Billet invité.
Cher Paul,
Tu nous as exhortés à aller voir Interstellar avec une telle insistance que je me suis dit : « Aller, j’ai une demi-journée de libre, peut-être la dernière avant longtemps, j’y vais. »
Et franchement, je trouve que j’ai bien fait. Parce que j’ai compris plusieurs choses. Et une fois que je les ai comprises, je ne peux plus les « dé-comprendre ». Eventuellement les « oublier », mais je ne pourrai pas être totalement dupe de cet « oubli ».
Ce film pose de nombreuses questions capitales, et quelques pistes pour y répondre.
En premier lieu, il montre – pour ceux qui veulent bien le voir – qu’une fois qu’un homme (ou une femme) a un enfant, le monde, à jamais, ne tournera plus de la même façon, n’aura plus le même visage. Et subséquemment, que l’humanité ne peut pas se résumer à 5000 ovules fécondés cryogénisés, à la diversité génétique la plus large possible. Parce que l’humanité est faite de visages et de relations. Qu’un homme (ou une femme) aie des enfants ou n’en aie pas, c’est la même chose, d’ailleurs, sur ce point : « l’humanité » n’est rien tant que ne se trouvent pas en son sein des êtres aimés.
Mais si c’est le cas, alors, elle vaut vraiment la peine de « se casser le cul » ! Ce film m’a ôté l’envie de me ménager, de penser à moi, de me reposer avec la pensée que de toutes façons, le soleil se lèvera demain…
Un jour, quelqu’un m’a dit : « A présent que tu as des enfants, tu dois te sacrifier pour tes enfants. Sinon, il fallait pas les faire ! » Ce film donne une idée de jusqu’où cette réalité peut conduire.
Mais finalement, ça veut dire quoi, concrètement, « se casser le cul », pour nous aujourd’hui ? Eh bien, ça veut dire quelque chose de différent pour chacun d’entre nous. Mais pour tous, ça veut dire… se casser le cul ! 😉
Mais pour avoir vraiment la motivation de se casser le cul, il faut rester dans cette conscience que l’humanité est faite de visages et de relations, et qu’elle en vaut la peine, sinon, c’est peu ou prou « vivons heureux en attendant la mort », ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! En un mot, pour ce qui me concerne, il faut que je me réconcilie totalement avec cette humanité dont je suis partie intégrante.
Oui, finalement, cette demi-journée de « libre » était peut-être bien la dernière avant… avant longtemps ! 😉
A bientôt,
Olivier
159 réponses à “Interstellar, par Olivier Brouwer”
J’ai vu donc Interstellar hier, et oui, c’est bien, je trouve que ça remue dans le bon sens, et cela m’a immédiatement fait penser à cette histoire récente :
La semaine dernière, une Wwofeuse a quitté ma ferme après quelques semaines passée ici. Elle s’appelle S…, et vient de Tasmanie.
Ancienne militante écologiste (elle a 54 ans) elle a vécu longtemps dans une cabane de bois à l’abri d’une vieille forêt pas primaire, mais presque, comme on en trouve encore quelques une par là-bas.
Pendant vingt cinq années, elle a habité son coin de nature avec les êtres vivants alentour, partageant son petit espace de vie, nourrie par cet échange quotidien, et tout ce que la nature peut vous donner quand les conditions de respect sont là…oiseaux, lémuriens rarissimes étaient ses compagnons de route….
Il y a deux ans, elle se rend en ville, à 70 km de là pour la journée comme chaque mois, et le soir, sur la route du retour, c’est l’enfer. Un feu de plusieurs milliers d’hectares vient de transformer en cendre, sa maison, ses compagnons de vie, animaux et végétaux, tout. 3000 personnes sont évacuées par la mer, elle mettra une semaine à savoir si ses voisins et amis sont vivants.
