LE TEMPS QU’IL FAIT LE 28 NOVEMBRE 2014 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 28 novembre 2014. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 28 novembre 2014. Et pour les gens qui n’habitent pas trop loin de Bruxelles, je rappelle que demain, samedi, à 18h – en fait à partir de 17h30 – on se réunit au café le Vicomte, chaussée de Boondael, au coin de la rue du Bourgmestre, comme on le fait depuis trois ans, et j’ajoute à ça – quand je suis à Vannes – quelquefois des réunions aussi, également, à Conleau : à la guinguette de Conleau. Et d’après les messages que j’ai reçu en relation avec le spaghetti, je sais que demain, nous serons nombreux. Voilà. Mais n’hésitez pas à vous joindre quand même, on arrive toujours à faire de la place pour ceux qui viennent !

Je viens de mettre [en ligne] l’appel mensuel pour le mois de novembre. Nous sommes à la fin du mois, il manque encore de l’ordre de 600 euros pour atteindre l’objectif, et depuis 2009, depuis que la formule existe, depuis que je suis rentré des Etats-Unis et que vous avez voulu me dissuader de chercher du boulot – je ne sais pas si j’en aurais trouvé ! – mais en tout cas, vous avez essayé de me dissuader d’en chercher, et c’était l’époque où on imaginait qu’on allait s’arracher mes talents pour enseigner dans les facultés de Science Économique ou dans les Écoles de Commerce, et, bon, la bataille n’a pas eu lieu ! mais de toute manière, vous m’avez permis de vivre trois ans selon cette formule-là, trois ans jusqu’à ce que la Vrije Universiteit Brussel crée cette chaire, « Stewardship of Finance », et me demande d’en être le détenteur.

Et le blog lui-même, il date de février [2007], et c’est donc sept ans, ça fait sept ans et demi… oui, sept ans et demi, ce qui veut dire que quand j’ai commencé à faire le blog, j’étais, de sept ans et demi, plus jeune que maintenant, et c’est en fait de ça que j’ai envie de vous parler : c’est ça l’idée qui m’est venue en rédigeant cette petite notice tout à l’heure.

J’avais 60 ans et demi au moment où j’ai commencé le blog, et on peut ajouter, donc, sept ans et demi pour calculer mon âge – si on trouve que ce calcul présente un intérêt quelconque ! Mais de quoi je voudrais vous parler ? C’est d’une chose qui m’avait frappé quand mon père a pris sa retraite, ou sa « pension » comme on dit en Belgique, c’est que cet homme qui était un homme actif, qui faisait plein de choses, qui était haut fonctionnaire, qui était professeur d’université, s’est retrouvé à devoir prendre au mot le fait que quand il serait libre, il pourrait s’adonner à la peinture – comme il le faisait déjà occasionnellement le week-end. S’adonner à la peinture, mais ce n’était pas son genre, en fait, de passer toute sa journée à faire de la peinture, bien qu’il l’ait fait et qu’il avait un talent suffisant pour faire des expositions où tous les tableaux se vendaient – provoquant la jalousie de certaines personnes dans mon entourage, qui étaient des peintres professionnels, et qui, eux, disaient : « Non, c’est pas possible  ! », mais voilà !

Et donc, il s’est retrouvé, à l’âge de 65 ans, à devoir cesser ses activités, et ça l’a pratiquement tué. Ça l’a pratiquement tué. Il est mort bien des années plus tard, mais cette période entre les 86 ans où il est mort et les 65 ans, ça fait [21] années à ne pas faire ce qu’il avait envie de faire, ça l’a abîmé, ça l’a déprimé. Voilà !

Alors, moi je me suis dit, à ce moment-là, quand j’ai vu les 65 ans de mon père, je me suis dit : « Arrange-toi pour que ça ne se passe pas comme ça. » Alors, ça ne se passe pas comme ça ! De toute façon, moi, je ne pourrais pas : mon père avait une retraite confortable, avec les choses qu’il avait faites. Moi, si je rassemblais tous les petits bouts de choses que j’ai faites dans différents pays, et surtout, j’ai travaillé essentiellement dans un pays où les retraites qui viennent de l’État sont minimes, et où la retraite que j’aurais pu avoir dans les banques où j’ai travaillé s’est envolée en fumée en raison d’événements que j’ai eu l’occasion de commenter à l’époque, et donc, bon, d’abord je n’aurais pas pu, mais il s’est fait que je n’ai pas eu ce problème de devoir m’arrêter parce qu’on m’obligeait à prendre ma retraite.

Et il y a un article récent, sur le blog, de Michel Leis, qui s’appelle « L’arnaque », et qui nous montre que quand on nous dit qu’on fait monter la retraite de 65 à 67 ans ou des machins comme ça, que dans la réalité, les gens qui travaillent dans l’univers du travail salarié, prennent de fait leur retraite bien longtemps avant, et que c’est un truc pour qu’ils n’atteignent pas le nombre d’années qui leur permet de recevoir une retraite décente.

Quand vous regardez les gens qui font des commentaires sur le blog – parce que moi j’ai été frustré aussi du fait que les commentaires s’arrêtent, j’aimais bien voir les réactions des commentateurs, des lecteurs, par rapport à ce que je fais – si vous regardez les commentaires qui sont faits, vous obtenez une image qui n’est pas fidèle du lectorat du blog. Les gens me disent : « Oui, c’est essentiellement des retraités qui doivent lire votre blog, puisque, regardez les discussions, les gens, bon, l’expliquent en général d’une manière ou d’une autre, qu’ils ont arrêté de travailler à telle et telle époque, on voit bien que c’est parce qu’ils ont dans les 60, 70 ans, 80 ans parfois… » Mais le lectorat du blog, moi je peux le voir à l’aide de l’outil qui s’appelle Analytics de Google, parce qu’il regarde qui regarde le blog – si je veux aller voir les chiffres, je peux les voir – la classe principale d’âge qui regarde le blog, ce sont des gens entre 25 et 34 ans, ce ne sont pas les gens que vous trouvez nécessairement parmi les commentateurs.

