Billet invité.
L’économie mondiale subit une forte pression déflationniste, posant à cette échelle globale une question qui persiste à rester localement sans réponse au Japon : comment en sortir quand on y fait face ? Ce qui n’est pas sans notables incidences, car non seulement une telle pression fait obstacle à la croissance de l’économie, mais elle renchérit le coût du désendettement et en vient à s’y opposer.
Tant que ce phénomène n’était observé qu’au Japon – ou en Europe où il fait son chemin – il restait encore inachevé. Mais, atteignant désormais de plein fouet la Chine, la pression déflationniste se propage, s’accentue et s’auto-entretient. Aux États-Unis mêmes, l’inflation persiste à stagner en-dessous de son taux objectif de 2%, n’incitant pas la Fed à hausser ces taux comme elle le voudrait.
Il faut se rendre à l’évidence : les banques centrales ont su combattre le danger inflationniste avec leurs instruments monétaires, quand il sévissait, mais elles sont démunies devant la pression déflationniste actuelle, qui les prend à contrepied. Souvent critiquée pour sa politique déflationniste, la Chine la subit désormais sans pouvoir y remédier, car tout comme ses consœurs, la banque centrale chinoise est inopérante, s’y étant déjà reprise à plusieurs fois.
Une baisse volontaire des prix des produits manufacturés contribue à cette pression en Chine. Elle a pour objet de tenter de freiner la diminution des ventes à l’export, toujours sans relais sur le marché intérieur, qui crée en retour une surcapacité de production d’acier et de ciment atteignant l’industrie lourde. Une baisse du prix des matières premières y concourt également, en raison notamment de la diminution mondiale de la demande, touchant en particulier le pétrole (auxquels s’ajoutent d’autres facteurs spécifiques pour celui-ci). Mécanismes de la contagion, ces différentes baisses des prix contribuent à la généralisation de la pression déflationniste dans une économie globalisée, même si une baisse des échanges commerciaux y est enregistrée.
Au final, l’appareil productif chinois est en forte surcapacité et une gigantesque bulle financière de crédit s’est constituée, sans autre choix pour les autorités que de l’alimenter, sinon des défauts en cascade en résulteraient, aux conséquences sociales et politiques profondément déstabilisatrices pour le Parti-État. Une redoutable mécanique s’est enclenchée : le shadow banking chinois prospère dangereusement et impose aux entreprises privées, sans accès aux banques d’État, des taux élevés qui alourdissent leur charge financière et accroissent le risque de défauts alors que leurs marges rétrécissent.
Si la Chine n’est pas tombée dans le piège déflationniste, rien n’indique que les pressions puissent y être efficacement combattues. En quête de beau temps, les commentateurs lorgnent du côté des États-Unis, mais ils feraient mieux de regarder l’orage qui s’annonce en Chine. La Banque centrale chinoise s’engage à son tour dans une politique de baisse des taux en vue de favoriser le crédit et de baisser la charge qu’il représente, mais cela a un côté fuite en avant qui rappelle quelque chose ! Qui en profitera en Chine, si ce n’est les grandes entreprises qui trouveront ainsi un répit alors qu’elles participent d’un modèle dépassé, et non toutes celles qui dépendent d’un shadow banking toujours plus indispensable et parasitaire à la fois ? La direction chinoise voulait introduire le marché, mais celui-ci ne lui demande pas la permission pour se faire sa place à sa manière.
Les pays atteints par cette nouvelle maladie de la déflation descendent lentement mais surement les marches de l’escalier. La note de la dette japonaise vient d’être dégradée d’un cran par l’agence Moody’s et son raisonnement mérite d’être suivi. Il repose sur une incertitude accrue à propos des objectifs de réduction du déficit budgétaire et l’expression d’un doute sur les effets des mesures de relance adoptées, en raison des pressions déflationnistes; Il relève les achats massifs par la Banque du Japon de la dette du pays pour s’inquiéter des risques accrus de pertes qu’ils pourraient susciter ; enfin, il met en doute la réalisation des objectifs de diminution par deux du déficit budgétaire d’ici 2015 et la réalisation d’un excédent budgétaire primaire en 2020 », avec comme conséquence la poursuite de l’accroissement de l’endettement.
Et en Europe ? En Europe, tout va bien ! Le commissaire chargé des affaires numériques, Günther Oettinger, vient de déclarer à propos de la France que « les sanctions sont seulement retardées, pas levées » (comme si elles avaient été prononcées). On attend la réaction de Pierre Moscovici, en charge du dossier, dans le cadre de la collégialité qui s’est instaurée.
(suite) (« À tout seigneur tout honneur ») PJ : « il n’est pas exclu du tout que je me retrouve dans la…