Depuis deux ans, S… est sur la route, n’osant plus s‘arrêter nulle part. Comme un Marine’s au retour de mission, qui ne sait plus pourquoi il est là. Ce qu’elle a vu, ce qu’elle a vécu, c’est l’avenir du monde.
Elle m’a dit avoir recommencé à oser planter des graines chez moi…je vais tacher d’en prendre soin.
Je me souviens d’une phrase qu’elle a dite, que je ne connaissais pas : « Le miracle, ce n’est pas de marcher sur l’eau, le miracle c’est de marcher sur la Terre. »
Elle est venue de Tasmanie à pied ?
Ne lui enlevez pas un point si elle prend l’avion …..la Tasmanie c’est loin et entouré d’eau….
D’après ce que j’ai compris, il y a eu une collecte de la croix rouge après le drame pour aider ceux qui avaient tout perdu.
Aujourd’hui elle vit là dessus, en sachant que ça ne pourra pas durer longtemps. Simplement, elle consacre ce pécule à la recherche d’un nouvel endroit pour vivre.
Contre point utile ou non à cet endroit (les commentaires sont ouverts), voici un extrait de LA VIE SUR TERRE de Baudoin de Bodinat – Editions de l’Encyclopédie des Nuisances :
« il n’y a pas d’autres séjours des morts que ce monde terrestre, et la considérable durée de celui-ci était une consolation à la vie périssable, à la fois que son exaltation. La certitude d’y demeurer en quelque sorte confondu au temps vivant des générations après soi, par tout ce qui avait fait la substance sensible de nos jours et qui ne s’évanouissait pas avec eux; que d’autres liens se noueraient sous les mêmes toits, parmi les même rues, sous les mêmes ciels qui nous précèdent aussi; que d’autres yeux répandraient leur lumière sur ce qui existe, et que la mort ne laisserait pas ces outils inutiles, que ce jardin ne retournerait pas à l’indistinct; que dans la pénombre fraîche du vestibule et les reflets d’eau calme de sa bibliothèque vitrée d’autres mains ouvriraient à leur tour ce volume annoté au crayon dans l’autre siècle; tel était, dans la vie profonde de l’oubli, l’aimable commerce des morts avec les vivants; et notre existence touchait par là à une manière d’éternité. »
Tout ce qui fait que je n’ai jamais pu m’abandonner à Proust .
Séjour des morts ?késako?
« considérable durée de celui-ci ETAIT une consolation à la vie périssable »
En effet, notre avenir étant bien plus incertain qu’il y a quelque temps (ça dépendra de chacun ^^), il en va de même pour cet « aimable commerce », ce dialogue ‘porteur’. hé oui…la nature sera là, mais si jamais (extinction de l’espèce), pour autant que je sache, si nous n’étions pas là, pour nous, rien ne serait.
En d’autres mots, les provisions de cet aimable commerce risquent de disparaitre dans la nature plus vite que prévu.
Dans le train-train quotidien de France Culture, entendu hier une belle parole, celle d’Elie Wiesel.
En guise de conclusion d’un entretien :
« Je pense que l’être humain doit se définir par sa soif. »
Plus de Coluche. Dommage, il aurait pu dire:
Hips! Farpaitement!
ça, c’est de la bonne conclusion!
Et que même, quand il a trop soif, et ben il peut en mourir…de soif … le mec..! Si,si,si…
Surtout avec tout ces bistrots qui ferment!
Si c’est pas malheureux la crise éthyli…heu,non… écomonique!
Sacré Elie, va! Ouais, c’est vrai, Elie, il a pas le cerveau lent, mais au moins il a la wiesel ,comme ça on peut pas le perdre!
Pfff…
“Qu’est-ce qu’exister ? Se boire sans soif”.
JP Sartre.
Avoir soif sans boire plutôt non? décidément je comprends de moins en moins ce Sartre.
C’est sans doute que lui ne connaissait ni la faim ni la soif, ni leurs plus fidèles prétendants.
Il avait le temps de néantiser, quand d’autres ‘se’ néantisaient, le chanceux…