LE JAPON MONTRE LA VOIE À NE PAS SUIVRE, L’EUROPE NE FAIT PAS MIEUX, par François Leclerc

Billet invité

Le Japon, troisième puissance économique mondiale, va-t-il commencer à réduire son endettement ? Cela ne se présente pas bien, et les dirigeants européens feraient bien de s’y intéresser avant de laisser l’Europe s’enfoncer dans une situation de japonisation larvée, qui est chaque jour qui passe confortée par des indices déprimés.

Sous l’impulsion du premier ministre Shinzo Abe, la Banque du Japon poursuit la plus grande opération de création monétaire jamais réalisée, tirant ainsi la carte de la dernière chance. Mais avec quels résultats ? Sorti de la récession en 2012 et connaissant des débuts de croissance encourageants en 2013, le pays est lourdement retombé dans la récession. Ni la faible contribution du commerce extérieur, ni l’augmentation des dépenses publiques n’ont pu l’empêcher. Quant à l’inflation, son timide sursaut est d’une grande fragilité et résulte largement des importations d’hydrocarbures. En conséquence, le premier ministre pourrait annoncer qu’il sursoit à une deuxième augmentation de la TVA, afin de ne pas aggraver la baisse de la consommation. C’était la seule mesure tangible de réduction du déficit budgétaire, au demeurant d’impact modeste.

La stratégie de création monétaire massive poursuivie par Shinzo Abe reposait sur un retour à la croissance de l’ordre de 3 % par an, avec pour objectif de réduire ainsi le déficit et de sortir de la déflation. La combinaison de taux d’intérêt plus faibles et d’un déficit budgétaire moins élevé permettrait de réduire progressivement l’endettement (qui a atteint le niveau de 245 % du PIB au Japon).

Mais ce cercle vertueux ne s’est pas enclenché. Si la baisse des taux est intervenue et l’aiguille de l’inflation a frémi, la croissance n’est pas revenue et le Japon n’est pas franchement sorti du piège de la déflation ; ce qui laisse entier le problème de son désendettement, un problème que le FMI ne manque pas de souligner à chaque occasion. Entre diminuer le déficit et favoriser la croissance, les impératifs sont contradictoires, une situation qui tend à se reproduire.

Que peut alors décider le premier ministre – qui pourrait consolider son assise politique en convoquant de nouvelles élections – si ce n’est continuer de pratiquer la fuite en avant en continuant d’espérer des résultats ? En attendant des jours meilleurs, cela signifierait continuer d’accroître la taille du bilan de la Banque du Japon et de creuser le déficit budgétaire, afin d’essayer de relancer la croissance par l’investissement public.

Placés devant une problématique similaire dans un contexte différent, la Commission européenne présidée par Juncker continue de travailler à un plan d’investissement pluriannuel massif, afin de le présenter à l’adoption du sommet européen de décembre prochain. Le projet actuel reposerait sur la création d’un fonds d’investissement de 300 milliards d’euros, au sein duquel l’apport public ne représenterait que 30 milliards d’euros, ce qui représenterait un effet levier de facteur 10.

Un tel objectif élevé est en effet incontournable, vu les fonds publics qui peuvent être mobilisés. Le fâcheux précédent qui reposait sur une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement (BEI) ne peut être réédité, et l’utilisation des fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES) se heurte au veto allemand. Pour attirer les investisseurs privés en si grand nombre, il n’y a pas d’autres moyens que de les garantir contre les pertes éventuelles du fonds d’investissement dont ils seraient appelés à souscrire les obligations. À cet effet, le mécanisme des Collateralized debt obligations (CDO) serait utilisé, les fonds publics utilisés comme tranche couvrant les premiers risques et les fonds privés bénéficiant des retombées des profits. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre !

David Cameron, le premier ministre britannique, vient de déclarer : « les voyants sont au rouge sur le tableau de bord de l’économie mondiale ».

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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