On me dit aussi : « Il y a très peu de femmes qui regardent votre blog parce qu’il y a très peu de femmes qui sont commentatrices », et là, d’abord, c’est parce que les commentateurs ou les commentatrices n’ont pas nécessairement un pseudonyme qui signale qu’elles [sont] du genre féminin. Là les chiffres aussi, les chiffres de Google, montrent que les proportions sont de type 46, 47 % de femmes et 54, 53 % d’hommes, ce n’est pas une disparité tout à fait extraordinaire.

Ce qu’il y a, c’est que, eh bien, les retraités ont plus de temps pour faire des commentaires, ou faire les très longs commentaires qu’on voit : il y a des gens qui écrivent – parmi nos commentateurs – il y a des gens qui écrivent parfois, je dirais, une dizaine de pages par jour, vous avez dû voir ça.

Et ça montre que, voilà, on n’est pas morts, et surtout pas maintenant, je dirais, à notre époque, quand on atteint l’âge de 60 ans, de 65 ans, 70 ans, etc. L’autre jour, c’était quoi, c’était lundi, on m’a proposé un projet qui n’avait rien à voir avec ce que j’ai déjà fait jusqu’ici, et il ne m’a pas fallu non plus un quart de seconde pour dire : « Ah oui, quelle excellente idée, c’est très amusant, on va faire ça aussi. » Voilà.

Le temps… et, l’avantage aussi, hein, l’avantage… bon, je vais vous dire un truc. Quand on atteint mon âge, on a moins le souci de faire des enfants qu’avant. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’en général, on l’a déjà fait et qu’on a des petits-enfants. Mais avoir des petits-enfants, ce n’est pas exactement la même chose que des enfants qu’on fait soi-même, et donc on a du temps en plus, et aussi, on dort moins : on dort moins ! Ce qui fait que, si on a la chance d’être en bonne santé – et bon, je vais… [P.J. cherche du bois mais n’en trouve pas] il n’y a pas de bois autour de moi mais enfin bon, je toucherai du bois dès que j’aurai l’occasion de le faire – quand on est en bonne santé, et qu’on n’est pas trop fatigué, qu’on n’a pas trop mal ici et là, eh bien, on a un temps énorme, et aussi, on a des possibilités qu’on n’avait pas avant. Par exemple, eh bien, si on a un peu de notoriété, grâce aux bouquins qu’on a écrits, ou à cause des vidéos qu’on fait depuis, euh, là c’est six ans, et que les gens vous reconnaissent, et qu’on vous invite, eh bien, on a la possibilité de diffuser les idées qu’on a avec, je dirais, avec une caisse de résonance qu’on n’avait pas avant. On a la possibilité, en fait, d’influer sur le cours des événements d’une manière qui n’existait pas.

Parce qu’il y a un processus cumulatif ! Il y a un processus cumulatif : si vous avez des livres, il est important qu’on puisse les acheter, ça c’est important, ou qu’on puisse les lire d’une manière ou d’une autre. Moi, j’avais un manuscrit qui s’appelait « Le Prix », et qui a été mis en ligne sur le blog pendant plusieurs années avant que je trouve un éditeur qui le publie. Ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas la même chose, euh, comment dire ? Le livre se vend – et c’est un livre qui va se vendre en livre de poche dans quelques mois – mais les gens ont le sentiment, je ne sais pas, qu’un livre qui est uniquement disponible sur l’Internet, en ligne, que c’est un livre au rabais qui n’intéresse en réalité personne. On n’a pas la reconnaissance qui est celle du livre imprimé. Bon, les mentalités vont peut-être changer, je l’espère pour ceux qui ont des livres en ligne, mais e nc’est pas considéré comme la même chose.

Voilà. On dispose de temps, on dispose de – quand on a la possibilité de disposer de toutes ses facultés mentales – et j’espère que je ne vais pas recevoir des commentaires me disant : « Mon pauvre ami, vous ne vous rendez pas compte, mais c’est ça qui est déjà parti ! » – on a des possibilités, à l’âge que j’ai, dont on ne disposait pas avant.

Et ça, c’est un message que j’adresse à ceux qui pourraient se trouver dans la situation qui a été cette situation que je regrette, qui était celle de mon père et qui est celle de milliers, de dizaines de milliers, de centaines de milliers, sûrement de millions de personnes, de se sentir un petit peu inutiles, parce qu’on a atteint un âge qu’on vous a mis là comme un couperet, ou qui est là non pas parce qu’on essaye de faire entrer des jeunes – encore qu’on ne le fasse pas beaucoup – pour prendre le peu de place, le peu d’emplois qui restent dans un univers du travail qui n’est pas un univers dévasté, mais dans lequel, malheureusement, nos dirigeants ne prennent pas la peine d’envisager le problème de la manière dont il se pose. Bon, c’est une chose, comme vous le savez, sur laquelle j’insiste beaucoup, il faut revenir là-dessus.

Voilà, euh… Un « Temps qu’il fait » un tout petit peu différent que d’habitude, un message envoyé aux gens qui ont plus de 65 ans, et pour leur dire : « On a besoin de vous ! », pas seulement sur mon blog, on a besoin de vous dans le monde tel qu’il est. Vous avez des ressources qui sont là, utilisez-les, ne vous morfondez pas ! Le monde attend votre contribution : elle est importante. Vous avez compris un certain nombre de choses, vous avez du temps, allez-y, il y a des choses à faire.

Voilà. A la semaine prochaine !

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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