est une des raisons pour lesquelles il continue de susciter de vives résistances, qui devront être vaincues d’ici la prochaine réunion du conseil des gouverneurs, le 22 janvier 2015. L’Eurosystème deviendra en effet détenteur d’une partie de la dette des pays et des entreprises européennes. L’autre raison du refus est qu’il représentera selon ses détracteurs une incitation à lever le pied des mesures de réformes structurelles, ainsi qu’on le constate déjà mais pour d’autres raisons.

Il est prévisible que la décision qui sera prise à cette occasion sera décevante pour les marchés financiers, faute qu’il en résulte un accroissement de 1.000 milliards d’euros de la taille du bilan de la banque centrale, comme cela a largement circulé. C’est à ce prix que la décision pourrait l’emporter face à une opposition qui n’a pas désarmé lors du dernier conseil, tout en étant minoritaire et s’effritant. Les effets qui peuvent être attendus de ce programme a minima seront en conséquence, et cela confirme que l’Europe est bien en train de s’installer pour une longue période dans une situation déflationniste et de faible croissance « à la japonaise ».

La BCE pourra tenter de soutenir le plan Juncker, via un programme mettant l’accent sur les achats d’obligations d’entreprises, mais que pourra-t-il en être attendu de plus ? À jouer petit, on ne gagne pas gros. Et un rendez-vous sera immédiatement pris pour la suite, sous la forme de nouveaux programmes d’achats qui seront attendus, baptisés Q2, Q3, etc., à l’image de ceux de la Fed et avec un temps de retard.

Mais il n’y a pas de commune mesure entre les opérations menées par la Fed, et a fortiori par la Banque du Japon, et ce que prépare la BCE. Laissant entière l’interrogation sur les effets qui pourraient être escomptés d’un assouplissement quantitatif à grande échelle. Ce qui s’annonce s’inscrit parfaitement dans une politique dont la dominante a toujours été de gagner du temps faute de mieux, comme ce qui est en train d’être péniblement négocié en Grèce l’illustre également à propos de la restructuration de la dette, cet autre grand chapitre. Cela ne fait en rien une stratégie et reporte tout simplement les problèmes à plus tard.

Faisons les comptes : une Union bancaire sous-dimensionnée, un programme d’investissement européen à la recherche de son financement, un assouplissement quantitatif à petites doses… Au moins, on ne pourra pas reprocher aux dirigeants européens de ne pas faire preuve de constance quand il faut faire les choses à moitié ! Ils vont avoir une nouvelle occasion d’exercer leurs talents en enterrant la réforme des banques qui traîne depuis la publication en 2012 du rapport Liikanen, que la Commission avait commandé et qui préconisait d’empêcher les établissements financiers de spéculer sur leurs fonds propres en séparant leurs activités, à l’instar de la réforme Dodd-Frank aux États-Unis.

Les mesures envisagées par la Commission en avaient déjà bien arrondi les angles, mais cela n’a pas suffi aux banques qui l’ont fait savoir par tous les canaux disponibles, via leurs organisations professionnelles nationales ou l’Association for Financial Markets in Europe (AFME), l’un de leurs lobbies. Lord Hill, le nouveau commissaire à la stabilité financière, aux services financiers et à l’union des marchés de capitaux, a déjà déclaré que retirer le projet « était une option » s’il n’était pas soutenu par les États membres…

On le savait déjà, il y a réformes structurelles et réformes structurelles.

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